Avant l’arrivée des Européens, n’importe quel village Bamiléké avait la possibilité et le loisir de faire du commerce. Les échanges étaient en effet les seuls moyens de se procurer les biens qu’on ne produisait pas. L’économie était dominée par le commerce et l’agriculture, deux domaines très étroitement liés.
Le commerce
Bien que les chefs de village, les grands notables, et leurs épouses ne se livraient pas directement (personnellement) aux activités sociales (à cause du prestige de leur rang social), c’est pour eux que s’effectuaient les échanges les plus rémunérateurs comme les ventes d’objets de valeurs tels que les peaux de fauve, le batik, les costumes de danse, l’ivoire, les sièges sculptés, etc. Dans les chefferies, les serviteurs dévoués faisaient le commerce pour le compte. Quant aux notables, ils faisaient appel à des proches ou à des « garçons de marché » appelés « nsepnta » pour écouler les marchandises qu’ils voulaient vendre. En tant qu’intermédiaires, ils venaient périodiquement faire un rapport de leurs activités et remettre leurs gains ou des objets d’échanges sollicités. En contrepartie, après un certain temps, ils pouvaient recevoir en titre de gratification par leur maître soit une femme, soit une petite fortune pour continuer à leur propre compte ; les jeunes recevaient généralement des terres où ils s’installaient.M. Sourmies, dans son mémoire sur l’émigration Bamiléké dans le Mungo, déclare : «…le Bamiléké est un commerçant né. Dans son pays, il commence à fréquenter le marché, empaqueté sur le dos de sa mère. Il y revient plus tard pour vendre des poulets, des cochons et, c’est tout juste s’il n’y meurt pas ». C’est dire que les Bamiléké ont appris très tôt à commercer, principalement parce que le commerce une activité capitale pour eux à cause de la pénurie des terres de cultures qui touchait nombre de leurs localités.
La place du marché
L’analyse de la carte de M. Moisel de 1912 révèle la présence dans de nombreux villages Bamiléké, de plusieurs sites de marché. à Bazou et Bandjoun, Balengou et à Bana, etc. Cette présence notoire se justifie par le souci d’autonomie des quartiers des localités, l’importance démographique de certains quartiers, mais aussi la volonté des Bamiléké à être proches des zones d’échanges. Avant l’implantation européenne, la chefferie était le seul endroit de rassemblement de la population (forte densité de la population). Les marchés des chefferies se tenaient sur la grande place où se pratiquaient habituellement les grandes coutumières. Cette place est généralement précédée d’une porte monumentale avec un toit couvert de paille. Le fait que la chefferie soit proche des marchés était une garantie de sécurité, car les serviteurs qui surveillent la chefferie pouvaient intervenir sur le marché pour assurer la police.
Le marché est un espace organisé avec ses institutions et ses règles, que chacun des intervenants, vendeurs, artisans, etc., maîtrisent et appliquent selon un ordre irréversible et permanent. Le marché commence au lever du soleil, vers 6 heures du matin. Vers midi, il commence à se décanter, et se vide habituellement vers 3 heures de l’après-midi. Les marchés Bamiléké sont un cadre où l’on découvre les ressources, les goûts, le mode de vie et le tempérament de la population, bref la vie profonde du pays. En effet, les hommes et les femmes s’en vont au marché pour prendre des nouvelles, se retrouver, parler entre eux. Comme exemples d’anciens pôles de commerce importants en région Bamiléké, nous avons les marchés de Bandounga, et de Bazou au Sud-Est de la région, le pôle Fopuvanga, Fotsinga, Fondjanti, Bakoudji et Bakou au Sud-Ouest, etc.