Cameroun - La malédiction des opposants qui crient victoire trop tôt

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Wed, 15 Oct 2025 Source: www.camerounweb.com

Yaoundé – Trente-trois ans de tentatives infructueuses. Selon une enquête exclusive de Jeune Afrique publiée ce mardi 15 octobre, l'histoire électorale du Cameroun révèle un schéma implacable : aucun opposant ayant revendiqué la victoire avant les résultats officiels n'a jamais réussi à déloger Paul Biya du pouvoir. Pire encore, tous ont subi de lourdes conséquences.

1992-2025 : trois décennies, trois échecs

Jeune Afrique retrace avec précision cette chronologie de l'échec. Le 21 octobre 1992, John Fru Ndi s'autoproclame chef de l'État au Church Center de Bamenda, affirmant avoir obtenu 38,57% des suffrages. Deux jours plus tard, révèle le média, la réalité le rattrape : Paul Biya est déclaré vainqueur avec 39% des voix. S'ensuivent des "affrontements" où "plusieurs dizaines de personnes sont tuées, des centaines arrêtées". Fru Ndi lui-même est "placé en résidence surveillée pendant près d'un mois".

En 2018, Maurice Kamto tente le même coup de force. Jeune Afrique rapporte qu'il annonce avoir "remporté la victoire" lors d'une conférence de presse à Yaoundé, appelant même Paul Biya à "organiser la transition". Le résultat ? Quelques jours plus tard, Biya est donné "largement vainqueur, avec 71% des voix". Kamto est ensuite "emprisonné début 2019 pour insurrection" et ne sortira que "huit mois plus tard".

Le prix de l'audace

Les révélations de Jeune Afrique mettent en lumière un prix humain considérable. En 1992, les manifestations dans les régions anglophones "dégénèrent" avec un bilan mortel. En 2018, "les manifestations du MRC sont réprimées" et "plusieurs cadres du parti sont arrêtés" avant l'emprisonnement du leader lui-même.

Le magazine dévoile également un détail symbolique poignant : John Fru Ndi "entre dans la mémoire collective comme l'homme qui aurait pu être président". Candidat à nouveau en 2004 et 2011, il ne retrouvera "jamais le même succès populaire". Il décède en juin 2023, "laissant derrière lui un SDF en reconstruction et en perte d'influence".

Une stratégie vouée à l'échec ?

Selon l'analyse de Jeune Afrique, cette répétition pose une question fondamentale : pourquoi les opposants persistent-ils dans une stratégie qui a échoué à chaque fois ? Le média apporte un élément de réponse : en 2018, autour de Maurice Kamto gravitaient "de nombreux anciens soutiens de John Fru Ndi, qui espèrent parvenir enfin à imposer une alternance" au RDPC.

L'espoir de "prendre de court le système et forcer Paul Biya à s'incliner" semble être le moteur de ces annonces prématurées, explique Jeune Afrique. Mais le magazine souligne que le pouvoir a toujours réagi avec la même méthode : d'abord la "froideur" officielle, puis la proclamation des résultats favorables à Biya, enfin la répression des contestations.

2025 : Tchiroma Bakary face au poids de l'histoire

Aujourd'hui, Issa Tchiroma Bakary est le troisième homme en 33 ans à tenter cette stratégie du bras de fer. Jeune Afrique révèle qu'il a annoncé qu'il "publiera dans les prochains jours sa propre compilation des résultats", cherchant à mettre la pression sur Elecam.

Mais le média rappelle un détail crucial : contrairement à Fru Ndi et Kamto, Tchiroma Bakary connaît intimement le système pour l'avoir servi. En 2018, c'est lui qui, en tant que ministre de la Communication, dénonçait "l'usurpation de résultats" par Kamto et le qualifiait de "hors-la-loi".

"Issa Tchiroma Bakary espère désormais que son aventure ne connaîtra pas la même issue que celles de ses prédécesseurs", conclut Jeune Afrique. Mais l'histoire, selon les informations du magazine, suggère que le schéma pourrait bien se répéter une troisième fois, avec les mêmes conséquences pour celui qui ose défier Paul Biya avant l'heure.

Source: www.camerounweb.com