Après avoir frôlé un incident diplomatique avec Yaoundé, suite à ses propos jugés déplacés par le gouvernement, l’ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun a déclaré lors du 224e anniversaire de l’indépendance de son pays, que «nous ne sommes pas obligés de nous mettre d’accord».
La 224ème fête nationale des Etats-Unis d’Amérique n’est pas passée inaperçue à Yaoundé. Peter Henry Barlerin, ambassadeur des Etats-Unis au Cameroun, a choisi le 3 juillet dernier, l’hôtel Hilton de Yaoundé, pour recevoir pas moins de 300 invités, parmi lesquels de nombreux membres du gouvernement. Louis Paul Motaze, ministre des Finances ; Alamine Ousmane Mey, ministre de l’Economie, de la planification et de l’aménagement du territoire ; Grégoire Owona, ministre du Travail et de la sécurité sociale ; Henry Eyebe Ayissi, ministre de l’Agriculture et du développement rural ; ou encore Issa Tchiroma Bakary, ministre de la Communication, étaient présents.
Mais également, le secrétaire d’Etat auprès du ministre de la Santé publique, le ministre délégué aux Transports, ainsi que le président du Conseil constitutionnel, Clément Atangana. Tous, coiffés pour la circonstance par Adoum Gargoum, représentant du gouvernement de la République du Cameroun à cette cérémonie, et non moins, ministre délégué auprès du ministre des Relations extérieures, chargé des relations avec le monde islamique. Après les honneurs au drapeau par un détachement des Marines de l’ambassade, Peter Henry Barlerin prononce son discours de circonstance. Le diplomate, qui a serré la main aux convives, revisite d’entrée de jeu la coopération entre les USA et le Cameroun. Il loue en même temps le volontariat américain à travers le «Peace Corps», avant d’exprimer ses «vives félicitations à trois étudiants camerounais admis dans les académies militaires aux Etats-Unis».
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Tout comme le plénipotentiaire de Washington à Yaoundé se réjouit de la coopération entre son pays et le Cameroun dans la lutte contre la propagation du VIH/SIDA, ou encore le paludisme. «Nos efforts conjoints renforcent les systèmes de santé au Cameroun et améliorent la sécurité sanitaire au niveau mondial», déclare-t-il.
Souvenirs fâcheux La coopération militaire entre les deux pays est également évoquée et saluée par le diplomate dans un contexte marqué par la gerre contre Boko Haram à l’Extrême Nord et la crise sociopolitique et sécuritaire dans les régions anglophones. L’accent est mis sur le respect des droits de l’homme, sujet à caution sur le théâtre des opérations militaires, l’armée camerounaise étant souvent accusée par des organismes internationaux en la matière.
«Nous reconnaissons tous l’importance du respect des droits de l’homme. Notamment parce que cela renforce la confiance des citoyens d’une nation. Il est bon de voir une ouverture au Cameroun en ce qui concerne les organisations nationales et internationales œuvrant dans le domaine des droits de l’homme». Mais lorsque le diplomate déclare par la suite : «nous ne sommes pas obligés de nous mettre d’accord, surtout pour discuter autour d’une table», les mines changent dans la salle. Même la tentative de distraction formulée dans un «n’est-ce pas ?» par le diplomate américain, n’a rien changé.
Au contraire, le souvenir des déclarations de l’ambassadeur américain, jugées peu diplomatiques à l’égard de Paul Biya au mois de mai dernier, est remonté en surface, bien que Henry Barlerin semble défendre le droit à la contradiction. En effet, l’ambassadeur des USA, après une audience officielle avec le président de la République, Paul Biya, avait rendu public un communiqué, qui livrait le contenu de leurs échanges. Le diplomate y déplore alors des exactions dont se seraient rendus coupables des militaires camerounais, dans la guerre contre des groupes armés séparatistes en régions anglophones.
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De même qu’il suggère au chef de l’Etat, de songer à quitter le palais présidentiel qu’il occupe depuis le 6 novembre 1982. Une sortie qui a mis le pouvoir de Yaoundé dans tous ses états. Outré, le gouvernement est monté au créneau. D’abord à travers une mise au point du ministre de la Communication, qui rejetait les accusations américaines contre l’armée. Puis, Henry Barlerin sera convoqué au ministère des Relations extérieures (Minrex), où le ministre Lejeune Mbella lui fera part de la désapprobation du gouvernement sur les propos tenus par le diplomate américain.