Les audiences foraines, à l’effet d’établir des actes de naissance à certains élèves du primaire, sont bouclées depuis le 19 avril dans plusieurs villes du pays, comme prescrit par le ministre de la Justice. Seulement ce processus a révélé plusieurs problèmes de droit qui pourrait être préjudiciables à l’avenir aux bénéficiaires de ces documents de l’État civil.
Dans plusieurs tribunaux de la région du Centre, les audiences foraines se sont déroulées sereinement. Les tribunaux doivent impérativement vider le processus d’ici la fin du mois pour permettre aux élèves en fin de cycle primaire, n’ayant jamais fait d’actes de naissances de passer leur examen. Une mesure qui a été prescrite le 19 mars dernier par le ministre de la Justice et qui vise à établir près de 80 000 actes de naissance pour des élèves du CM1-CM2 pour le sous-système francophone et de Class 5 et Class 6 pour le sous-système anglophone.
Sur le terrain l’opération fait face aux problèmes de plusieurs ordres. « Certains parents dont les enfants ont des actes de naissance les dissimulent et reviennent pour diminuer l’âge des enfants prétextant qu’ils n’ont pas d’acte de naissance. En plus certains parents veulent qu’on mette comme lieu de naissance, des localités où notre tribunal n’est pas compétent », indique un responsable au tribunal de Ngoumou.
Sur le plan du droit, les problèmes évoqués sont plus pertinents. « Ces audiences portent sur le jugement supplétif d’acte de naissance. Par conséquent le nom du papa ne sera pas mentionné sur l’acte de naissance. Vous imaginez un enfant issu d’un mariage dont le nom du père ne va pas figurer sur l’acte de naissance. Et pour que le nom du père y soit mentionné, il faudra une autre procédure de légitimation d’enfant au cas où il est marié à la mère de l’enfant ou alors reconnaissance d’enfant au cas où il n’est pas marié à la mère de l’enfant », explique un greffier au Tribunal de Monatelé.
« Un autre problème, il s’agit d’une procédure d’urgence et les actes de naissance de ces enfants seront établis sur la base de l’expédition du jugement qui n’est pas un jugement définitif. Il n’y aura pas de certificat d’appel ou de grosse au moment de la production du document de l’État Civil. Juridiquement, il est indiqué que l’acte de naissance soit établi sur la base d’un document définitif qui est la grosse. La conséquence c’est que ces enfants pourront avoir des problèmes à la longue. Par exemple à l’ambassade de France, on rejette tous les dossiers des personnes dont l’acte a été établi sur la base de l’expédition de jugement. Un autre cas, c’est qu’un enfant né hors mariage d’une autre mère, pourraient être attaqués par ceux nés dans le mariage d’une même mère, parce qu’ils pourraient émettre des doutes sur l’authenticité de l’acte établi sur la base de l’expédition de jugement”, explique un autre greffier du même Tribunal.
Selon la carte scolaire de l’année 2022/2023, quelque 1 569 660 enfants du primaire n’avaient pas d’acte de naissance, dont 276 280 du niveau 3 (CMI-CMII). Ce qui a inévitablement porté un coup à leur participation aux examens et concours et la suite de leurs études. Pour sauver l’année scolaire des enfants cette année, le ministre de l’Éducation de base a opté pour une opération d’enregistrement hors-délai de naissance des élèves non déclarés à l’état civil.
Cette opération spéciale s’inscrit dans le cadre du Programme d’appui à la réforme de l’éducation au Cameroun (Parec) qui vise à promouvoir l’apprentissage pour tous dans le pays, financé par la Banque mondiale. Elle bénéficie aussi de l’appui du Fonds des Nations unies pour l’enfance (Unicef). Dans le cadre de cette opération, son homologue de la Justice, Laurent Esso, a instruit les présidents des cours d’appel et les procureurs généraux près lesdites cours de tenir des audiences foraines spéciales dans leurs ressorts respectifs aux fins de la délivrance des jugements supplétifs d’actes de naissance aux élèves en fin de cycle primaire.
De son côté, le ministre de la Santé publique, Manaouda Malachie, a, quant à lui, pris des mesures pour la délivrance rapide des certificats d’âge apparent. A son tour, le ministre de la Décentralisation et du Développement local, Georges Elanga Obam, a demandé aux maires de commune de faciliter la délivrance desdits actes de naissance.