Profitant des propos maladroits tenus par un émissaire du chef supérieur Bamendjou à Bagam, les partisans de Mathurin Mouoyebe Zossie, récemment libéré de prison, proclament sa légitimité, face à son frère soutenu par l’administration.
Difficile de dire jusqu’à présent qui règne sur le groupement Bagam. Depuis peu, le camp de Dieudonné Fontendop Zossie, le chef reconnu par l’administration, se fait discret alors que celui de Mathurin Mouoyebe Zossie se fait plus bruyant. Des images surprenantes d’une entrée triomphale au bercail ont circulé, dans un contexte où l’intéressé était interdit de séjour à Bagam. Sur les pancartes fabriquées avec des moyens de bord pour la circonstance, il n’a pas échappé aux observateurs que ses partisans soutiennent désormais que c’est le président de la République en personne qui a ordonné la libération de leur chef, dont la légitimité saute aux yeux.
Des jours auparavant, Mathurin Mouoyebe Zossié a été aperçu sur des images avec S.M. Jean Rameau Sokoudjou Chendjou II, l’emblématique et controversé chef supérieur des Bamendjou, dans sa propre cour, dans les Hauts Plateaux. Les commentaires les plus enflammés parlaient de son adoubement par ce dernier, au regard de son incontestable légitimité. Interpellé sur la question par des confrères, Fô Sokoudjou Chendjou II crie à la manipulation sur les réseaux sociaux. « Honnêtement, je ne sais pas qui est qualifié pour être chef à Bagam. D’ailleurs, à quel titre devrais-je le savoir ? », s’indigne le monarque dont l’image a été fortement écornée dans l’affaire. « Il n’y a aucun pacte traditionnel entre Bagam et Bamendjou.
Donc il ne m’appartient pas d’en décider », clarifie-t-il. Puis il assène le coup de grâce. « Mathurin Zossie s’est réfugié dans ma chefferie, au motif qu’il était en insécurité là-bas. Je l’ai accueilli. Puis une délégation des notables Bagam est venue me voir pour me rassurer que les conditions étaient réunies pour qu’il rentre. J’ai seulement envoyé mes notables pour l’accompagner. S’il y a des gens qui sont sûrs que je peux imposer un chef à Bagam, c’est leur problème ». Son porte-parole à Bagam a cependant tenu des propos ambigus, qui ont laissé penser qu’il avait choisi ce camp. Vendredi, 5 janvier 2024, des sources à Bagam indiquaient que ce dernier vit depuis lors dans la case de sa mère, dans une chefferie mise sous scellés.
Ordre public
Les mouvements de Fontendop Zossié sont par contre moins tracés. Certes il reste le maître du jeu, selon l’administration. A Baham, lors du Comité de coordination administrative pour le compte du deuxième semestre 2023, le lundi 20 novembre, le gouverneur de la Région de l’Ouest avait été clair, au sujet de cette succession à problème. Selon Augustine Awa Fonka, Dieudonné Fongtendop Zossie est le seul et l’unique chef reconnu de ce groupement de 2ème degré. « Ma position n’a pas changé. Les consultations ont eu lieu. Le chef Dieudonné Fongtendop a passé huit mois de règne après son initiation au La’akam. Et subitement, quelqu’un sort de nulle part pour contester un testament qui a été présenté sans lui-même par celui qui lui donne droit à cette chefferie », avait-il dénoncé.
Il indiquait alors que seule son homologation est attendue de sa hiérarchie, le ministre de l’Administration territoriale. « En attendant l’homologation de la hiérarchie, nous continuons à assurer le maintien de l’ordre. Nous condamnons d’ailleurs avec la dernière énergie les partisans qui sont sortis perturber la tournée de pacification de celui qui a été présenté aux autorités administratives comme chef de 2ème degré de cette localité ». Dans la foulée, et entérinant un arrêté du préfet des Bamboutos, il avait déporté Mathurin Mouoyebe Zossie, ordonnant qu’il soit détenu à la prison principale de Bafoussam, pour « 15 jours renouvelables » aux motifs de « trouble à l’ordre public, incitation à la rébellion et usurpation de titre ». L’ordre a été renouvelé et des recours en libération auprès du tribunal de Bafoussam n’ont pas prospéré.
L’article 2 de l’arrêté du même gouverneur, qui ordonne la levée de sa garde à vue administrative, le 18 décembre 2023, précise : « l’intéressé est tenu d’éviter désormais toute ingérence dans les affaires de la chefferie du groupement Bagam, ou tout acte susceptible de troubler à nouveau l’ordre public dans ledit groupement et dans ses environs ». Advienne que pourra… Ses partisans ne l’entendent pas de la même façon. Les problèmes de Mathurin Mouoyebe Zossie ont pourtant commencé lorsqu’ils ont décidé de faire le siège de la préfecture, pour exiger sa libération.
« Le 16 novembre 2023, ses partisans ont attaqué le cortège de Sa Majesté Fongtendop Zossie Dieudonné qu’ils ont séquestré, provoquant ainsi des affrontements alors que la tournée de pacification et de réconciliation entreprise quatre jours plus tôt par le chef légitime de Bagam se passait sans incident », accusait également le gouverneur. Trois morts ont été enregistrés. « Rien, mais alors rien, ne me fera reculer dans l’accomplissement de ma mission : celle de conduire le peuple Bagam vers son plein épanouissement avec dextérité et la bénédiction de nos ancêtres qui m’ont légué ce pouvoir depuis le 1er août 2020.
Je voudrais surtout inviter les ennemis de la paix à revenir à de meilleurs sentiments et de se joindre aux nombreux fils et filles Bagam qui le désirent, pour apporter un message de paix et de réconciliation aux populations », avait réagi Dieudonné Fongtendop Zossie, au lendemain des incidents. Celuici avait déjà failli être assassiné en mai 2021, lorsque son frère s’était autoproclamé chef et avait lancé une offensive sur la chefferie, avec l’onction d’une faction de notables. Dans ce groupement frontalier du NordOuest en crise, la situation reste très tendue