Sulfureuse et ambiguë demeure la volonté de Paul Biya à livrer aux bailleurs de fonds internationaux ainsi qu’au peuple assoiffé de justice, les gangsters en col blanc. De hauts cadres au parcours académique élogieux se présentent aujourd’hui comme d’ignominieuses crapules. Jouant à fond la carte d’un ponce pilatisme paroxysmique, le président monarque n’hésite pas à livrer en spectacle ses’’ fraters’’ des cercles ésotériques et traditionnels francs-maçons, rosicruciens, Eramo, Eboka…
Toutefois demeure imperméable et intouchable un noyau tapi dans l’ombre, qui au fil du temps s’est solidement enraciné. A la tête de ce noyau se trouve Paul Barthélemy Biya, aujourd’hui couvert d’immunité constitutionnelle, dont le montant des détournements à la SNH et des pots de vin reçus étonne tout observateur par sa démesure.
De nombreux observateurs sont unanimes. C’est sous le règne de Paul Barthélemy Biya que l’Etat camerounais a subi un pillage systématique. Les trous creusés dans les caisses publiques sont si énormes que les détournements se chiffrent par millier de milliards de nos Francs.
L’an dernier, le Contrôle Supérieur de l’Etat, service dépendant de la présidence de la République (et du président bien sûr) a cru bon de rendre public un rapport sur les détournements de fonds effectués entre 1998 et 2004. Quoique que l’on ne saurait rester naïf sur les critères qui ont porté sur le choix de cette période, le montant des distractions révélé portait sur près de 2000 milliards FCfa.
Pour le témoin averti de la situation du Cameroun, ce chiffre est insignifiant au vu des différentes activités auxquelles se sont adonnés les libertins de la gestion scandaleuse.
Qu’est-ce qui a bien pu se passer pour que le pays se transforme en une espèce de vache à lait pour les auteurs des malversations financières ? Les fossoyeurs de l’économie camerounaise actuellement mis aux arrêts par celui-là même qu’ils ont ‘’fidèlement’’ servi et entretenu de diverses façons ont, semble-t-il, suivi les pas de leur guide.
Quinze mois après l’accession au pouvoir en novembre 1982 de Paul Biya, le constat semblait être évident. Les couches sociales ne le percevaient pas encore. Seuls quelques cadres avaient compris le jeu de dominos auquel se livrait le sommet de l’Etat.
L’avertissement mal compris des putschistes du 6 avril 1984
Les putschistes du 6 avril 1984 l’avaient pourtant clairement énoncé en justifiant leur prise de pouvoir par un coup d’Etat qu’ils croyaient avoir réussi : « Le gouvernement et ses agents propulsés à la tête des rouages de l’Etat, agissaient avec pour seule devise non de servir la nation, mais de se servir ». On pouvait également lire dans ce message adressé à la nation que « l’armée nationale vient de libérer le peuple camerounais de la bande à Biya, de leur tyrannie, de leur escroquerie, et de leur rapine incalculable. »
Les putschistes ne possédaient sans doute pas un don de divination. Ce n’étaient pas non plus des illuminés. C’étaient des cadres de l’armée qui avaient découvert le plan insidieux des « kleptocrates » qui précipiteraient le Cameroun dans le gouffre si rien n’était fait.
Les putschistes faisaient surtout allusion à un montant de 400 milliards de Fcfa qui, en l’espace de 16 mois seulement, avait disparu de la caisse noire qu’Ahmadou Ahidjo avait laissé à Paul Biya. Ahidjo avait alors demandé à son successeur d’utiliser cet argent pour augmenter les salaires à la fonction publique avant les élections afin d’asseoir la popularité qui lui manquait. Au contraire, Paul Biya s’était aussitôt acharné à vider la caisse noire pour en virer les montants vers des destinations inconnues.
Le pillage par Biya des fonds publics, tout un modèle de gouvernement
Dès que Barthélemy Biya prit le pouvoir, l’on observa un flux ininterrompu et sans précédent des billets de banques sortant du Cameroun. De 1983 à 1993, 546 milliards de Fcfa avaient emprunté des sentiers non conformes aux circuits comptables normaux. De l’argent liquide transporté dans des bagages, à destination de la France. Mais également à destination d’autres pays occidentaux, pour des montants restés indéterminés.
Point n’est besoin de s’interroger sur les auteurs de telles transactions de cash. Car pour le faire, il fallait bien jouir d’une certaine immunité afin d’ainsi outrepasser la réglementation en vigueur.
Selon la Lettre du continent du 18 janvier 1996, le gouverneur de la BEAC (Banque des Etats de l’Afrique Centrale), Jean Félix Mamalepot, avait dû racheter à la Banque de France ces 546 milliards de Fcfa de billets de banque camerounais.
Entre 1988 et 1993, 115 milliards de Fcfa s’étaient également évaporés des rentrées de la SNH (Société nationale des Hydrocarbures) sur laquelle Paul Biya continue d’exercer un monopole absolu.
La SNH est en effet la caisse noire du président camerounais. Le secrétaire général de la présidence de la république en est le président du conseil d’administration. Cependant, le directeur général de la SNH – poste actuellement occupé par Adolphe Moudiki, a baron du régime et vieux fidèle de Biya - n’a de comptes à rendre qu’au président de la république, son PCA jouant plus le rôle d’agent intermédiaire du président que celui d’un quelconque patron.
De 1993 à 1994, 60 milliards de FCFA de recettes pétrolières avaient habilement disparu pour approvisionner des comptes bancaires sous d’autres cieux.
Une partie des fonds détournés par Biya utilisée pour payer des sorciers internationaux
Mais il serait inintéressant de discourir sur les distractions des rendements de l’or noir sans toutefois évoquer quelques transactions occultes qui avaient pourtant défrayé la chronique. Telle l’affaire de l’Ordre du Temple Solaire (OTS) et les faux suicides collectifs.
L’un des anciens membres de la secte n’était autre qu’un français bien connu des réseaux françafricains. Raymond Bernard est en effet le fondateur de l’Ordre Rénové du Temple (ORT) et du Centre international de recherches culturelles et spirituelles (CIRCES), une branche de la rose-croix créée en 1988 au Cameroun et qui avait pour membres Paul Biya et d’autres hauts responsables de son régime. Bernard était également un conseiller du président camerounais, une fonction à laquelle Paul Barthélemy Biya attribue le statut de ministre.
Au cours d’une audience à laquelle comparaissait Raymond Bernard dans l’affaire de l’OTS, ce dernier ne manqua pas de justifier la source de ses revenus.
Le journal Le Monde du 17 août 2000 reportait en effet que, de 1992 à 1998, Raymond Bernard et son CIRCES reçurent du président du Cameroun et de la SNH les sommes suivantes : 60 millions de Fcfa en règlement des « conseils » prodigués au grand sorcier d’Etoudi, 500 millions de Fcfa pour l’achat d’un tableau pour le compte de l’ « homme lion », 560 millions de Fcfa sous forme de don au CIRCES de la part du disciple président de la république, 200 millions de Fcfa versés au CIRCES par la SNH, et 4 milliards de Fcfa offerts à la même secte par Paul Biya lui-même sans autre forme de justificatif.
Il nous semble donc que le journal français L'Evénement du jeudi, dans sa livraison du 22 mai 1997, restait modeste quand il chiffrait la fortune du chef de l’Etat camerounais à 45 milliards de Fcfa. Un tel scandale à l’époque fut accueilli par un silence méprisant du dictateur camerounais, dont le salaire de président de la république ne pouvait jamais justifier une telle fortune. Surtout quand on se souvient que lorsqu’il prenait le pouvoir en 1982, sa vieille mère de son village natal de Mvomeka’a n’avait qu’une hutte comme maison d’habitation, preuve de ce que Paul Biya n’avait pas de fortune à l’époque.
Il n’était pas non plus surprenant d’apprendre par La lettre du continent du 25 avril 1996 la dissipation de plus de 15 milliards de FCFA du budget de l’Etat au début du mois d’avril de la même année. Le constat avait alors été fait par les experts du FMI à Washington.
Malgré la présence du FMI et de la BM, Biya continue de voler l’argent du pétrole
Le témoignage le plus récent sur les malversations perpétrées sur les recettes pétrolières est celui du compatriote Célestin Monga. Depuis trois ans la SNH verse 500 milliards de FCFA dans les caisses de l’Etat, pouvait-on lire dans une lettre ouverte qu’il a adressée à Lapiro de Mbanga incarcéré par l’Homme de Meyomessala. Monga s’est alors interrogé : « Où va cet argent ? Qui dispose de la signature sur l'usage des fonds ? » A celui qui préside bien entendu aux destinées du pays peut-on se permettre de répondre.
Les chiffres de Monga ne sont en effet pas loin de la réalité puisque, pour le premier trimestre 2007, la SNH avait transféré 120 milliards de Fcfa au Trésor camerounais. Selon son magazine interne SNH Info, le total des revenues de la SNH s’élevaient en 2007 à 688 milliards Fcfa, dont 613 milliards des droits d’exploitation (royalties) perçus pour le compte de l’Etat camerounais auprès des compagnies exploitantes et 75 milliards d’impôts sur les sociétés.
Ces chiffres officiels sont cependant l’arbre qui cache la forêt. Car ils n’incluent pas les pots de vin et les diverses enveloppes de corruption que perçoivent autant la SNH, le secrétaire général de la présidence, que le président de la république lui-même auprès des exploitants pétroliers.
Le volume des capitaux dans les circuits de corruption du président Paul Barthélemy Biya est difficile à évaluer à cause du secret d’Etat qui l’entoure. Seules certaines négligences comptables révèlent parfois certains montants, comme les 20 milliards décaissés de la SNH sans justification en 2006 ; une « erreur » que le premier ministre promettait alors de ne plus commettre dans sa « lettre d’intention » adressée au FMI et à la Banque Mondiale.
Pillage, accointances et business
« Paul Biya a mis en moi toute sa confiance -vraiment, j'en suis rassuré et je ne pourrais jamais décevoir ses attentes en ce qui concerne le devoir d'un soldat ». Telle était la réaction à chaud du Général de Division Asso'o Emane Benoît sur cameroon-info.net, juste après la cérémonie de remise des attributs en 2001.
Paul Biya avait en effet signé un décret portant promotion, élévation et nomination des officiers généraux le 25 septembre 2001. Selon toute vraisemblance, le général Benoît Asso’o Emane doit beaucoup à celui qui l’a élevé au grade supérieur.
Cependant, il lui doit surtout le non remboursement de 303 millions de Fcfa qu’il avait empruntés à l’ex SCB (Société camerounaise des Banques) et que Paul Biya avait fait rembourser par l’Etat camerounais. Asso’o s’était en plus vu attribuer une Unité Forestière d’Aménagement (UFA) de 64 961 hectares dans le Sud du pays, une source facile de rentes dont bénéficient les proches de Biya.
Asso’o Emane est aussi, avec René Claude Meka, Remy Ze Meka, Meva’a Meboutou, Pierre Semengue… ce que Ndzana Seme appelle « les détenteurs réels du pouvoir au Cameroun ».
Dans le business, ces détenteurs réels du pouvoir sont de gros affairistes. L’armée camerounaise a la réputation d’être trop engraissée et instrumentalisée. Le business est une affaire d’Etat au pays de Mongo Beti. Paul Biya, sa famille, ses sbires et les cadres de l’armée s’y livrent à cœur joie.
Dans la mafia du bois, le massacre de la forêt camerounaise est perpétré par ceux-là même qui prétendent lutter contre la corruption aujourd’hui. On y retrouve Franck Emmanuel Biya comme exploitant, transporteur et transformateur forestier.
Frank Biya, le fils du dictateur, bénéficie en effet de plusieurs UFA et tire d’énormes revenues de l’exploitation du bois du Cameroun, en plus d’un salaire ministériel en tant que conseiller de son père, même comme il réside en permanence à Monaco dans une résidence princière entièrement financée par le Trésor camerounais.
La société Patrice Bois, dont les promoteurs sont des italiens, a comme principal actionnaire le fils de Paul Biya, selon Dossiers noirs d’Agir ici- Survie.
Dans son rapport de décembre 2005, l’ONG Greenpeace présentait Patrice Bois comme adepte de l’exploitation illégale au Cameroun. Etant un « fournisseur majeur de marchands de bois en Europe », cette société forestière a plusieurs fois été compromise dans des activités illégales.
Elle compte, parmi ses associés, la Compagnie forestière Assam (COFA), dont le propriétaire n’est autre que Bonaventure Assam Mvondo, le neveu de Paul Biya Bi Mvondo, qui bénéficie tout comme son cousin d’une large marge de manœuvre (41 965 hectares) dans l’exploitation forestière.
Le général Pierre Semengue n’est pas en reste et profite aussi bien des dons qui lui sont faits en guise de reconnaissance pour ses « loyaux services ». 56 192 ha lui avaient été offerts pour son business de l’or vert.
Quant au général des armées René Claude Meka qui doit encore aux défuntes banques SCB et BICIC la somme totale de 50 095 960 FCFA, il serait avec son neveu le ministre Rémy Ze Meka, un férus des affaires.
En plus de la forêt, les Meka sont les grands adjudicataires des marchés d’approvisionnement du ministère de la défense (munitions, uniformes, matériels lourds, véhicules…), que leurs complices Israéliens autour de Paul Biya ne cessent de multiplier depuis des décennies, maintenant ainsi une clientèle de poids pour l’industrie d’armement d’Israël.
Les Israéliens supposés protéger Paul Barthélemy Biya se sont en effet installés comme de véritables commerçants qui vendent à l’armée camerounaise tout ce que l’Etat d’Israël fabrique, même si l’équipement vendu ne sert à rien à la défense du pays. Les Meka leurs assurent tous les marchés d’achat d’armement et d’équipements qu’ils désirent.
Au demeurant, la personnalisation du pouvoir qui irrigue le système oligarchique de Paul Biya permet de s’accorder qu’il n’y a même pas un seul juste parmi eux. Le ministre garde des Sceaux Amadou Ali, ainsi que le premier ministre Ephraïm Inoni, principaux exécuteurs de « l’opération épervier » sont eux-mêmes avec Jean Marie Aléokol (ex secrétaire général à la Défense) des actionnaires de la Société forestière du Dja et de la Boumba (SFDB) qui bafoue les droits des populations villageoises.
L’épouse du chef de l’Etat, Chantal Biya est elle aussi montrée du doigt par les délinquants appréhendés
L’ex ministre des finances Meva’a Meboutou devrait répondre des milliards qu’il a détournés au ministère des Finances, parmi lesquels 66 milliards débloqués pour l’achat de l’Albatros.
Edouard Akame Mfoumou et un bon nombre de personnalités dont la liste est non exhaustive devront également rendre des comptes.
Mais au-dessus de cette cour royale de voleurs, véritables souris grouillant autour de tout ce qui reste de la dépouille Cameroun, il y a le maître voleur par qui toute lutte contre la corruption doit commencer.