Cameroun : Mbouma Kohomm détruit littéralement l’accord militaire entre Paul Biya et Poutine

Bévue géopolitique, erreur géostratégique ! ?

Tue, 10 May 2022 Source: Le Messager N° 5989

Bévue géopolitique, erreur géostratégique ! ?

Par Sayë (Richard) MBOUMA KOHOMM* « Nous les Russes, nous sommes un peuple de vainqueurs ; c’est dans nos gênes » dixit Vladimir Poutine. L’Accord de coopération militaire signé le 12 avril 2022 entre la République du Cameroun et la Fédération de Russie, représentées par les ministres de la Défense des deux pays, est de mon point de vue, une bévue au plan géopolitique et une erreur en positionnement géostratégique de la part des dirigeants actuels de l’État camerounais ! Pourquoi ?

Bévue géopolitique …

La géopolitique est l’art de concevoir et d’appliquer une politique de gouvernance sur un territoire. Le Territoire du Cameroun est confronté depuis plus de quatre ans, à une guerre de sécession dans sa partie anglophone et aux attaques terroristes dans sa partie septentrionale. De surcroit, depuis l’arrivée au pouvoir Suprême de Paul Biya, il n’a de cesse d’être secoué par de nombreux soubresauts politiques auxquels s’ajoutent d’indicibles souffrances socio-économiques des populations. Croire aux solutions imposées par la force brutale des armes, est à l’évidence, une illusion. Même si, par analyse erronée, d’aucuns peuvent penser qu’avec l’aide des puissances militaires étrangères, ils pourront venir facilement à bout des problématiques politico-sociales qui sont la cause de l’instabilité que connaît le Cameroun. Une analyse intelligente des causes profondes du problème « anglophone » mais aussi, du mal-être des autres particularités régionales, auxquelles s’ajoute le fléau de l’obscurantisme terroriste de Boko Haram, permettrait de comprendre qu’elles sont aussi bien exogènes qu’endogènes. Exogènes par l’enracinement des germes de division introduits par les puissances coloniales britannique et française au lendemain de la première guerre mondiale ; endogènes du fait de gouvernance calamiteuse – notamment – celle des gouvernements successifs du Président Paul BIYA. Le règne de l’autocratie, de l’injustice et le triomphe de la prévarication ont ébranlé tous les fondements d’unité et de construction d’une Nation camerounaise harmonieuse et prospère. Idéal pour lequel beaucoup de patriotes camerounais ont sacrifié leurs vies. D’où les menées séparatistes, le repli tribaliste et identitaire, l’enrôlement facile de certains jeunes égarés dans des idéologies obscurantistes et le brigandage ! le recours à des forces armées étrangères, non seulement ne pourrait constituer une solution, mais pourrait, si l’on n’y prend garde, offrir à bon compte un prétexte à d’autres puissances étrangères, d’encourager durablement la déstabilisation du 2 pays pouvant aboutir à brève ou longue échéance, à sa fragmentation, à en faire une « Syrie » africain ! Or, les solutions à nos problèmes ne pourront être à rechercher que dans un dialogue approfondi, consensuel et sincère, à une priorisation de l’éducation et de la formation professionnelle des jeunes, à un investissement massif et à la mise en œuvre d’une politique volontariste de développement économique dans toutes les régions de manière équitable et l’amélioration des conditions de vie pour tous. Au plan sécuritaire, par un renforcement inédit des moyens de défense et une véritable coopération avec les pays voisins.

Primauté du Droit ou consécration de la barbarie d’État ?

Saluer ou reconnaître la pertinence de cet Accord – probablement par soutien mutatis mutandis, à l’oligarchie militarobelliciste de Moscou – de la part de celles et ceux, au Cameroun ou à l’extérieur, se proclament opposants au Régime dit de « Renouveau », ou qui pâtissent de ses méfaits, me paraît hâtif et ne peut que laisser dubitatif quant au caractère sérieux de l’engagement politique des uns, du niveau de compréhension des enjeux planétaires des autres. Aussi, me semble-t ’il nécessaire à ce effet, de faire ici un bref rappel de l’Histoire, matière qui devrait toujours servir d’enseignements pour une meilleure compréhension des dynamiques intemporelles des enjeux d’intérêts et de suprématie des nations permettant, éventuellement, à tout patriote consciencieux et à tout esprit sérieux, d’apporter sa contribution à la construction d’un avenir viable pour les générations futures. 1) Rappelons donc qu’à la Conférence qui se tint à Berlin du 15 novembre 1884 au 26 février 1885 pour le partage de l’Afrique, participèrent outre l’Allemagne, la France, le Royaume-Uni, la Belgique, le Portugal, les Etats-Unis d’Amériques, etc., mais également la Russie, en la personne de sieur Pierre, compte Kapnist Représentant de l’Empereur de toutes les Russies ; ainsi que la Turquie, en la personne de sieur Méhemed Saïd Pacha, Vizir et Haut dignitaire, représentant de l’Empereur des Ottomans. Si donc, à l’issue de cette inique joute, la Russie n’eut sa part de colonies en Afrique, c’est tout simplement parce qu’elle fut occupée à massacrer et chasser de leurs terres, les peuples de Mongolie, de la Toundra et ceux des steppes de Sibérie dans une conquête d’annexion de territoires pour agrandir son « hinterland ». Elle ne fut donc pas, pour ces peuples, moins impérialiste et colonialiste que l’Occident ! 2) Si les chefs africains d’avant ce funeste évènement, à savoir : Soundiata Keita et son fils Mansa Musa (Empire du Mali 1312-1337), Faran Maka Boté (Empire Songhaï XVIe), Aho Houegbadja (Royaume du Bénin 1645-1685), Chaka Zulu (Royaume 1816), Lukeni Lua Nimi (Royaume du Kongo 1390-1560), au lieu de se laisser séduire par des sornettes propagées par missionnaires des religions importées (Islam, Christianisme), de se laisser bernés par mauvais esprits étrangers – facteurs de divisions et préludes aux futures défaites –, mais avaient compris qu’il fallait s’unir pour former un ensemble fort et invincible, allant d’Akakus (Libye) à Zambèze, de Malagasy à Suñu gaal (Sénégal), nous constituerions aujourd’hui, nous Africains, une véritable Union des Nations Africaines (UNA) ; maîtres d’un continent qui rivalise rait avec les autres en terme de puissance ! 3) A la sortie de la seconde guerre mondiale, les grandes puissances s’étant constituées en deux blocs rivaux et antagonistes : celui de l’Est (l’URSS et ses satellites) et celui de l’Ouest (USA-EuropeCanada-Japon-Australie), certains leaders des pays du Sud voulant préserver leur indépendance, se réunirent en avril 1955 à Bandung (Indonésie), pour créer le Mouvement des Non-alignés. 29 pays y participèrent dont six pays africains représentés par leurs leaders : N’Kwamé Nkrumah du Ghana, Abdel Gamal Nasser d’Egypte, Hailé Sélassié d’Ethiopie, William Tubman du Liberia, Sanusi 3 Idriss 1er de Libye et le Soudan. Après son accession à l’Indépendance, le Cameroun présidé par Ahmadou Ahidjo y adhéra. Á contrario, au début des années soixante, plusieurs pays africains devinrent communistes et choisirent le modèle soviétique : La Guinée d’Ahmed Sékou Touré, le Congo d’Alphonse Massamba-Débat et de Marien Ngouabi, l’Angola d’Agostino Neto, le Bénin de Mathieu Kérékou. Ayant connu de fortunes diverses, les gouvernants de ces pays ont depuis lors, changé d’idéologie. En mars 1969, un conflit a opposé la Russie à la Chine pour une question de frontière entre les deux pays dont le tracé, imposé par la Russie tsariste à la faible dynastie Qin, demeure latent, nonobstant les proclamations d’amitié entre les deux superpuissances. Le même type de différent existe entre le Japon et la Russie. Si, par tentation de suprématie ou de défense d’intérêts économiques et énergétiques de l’une ou de l’autre, survenait un conflit majeur entre ces deux « amies » de l’Afrique, dans quel camp se rangeront les admirateurs de Poutine et de Xi Jinping ? 4) Si l’on exècre tant et voue aux gémonies l’Occident impérialiste et colonialiste, raciste et pilleuse des richesses de l’Afrique, pourquoi les jeunes Africains, les élites corrompues et autres ploutocrates cherchent-ils par tous les moyens, au risque de leurs vies – s’agissant des premiers – à émigrer en Occident et non en Russie ou en Chine pour trouver des emplois, et pour les seconds, à s’y rendre pour jouir des biens de consommation ou pour bénéficier des soins sanitaires qu’ils sont incapables de développer dans leurs pays ? Il est donc impératif et urgent que la jeunesse et les peuples africains comprennent définitivement que ni les Russes, ni les Chinois, ni les Occidentaux ne viendront faire la révolution à leur place pour changer leurs conditions de vie. Chacun de ces peuples a fait la sienne ; qui ont fait d’eux, ce qu’ils sont aujourd’hui ! Par conséquent, l’incessante réminiscence des crimes remontant à la Traite négrière, à l’esclavage arabomusulman ou à la colonisation de l’Afrique ne saurait justifier aux yeux de tous ceux qui militent pour la primauté du Droit : droit des personnes, des peuples, des nations et des États, une posture qui pourrait ressembler à une complicité passive, quand on manifeste ostensiblement un soutien aux massacres barbares et aux génocides perpétrés par des États totalitaires, hier comme aujourd’hui, en Afrique comme partout ailleurs ! Exprimer un soutien à la guerre de la Fédération de Russie en Ukraine, c’est trouver des excuses à Adolphe Hitler et aux dirigeants nazi, responsables de la Shoa, à la Turquie, responsable du génocide des Arméniens, à Pol Pot et à ses acolytes le massacre de 4 millions de Cambodgiens, aux dirigeants Hutus qui ont éliminé un million environ de TUTSI au Rwanda, à l’Armée coloniale française qui a massacré plus de 500.000 BÄSA et BAMILÉKÉ ! Mais aussi, c’est cautionner les forfaitures perpétrées par des régimes despotiques qui perdurent au Pouvoir dans certains pays africains….

Erreur géostratégique ?

Dans le domaine diplomatique et de la coopération internationale, une géostratégie intelligente est le discernement tactique avec lequel un État gère ses relations extérieures avec les autres États. Le but étant, la préservation des intérêts supérieurs et le bien-être de son peuple. Chaque pays indépendant et souverain, a le droit de conclure et de signer des Accords et des Traités avec d’autres pays similaires. Mais au moment où Vladimir Poutine et sa clique, n’acceptant pas les changement apportés par la Pérestroïka initiée par Mikhaïl Gorbatchev et Boris Eltsine et, nostalgiques de la période bolchévique de la grande Union des Républiques Socialistes Soviétique (URSS), de Lénine à Staline – plus 100 millions de morts dans les Goulags, les Pogroms et les famines –, envoient leurs forces armées envahir l’Ukraine 4 au mépris de toute les règles du Droit international en massacrant son peuple pour rétablir l’Empire perdu – atavismes des barbaries qui remontent à l’époque d’Ivan le Terrible ! – en menaçant de surcroit la planète entière d’une troisième guerre mondiale, la signature d’un tel accord constitue de mon point de vue, une erreur géopolitique regrettable. Car, malgré son contenu générique, une lecture attentive décèle facilement les sous-entendus et les non-dits, pouvant donner matière à interprétation. Si d’aventure, par fuite en avant ou par folie, la Russie mettait sa menace nucléaire à exécution, elle sait que la riposte sera instantanée et foudroyante ! Quels en seront les survivants sur la planète ? C’est pourquoi, les superpuissances occidentales, la Chine ou la Fédération de Russie, n’étant essentiellement que des prédateurs qui veulent faire de l’Afrique leur juteuse proie et des Africains, leurs larbins, en tant que patriote camerounais, soucieux de l’avenir de mon pays, je pense qu’en matière de coopération économique ou sécuritaire, il serait plus judicieux et mieux avisé de se rapprocher des pays aux ambitions moins hégémoniques ou impérialistes comme le Vietnam, la Suède ou Taïwan. Et surtout, pour sa Défense et sa Sécurité, un pays comme le Cameroun devrait compter d’abord sur une industrie et un génie militaire programmatiques propres. Hélas, dans ce domaine comme tant d’autres – industrielle, économique, monétaire ou social –, l’absence criante de vision stratégique de la part des gouvernants qui perdurent au Pouvoir ne peut que laisser perplexe tout observateur préoccupé par les tourments d’un pays promis à un bel avenir !

Source: Le Messager N° 5989