Ngaoundéré fait particulièrement sa mue ces derniers mois, dans sa rue principale désignée Avenue des banques. Ici, au moins trois immeubles sont sortis de terre, donnant un aspect plus urbain à la capitale régionale. Évidemment, c’est sans compter ces nouveaux bâtiments administratifs particulièrement érigés dans les quartiers Mardock et Mbibakala-Hosséré. On peut y voir spécialement le Centre hospitalier régional (CHR), les logements sociaux, les délégations régionales du Minepat, du Minhdu, du Commerce, la nouvelle préfecture, etc. Les nouveaux quartiers comme Selbe Darang, Rep Yanga, Dar Es Salam, Beka-Hosséré, entre autres, considérés comme résidentiels, gratifient la ville de belles bâtisses et divers habitats modernes. Pourtant, le centre-ville de Ngaoundéré est encore parsemé de huttes, de taudis et de cases. Toute chose qui donne l’aspect d’un bidonville à la capitale du Château d’eau. Un bidonville, selon le Programme des Nations unies pour les établissements humains, étant «la partie défavorisée d’une ville caractérisée par des logements très insalubres et construits par les habitants avec des matériaux de récupération, une grande pauvreté et sans aucun droit ou sécurité foncière».
Curieusement, ce sont ces quartiers ayant donné naissance à la ville de Ngaoundéré, constituant majoritairement le centre urbain, qui s’apparentent aux plus démunis. Le cas du quartier Bali. Sis au centreville, il est entouré au sud par le quartier administratif, au nord par le quartier Tongo pastoral, à l’est par le marché dit Grand Marché de Ngaoundéré non loin du Lamidat, et à l’ouest par l’hôtel de ville. Mais dans ce quartier, des cases en matériaux provisoires constituent l’essentiel des habitations ; et leurs habitants vivent dans des conditions précaires. De fait, on argue avoir opté pour une architecture traditionnelle, sortant des concessions en boue et tenues par une ossature en bambou et en piquets. Mais, l’usure du temps les a défraichies et le quartier globalement n’a plus grand-chose d’attrayant. Le triste décor présente ainsi des habitats spontanés aux toitures pratiquement rouillées, des pistes cahoteuses. C’est dans ce méli-mélo ou l’on peine à distinguer les rigoles et les pistes que se dresse encore tant bien que mal une maison bâtie il y a six décennies. «J’ai hérité de cette maison construite des années avant l'indépendance du Cameroun.
C’était la propriété de mon père qui est décédé depuis 1989. Aujourd’hui, étant fragilisée par le temps, elle présente des signes d’effondrement ; sur ses coins, à travers des trous, on aperçoit l’intérieur étant à l'extérieur. Mais je ne peux rien faire puisque je n’ai pas vraiment les moyens pour la retoucher», confie Adda Maari, autochtone du quartier Bali. Loin d’être un cas isolé, plusieurs autres concessions du quartier sont dans un état critique. CONSTRUCTIONS ANARCHIQUES ET ZONES À RISQUES Ce paysage est semblable dans beaucoup d’autres quartiers du centre-ville de Ngaoundéré. Il en est ainsi de Tongo Galdima, Mboumdjere, Yarbang, Aoudi, quartier Haoussa, entre autres. «Non seulement Ngaoundéré n’a pas été tracée, elle n’a en plus pas un véritable plan d’urbanisation, à l'exception de quelques secteurs. Aussi, les autorités compétentes ne semblent-elles pas jouer pleinement leurs rôles dans la modernisation de cette ville. C’est pour cela que la misère et la précarité persistent encore dans cette agglomération», croit savoir Saidou, une personne du troisième âge habitant le quartier Aoudi. Il suffit d’arpenter les couloirs tortueux de ces quartiers centenaires de Ngaoundéré, pour constater qu’il y a encore de nombreuses huttes, mais qui en plus sont menacées de ruine. L’on croirait avoir en face des maisons abandonnées ou encore non habitées depuis des lustres.
Que nenni ! Leurs occupants et la précarité ne font plus qu’un. D’ailleurs, certains habitants, prétextant ne plus avoir accès aux terres au centre-ville de Ngaoundéré, ont carrément élu domicile dans des zones à risque. Et bien sûr, c’est sans les moindres ordres et sécurité. Au bord des rivières, des routes, au pied des monts et dans plusieurs autres zones marécageuses, ils sont bien installés. Les quartiers Onaref et Socaret, Burkina en sont l’illustration parfaite. Pourtant, il y a quelques années, du temps du magistère du délégué du gouvernement Hamadou Dawa, de grandes campagnes de déguerpissement des populations ayant pris d’assaut les flancs du mont Ngaoundéré en particulier, avaient été initiées.
Lesdites campagnes n’ont manifestement pas été efficaces, les habitations s’étant multipliées ces dernières années sur ces sites interdits. De nombreuses couches défavorisées, mais aussi des personnes nanties y ont créé de nouveaux quartiers. D’aucuns se justifient tant bien que mal : l’occupation des zones à risque et les constructions anarchiques sont le fait des difficultés d’accès aux terrains, conformément à la réglementation en vigueur. «C’est compliqué d’avoir un terrain dans les zones réglementaires. Nous, les démunis de la société, n’avons pas droit aux parcelles conformes pour la construction puisqu’elles sont réservées aux riches », décrie Youssoufa, habitant du secteur Abattoir au quartier Baladji 2. A en croire ces occupants des zones à risque, les coûts de plus en plus exorbitants des terrains et les papiers à fournir ne facilitent pas la construction de maisons dignes de ce nom.