Dans son ouvrage intitulé « Cameroun- France Macron dans les bruits d’Ongola »J, acques Blaise Mvié décrit les relations complexes entre la France et le Cameroun. Il évoque entre autres les postures insalissables du président Paul Biya qui peut être à la fois un révolution et bon élève de la France.
Renaître de ses cendres comme ce phénix dans la tradition grecque, le président Paul Biya en a fait sa spécialité dans sa gestion du pouvoir politique au Cameroun. Tous les prédécesseurs du président français, Emmanuel Macron, ne le démentiront d’ailleurs pas. De François Mitterrand (1981-1995) à François Hollande (15 mai 2012 au 14 mai 2017). En passant par Jacques Chirac (17 mai 1995 au 16 mai 2007) et par Nicolas Sarkozy (16 mai 2007 au 15 mai 2012). Comme tous les grands leaders africains, le président Paul Biya, dès son accession à la magistrature suprême, a toujours cru en une Afrique libre, digne et décomplexée.
Celle qui ne doit pas dépendre de l’aide liée à l’extérieur, mais qui par le travail est source de dignité et de bonheur. En décidant de diversifier le partenariat du Cameroun, le président Paul Biya s’est attelé, avec une grande agilité diplomatique, sans tambours ni trompettes, à signifier à sa manière, son refus de faire des énormes richesses du sous-sol camerounais, la malédiction que celles-ci sont devenues pour leurs habitants dans d’autres pays africains.
Alors, la grande question qui a commencé à tarauder les esprits, après un si long règne de 40 années : comment le président Paul Biya, dont le caractère anticonformiste agace depuis de longues années les hommes d’Etat français, a-t-il pu réussir à demeurer à la tête du Cameroun ?
Ce révolutionnaire discret, pas de la trame du tribun révolutionnaire à la Thomas Sankara, dont les rêves se muent parfois en une sorte de volontarisme aigu et pamphlétaire à l’égard de la France, mais un révolutionnaire sans extase qui aura eu, dès son accession au pouvoir en 1982, de grandes ambitions pour son pays.
Bon élève
P our tenter d’expliquer l’origine de cette inimitié entre les deux dirigeants français et camerounais, ceux qui n’ont pas la mémoire qui flanche, parlant du président Ahidjo, citent une correspondance que Jacques Foccart adresse à l’époque à François Mitterrand, fraichement élu en 1981 :
« l’agent camerounais s’est pris beaucoup de marge de liberté au point de devenir presqu’incontournable, il faut très rapidement lui trouver un successeur et s’assurer que celui-ci reste sous contrôle ». Quand le président Paul Biya accède au pouvoir le 6 novembre 1982, après la démission du président Ahmadou Ahidjo, il sait qu’en dehors de quelques obligations de vassal ordinaire, chacun de ses gestes sera désormais observé minutieusement. Aussi que le moindre de ses faits sera analysé. Ses approbations guettées. Et même ses moues, passées à la loupe avec parcimonie.
Déjà, le jour où François Mitterrand arrive au Cameroun en 1983, un coup d’Etat était en gestation. Mais aussitôt informés, Edouard Akame Mfoumou, Michel Meva’a m’Eboutou, Joseph Owona et le Général Pierre Semengue vont très vite organiser une réunion secrète au domicile de Jean Foumane Akame. Celle-ci a pour objectif de mettre en place un plan de contre-offensive dont la mise en branle doit concomitamment partir d’Ebolowa où sont stationnées les troupes commandées par le colonel Ebogo Titus, celles de Douala qui ont à leur tête le colonel Pierre Ondoua Essomba et celles de Koutaba.
A l’occasion, on apprend aujourd’hui que le général Pierre Semengue s’était réfugié à Akok-Bekoe, près de la petite ville d’Akono, chez son ami et frère, Clément Obouh Fegue, à l’époque Directeur Général de la Société Nationale des Eaux du Cameroun (SNEC). C’est d’ailleurs ce même plan qui avait permis de contrecarrer le putsch du 6 avril 1984, quelques mois après. Il faut déjà rappeler en passant qu’après sa démission, l’ancien président Ahmadou Ahidjo a aussitôt perdu de son pouvoir d’attraction au sein de la grande élite du Sud où il venait pourtant de compter de nombreux lieutenants. On aurait même pu dire que parmi les tenants de ladite élite, nul tambour de guerre n’aurait pu résonner pour réclamer véritablement son retour au pouvoir. Ainsi, le 20 juin 1983, lors de sa visite officielle au Cameroun qui avait duré deux jours, François Mitterrand prend ouvertement position en faveur du président Paul Biya.
« Nous sommes à l’aise avec vous », a-t-il déclaré pour la circonstance dans son speech très applaudi, avant de clamer à haute voix son soutien au nouveau président en ces termes très édifiants : « je vous apporte le salut de la France, votre amie ».