Cameroun : La machine répressive de Paul Biya s'abat sur les cyberactivistes, révèle Jeune Afrique

Biya Armée Image illustrative

Tue, 5 Aug 2025 Source: www.camerounweb.com

L'affaire Ramon Cotta cristallise aujourd'hui toutes les tensions entre le pouvoir camerounais et la nouvelle génération d'opposants numériques. Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, le trentenaire, exilé au Gabon depuis plusieurs années, a été victime d'un enlèvement en juillet 2024 avant d'être extradé "manu militari" vers Yaoundé, une pratique qui soulève de graves questions sur les accords de coopération sécuritaire entre les deux pays.

Nos investigations révèlent que Ramon Cotta, alias Steve Akam, croupit toujours à la prison centrale de Kodengui. Inculpé pour "apologie du crime de sécession", "acquisition illégale d'armes de guerre" et "outrage aux corps constitués", il attend son procès dans des conditions que dénoncent ses avocats. Plus troublant encore, Jeune Afrique a pu confirmer que sa récente lettre d'excuses publique, dans laquelle il renonce à son combat contre Paul Biya, aurait été "extorquée sous la contrainte" selon plusieurs de ses proches.

Cette stratégie de la contrainte psychologique n'est pas isolée. Le cas de Junior Ngombe, coiffeur de 23 ans à Douala, illustre parfaitement cette méthode. Jeune Afrique révèle que son arrestation en juillet 2024, après avoir dénoncé l'incarcération de Ramon Cotta, s'inscrit dans une logique de dissuasion généralisée. Transféré au redoutable secrétariat d'État à la Défense (SED) à Yaoundé, il n'a été libéré qu'après une mobilisation internationale orchestrée par des ONG et des figures de l'opposition.

L'enquête de Jeune Afrique met en lumière une nouvelle forme de répression : celle visant spécifiquement les plateformes numériques. Junior Ngombe avait fait de TikTok son arme de "conscientisation", appelant massivement les jeunes à s'inscrire sur les listes électorales avec un objectif assumé : "Tourner la page d'un régime sous lequel ils souffrent depuis plus de 40 ans."

Cette utilisation stratégique des réseaux sociaux par Youth Standing for Change, l'association de Junior Ngombe, révèle selon nos sources une coordination qui dépasse le simple militantisme individuel. Le pouvoir camerounais semble avoir pris la mesure de cette menace numérique, multipliant les arrestations préventives et les intimidations.

L'affaire Ramon Cotta soulève des questions géopolitiques majeures. Jeune Afrique révèle que son enlèvement au Gabon s'inscrit dans une coopération sécuritaire renforcée entre Yaoundé et Libreville, permettant au régime de Paul Biya d'étendre sa répression au-delà des frontières nationales. Cette pratique, qui bafoue les conventions internationales sur l'asile politique, illustre la détermination du pouvoir à neutraliser toute opposition, même en exil.

La stratégie des "excuses forcées"

Nos investigations révèlent une méthode particulièrement perverse : contraindre les détenus à publier des lettres d'excuses publiques. Jeune Afrique a pu documenter comment ces rétractations, présentées comme "spontanées" par les autorités, sont en réalité le fruit de pressions psychologiques exercées en détention. Cette stratégie vise un double objectif : décrédibiliser les opposants auprès de leurs soutiens et dissuader d'autres jeunes de s'engager dans la contestation.

Le cas de Ramon Cotta devient ainsi emblématique d'une génération d'activistes prise en étau entre leur volonté de changement et une machine répressive qui s'adapte constamment aux nouveaux modes de contestation. Alors que Paul Biya brigue un huitième mandat à 92 ans, la bataille entre le pouvoir et cette jeunesse numérique ne fait que commencer, avec des enjeux qui dépassent largement les frontières du Cameroun.

Source: www.camerounweb.com