Ils ont été assassinés lors d'attaques à Zigague et à Mora dans la nuit de lundi. Le front de la lutte contre Boko Haram est sorti de sa fausse torpeur hier. Très tôt ce matin, les réseaux sociaux fourmillaient de nouvelles. Il y a eu deux attaques. La première a eu lieu sur le poste avancé du secteur n°1 de la Force multinationale mixte à Zigague. Lundi 29 mai 2023, vers 23h, des personnes juchées sur des motos ont traversé la frontière du Nigeria en direction du Cameroun. Elles ont foncé vers le village Zigague, situé à sept kilomètres environ. Alertés, les militaires du poste avancé de la Force multinationale mixte (Fmm) ont entrepris de les intercepter. C'était des combattants de Boko Haram. Ils ont tiré les premiers sur les militaires et ont mortellement atteint le soldat de 1ère classe, Alain Obono Guimbolo.
Ses camarades ont promptement réagi et ont abattu à leur tour deux assaillants parmi lesquels un portant une ceinture d'explosifs. Les compagnons de ces agresseurs ont pris la fuite. Ils ont laissé tomber deux fusils d'assaut Al 47 garnis de chargeurs. Plus tard, vers 2h du matin, un drame inédit s'est noué au poste de contrôle mixte (checkpoint) sud de la ville de Mora. Des dizaines de personnes, vêtues de treillis à camouflage pour certains et de noir pour d'autres, ont attaqué le poste. Ils ont tiré sur les occupants. Ils ont froidement tué deux fonctionnaires de douane, un inspecteur de police de 2ème grade, Nana Nourou et Lakama Lamdje Kalan, un jeune homme de la ville qui servait de garçon à tout faire du poste.
D'après des sources proches de l'enquête ouverte à la gendarmerie de Mora, les assaillants ont approché le poste à pieds, après avoir abandonné leurs motos. Profitant de la pénombre et croyant tout le monde endormi, ils ont ouvert le feu. Seulement, des gendarmes et un policier les avaient vu venir et ont "décroché" un peu avant. L'inspecteur de police de 2ème grade, Nana Nourou n'a pas pu suivre les autres dans la fuite. Il se serait pris les pieds dans la tente moustiquaire et a ainsi trouvé la mort. Depuis, l'annonce de ce drame, des langues se délient. L'on apprend que le checkpoint se trouve sur un itinéraire préférentiel de Boko Haram pour le marché de Meme, leur principal lieu de transaction et de ravitaillement. Les terroristes traverseraient la frontière avant de se fondre au quartier Doulé puis, ils passeraient par Adekele, derrière la compagnie de gendarmerie avant d'arriver au lycée de Meme, le point de rencontre.
Or, le checkpoint est sur la route. Souvent, les forces de maintien de l'ordre affectées à ce poste ne se préoccupent pas de ces trafics. Ils se contentent d'empocher le pourboire qu'ils exigent pour laisser passer qui que ce soit. Ça fonctionne ainsi depuis des années. L'on sait que de très nombreuses personnes se sont réfugiées à Mora. La population de la ville a quadruplé en moins de dix ans. Parmi les nouveaux arrivants, il y a très certainement des membres de Boko Haram faussement repentis sans être passé par les centres de désengagement ou ce qui en tient lieu. Ils se faufilent et arrivent sans leurs armes qu'ils ont probablement enterrées non loin. Ils ont de l'argent. Beaucoup de cash.
Ils achètent tout ce qu'on leur propose au prix fort. Ils sont ainsi devenus les premiers propriétaires en ville. Ils ont acheté terrains, maisons et champs avec la complaisance de l'administration et de ses supplétifs chefs traditionnels. Les affaires vont bon train. Des bœufs et autres bétails sont acheminés de nuit au marché de Meme ainsi que nous le révélions. Ça vient de Maroua, pour les acheter à vil prix.
En retour, on vend des bidons d'essence entre 25 000 et 30 000 Fcfa, des médicaments, des aliments... Boko Haram qui est sous blocus des armées depuis des années s'en délecte. Les marchandises qui passent par ce canal lui sont revendues à cinq fois leur prix à Meme. Les pillards djihadistes ont du cash à ne savoir où le dépenser. Toute la ville de Mora semble s'y être mise. Aussi, l'incident de lundi soir semble curieux. Nos sources pensent qu'il s'agit de représailles. Certains Boko Haram ou comparses ou même des membres de leurs familles auxquels, les djihadistes restent très attachés, auraient peut-être subi des tracasseries. L'attaque du checkpoint serait ainsi, une opération de représailles. C'est une piste que l'enquête explore ardemment.