Cameroun : Une marche sportive du Mrc interdite par le sous-préfet de Bafoussam

Ce lieu public est fréquemment sollicité, sans aucun respect des prescriptions de la Loi

Fri, 25 Aug 2023 Source: Le Messager N°8106

Le fait d'avoir déposé une déclaration de manifestation publique en bonne et due forme renforce l'argument selon lequel les droits du parti ont été violés. L'interdiction, accuse-t-on, est également discriminatoire, car le Délégué des Sports et de l'éducation physique mentionne que les conditions (assurance et ambu- lance) ne sont pas réunies.

« Monsieur le Sous-préfet, vous constaterez avec moi, qu'en l'état actuel de la loi régissant les réunions et manifestations publiques en République du Cameroun, le Sous-préfet qui pourtant a une compétence liée en la matière n'a pas le pouvoir d’interdire une manifestation publique. En effet, au terme du décret N°2008/377 du 12 novembre 2008, ce haut fonctionnaire ne peut exercer ses pouvoirs que par Décision, quand il faudrait plutôt un arrêté pour théoriquement interdire une manifestation.» L’extrait de cette correspondance écrite par le Pr Alain Fogué Tedom, cadre du Mrc détenu à la prison centrale de Kondengui de Yaoundé et adressée depuis le 17 aout 2023 au sous –préfet de l’arrondissement de Yaoundé II (Daouda Ousmanou, Administrateur Civil) sonne une interpellation qui, pourrait elle-aussi, touchée le sous-préfet de Bafoussam Ier. Car suite à une déclaration de manifestation publique introduite par Me André Marie Tassa, le responsable régional du parti du Pr Maurice Kamto à l’Ouest, l'administration par le canal le Sous-préfet de Bafoussam 1er a interdit en date du 17 aout dernier la marche sportive initialement prévue pour la date du 19 aout 2023 par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun(Mrc). Celui-ci a fait signer par l’adjoint d’arrondissement, N. Julien Pierre, la note d’interdiction « voilée » des manifestations sportives (marche sportive et matchs de football) programmées les 19 et 20 aout 2023 par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (Mrc) sur l’itinéraire allant de La Nouvelle pharmacie du Bénin à la place des fêtes de Bafoussam et au stade Lecfo de la chefferie supérieure Bafoussam. «J'ai déposé dans ses services le 08 Août dernier une déclaration en bonne et due forme, c'est hier après-midi lorsque nous sortions de la conférence de presse au siège régional que je reçois le coup de fil du Commissaire Spécial qui me demande de passer au bureau du SousPréfet de Bafoussam 1er pour récupérer un courrier. Ce matin je m'y suis rendu et je suis notifié de la lettre d’interdiction" voilée», se plaint Me André Marie Tassa à Journaliste en Afrique pour le développement(Jade). Pour s'opposer aux activités de clôture de la Semaine de la Renaissance, leSous-Préfet de Bafoussam 1er motive son refus de délivrer un récépissé de déclaration de manifestation publique par le fait que cette déclaration n’a pas été accompagnée des autorisations du Délégué des Sports et de l'éducation physique et du Maire de la Ville. Notifiée à moins une journée des manifestations programmées, les délais étaient courts pour permettre au Mrc de se conformer. Ce qui parait contraire aux Lignes Directrices sur la Liberté d’Association et de Réunion en Afrique. Le Régime de notification recommandé par cette déclaration indique en son 71 : « Le fait de participer à des réunions et d’en organiser est un droit, non un privilège, et il s’ensuit que l’exercice de ce droit n’exige pas d’autorisation de l’État. Un système de notification préalable peut être mis en place pour permettre aux États de faciliter l’exercice de ce droit et de prendre les mesures nécessaires pour garantir la sécurité publique et protéger les droits des autres citoyens. Un régime de notification exige que la présomption en faveur de la tenue de réunions prévale toujours et que les rassemblements ne soient pas automatiquement perturbés, par voie de dispersion ou de sanction, du fait qu’ils n’ont pas été officiellement déclarés au préalable, sous réserve des dispositions spécifiées ci-dessous. b. La non-déclaration d’un rassemblement ne saurait le rendre illégal». Du côté du Centre pour la promotion du droit(Ceprod) contacté par Journaliste en Afrique pour le développement(Jade), l’Etat du Cameroun n’entend favoriser à travers ses autorités administratives le fait que les autorités chargées du contrôle de la gouvernance exerce leur tâche en toute impartialité et de manière équitable. Le gouvernement camerounais, à travers le ministre de l'Administration Territoriale, semble ignorer que conformément à la loi 90/055 du 19 décembre 1990, le régime des réunions et manifestations publiques en République du Cameroun est celui de la Déclaration et non de l'Autorisation. Ce qui implique, selon le Ceprod, qu’en interdisant la marche sportive et le match de football, les autorités restreignent la liberté d'expression et de réunion pacifique du Mrc.

Vous ne leur avez pas délivré « immédiatement le récépissé »

A Yaoundé II, le Sous-préfet est épinglé par le Pr Alain Fogué Tedom, cadre du Mrc détenu à la prison centrale de Kondengui à Yaoundé, parce qu’il s’est opposé courant ce mois d’aout 2023 à un déploiement projeté par le Mrc pour dénoncer l’incarcération abusive du Pr Alain Fogué. En effet, des militants du Mrc entendent manifester pour demander au gouvernement de libérer le Pr Alain Fogue Otage Politique du régime au regard de l'Avis n° 63/2022 rendu le 04 novembre 2022 par le Groupe de Travail sur la détention arbitraire (Gtda). «Mes courageux camarades politiques de votre circonscription administrative ont déposé dans vos services une déclaration de manifestation publique en date du 04 août 2023. Celle-ci vous informe de l’organisation d’un meeting, le 22 septembre 2023 à l'esplanade de la souspréfecture de Yaoundé II, dont l’objectif est d’appeler à notre libération. Cette réunion publique est précédée dès le 22 août 2023, d'une campagne d'information du public sur l'arbitraire qui nous frappe. Ce lieu public est fréquemment sollicité, sans aucun respect des prescriptions de la Loi N°90/055 du 19 décembre 1990 sur les réunions et manifestations publiques, par le Rdpc, le parti au pouvoir, pour l'organisation de ses événements. En revanche, la déclaration faite par mes camarades respecte les prescriptions des articles 4, 6, 7 et 8(1) de la Loi n°90 /055 du 19 décembre ci-dessus. Mais, en violation de l'article 4(3) et 8(1) de la loi susmentionnée vous ne leur avez pas délivré « immédiatement le récépissé ». L'article 8(2) dispose, souligne l’universitaire, en effet, que « Toutefois, s'il (l'autorité/ Sous-préfet) estime que la manifestation projetée est de nature à troubler gravement l'ordre public, il peut, le cas échéant: - Lui assigner un autre lieu ou un autre itinéraire ; - Interdire par arrêté qu'il notifie immédiatement au signataire de la déclaration au domicile élu. ». « L'article 8 (2) précise que l'interdiction de l'autorité administrative se fait par ARRÊTÉ. Pourtant, c'est par une simple lettre que vous les avez informés de votre " interdiction de manifestation publique". C'est dire qu'en droit, pour le moment leur manifestation publique n'est pas interdite », poursuit-il.

Le décret 2008/377 du 12 novembre 2008 portant attributions des autorités administrativesen son article 55 dispose, " Le sous-préfet exerce son pouvoir réglementaire par voie de décision." « Or, vous n'avez pas estimé nécessaire d'interdire leur manifestation publique par décision. Mais quand bien même vous auriez pris une décision pour l'interdire, cette décision n'aurait aucune valeur juridique car l'article 8 (2,2eme tiret) de la Loi N° 90/55 du 19 décembre 1990 portant régime des réunions et manifestations publiques dispose que « lorsqu'elle estime que la manifestation projetée pourrait troubler l'ordre public, l'autorité administrative peut l' "interdire par Arrêté qu'il notifie immédiatement au signataire de la déclaration au domicile élu », écrit le professeur Alain Fogué Tedom. Le Ceprod est d’avis que cette interdiction viole les droits du Mrc, en particulier le droit à la liberté d'expression et le droit de réunion pacifique. Ces droits sont protégés par la Constitution camerounaise ainsi que par les instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme auxquels le Cameroun est partie, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques et la charte africaine des droits de l'homme et des peuples.

Source: Le Messager N°8106