Cameroun, devoir d’injustice: Faut-il juger les juges ?

19359 Justice260515500 La balance, symbole de la justice

Fri, 22 Jul 2016 Source: actucameroun.com

Vous avez dit Etat de ‘non’ droit ? quand on est pris dans les rets de l’opération Epervier, on est soit libéré de l’oppression par la mort ou par les juristes internationaux. Les juges, garants des libertés individuelles et collectives, sont aujourd’hui au regard de l’actualité récente, entre le marteau du pouvoir et l’enclume de la communauté internationale. L’enjeu ? L’homme, dont le parapluie de justice laisse passer des trombes d’eaux.

Peut-on colmater les brèches ? Les organisations nationales et internationales des droits de l’homme s’essayent comme ils peuvent. Avec quelques succès, qui ne sont que l’arbre qui cache la forêt, de Michel Thierry Atangana à Lydienne Eyoum, en passant par Atangana Mebara et Paul Eric Kinguè. Mais le chemin est long et semé d’embuches, qui passe par l’instauration de l’équité d’un pouvoir judiciaire. Pour l’instant il est attendu sans grands espoirs. Revue de détail de la galaxie Cameroun…

Cernons l’atmosphère et plantons le décor d’une société malade de ses juges et de sa justice pour commencer. Jour ordinaire au quartier Briqueterie à Yaoundé. Un présumé voleur a été battu à mort par une foule déchainée. Parlant du tout premier président du Tcs, Me Yen Eyoum qui vient d’être graciée par le président de la République révèle : « Il m'avait dit en début de procès au cours de la formalité de l'identification qui s'est déroulée dans son cabinet avec l'air de plaisanter... :

« Lydienne je sais que tu es innocente mais si je dois te condamner je le ferai sans état d'âme ». La justice l’a finalement condamnée à 25 ans de prison. Ces effroyables anecdotes font froid au dos. Justice de la rue ? Devoir d’injustice généralisé ? L’un est tué, l’autre est sauvé par le gong diplomatique après environ 6 ans de bagne. Mais qui est responsable ? Qui payera la note des ‘bavures’ des hommes ‘de’ pouvoir : Les juges de l’informel à l’affut dans la rue. Les juges ‘professionnels’ qui naviguent à la lisière du non-droit.

1-Michel T. luttait avec les anges de l’oubli

Pour la petite histoire, c’est 1997 que Michel-Thierry Atangana est arrêté à Yaoundé. Pendant 17 ans, il résiste dans une cellule au secrétariat d’Etat à la Défense. Sa mère meurt de dépit pendant sa détention. Il ne la reverra jamais vivante. Peu de temps après, sa sœur, qui lui rendait visite régulièrement, meurt à son tour. C'est finalement la mobilisation d'Ong comme Amnesty international, Freedom House ou la Fondation Kennedy, le soutien du département d'Etat américain et l'intervention de l'Onu qui ont rendu possible la libération de Mta. La vie de cet homme a été brisée, piétinés les droits d’un détenu qualifié par l’Onu de «prisonnier politique».

Pour sa libération en 2014, il a fallu l’intervention de l'Onu, par un avis de son Groupe de travail sur la détention arbitraire, publié le 4 avril 2014, soit moins deux mois après le décret du chef de l’Etat, et quelques temps après avoir été condamné une nouvelle fois à 20 ans de prison. Pour mémoire, dans cette affaire, l'Onu exigeait trois choses du Cameroun : la libération de Michel-Thierry Atangana, qui intervient après un décret présidentiel; des sanctions contre les responsables de son emprisonnement ; une indemnisation. A ce jour, seule la libération est intervenue. Il avait 33 ans. A sa sortie il en avait 47.

Parcours

juillet 1994 Michel Thierry Atangana est nommé à la tête du Comité de pilotage et de suivi des axes routiers. Il devait encadrer la construction des infrastructures de transport dont le Cameroun avait besoin et a cruellement toujours besoin à ce jour. Juillet 1997, Michel-Thierry Atangana est condamné à 15 ans d’emprisonnement. Novembre 2013 Publication de l’avis N°38/2013 du Groupe de Travail sur la Détention arbitraire de l’Onu déclarant officiellement le caractère arbitraire de la détention de Michel-Thierry Atangana et demandant : Libération, Sanctions et Indemnisations. Le statut de «prisonnier politique» lui est reconnu par le département d’Etat américain. Le statut de «prisonnier d’opinion» lui est reconnu par Amnesty International.

2-Paul-Eric, le rescapé des bananeraies

La Cour suprême du Cameroun a décidé de l’acquittement de Paul Eric Kinguè en juillet 2015. Sur la base de nombreux vices ayant entaché la procédure judiciaire à son encontre. L’ancien maire de Njombé-Penja était accusé de complicité de pillage en bande et de détournement de deniers publics. Paul Eric Kinguè a été arrêté en mars 2008 quelques jours après les émeutes de février 2008. Fin octobre 2014, le groupe de travail sur la détention arbitraire de l’Onu a recommandé au Cameroun de libérer Paul Eric Kinguè et de le dédommager pour détention arbitraire…Hommage du vice à la vertu ?

Au cours de l’audience de ce 21 mai 2015, le rapporteur de la Cour suprême, a indiqué que de nombreux vices ont entaché la procédure judiciaire contre l’ex-maire de Njombe Penja. Sur l'audience des émeutes de février 2008, il a été décidé ce qui suit: la Cour suprême casse et annule la décision rendue par le tribunal de Grande Instance du Moungo. Elle annule également les actes du juge d'instruction du même tribunal pour violation de la loi. Casse et annule l'arrêt de la cour d'appel du littoral et enfin, lève tous les mandats de détention provisoire et d’incarcération décernés contre Paul Eric Kinguè.

Source: actucameroun.com