Cameroun : frappé à mort pour avoir refusé de donner de l’arachide au directeur d’école

«Cela fait plusieurs années que des tasses d’arachides sont demandées aux élèves.

Mon, 27 Nov 2023 Source: L'Oeil du Sahel

Mokoni Kaladzavi, 43 ans, habitant de la localité de Ndock dans l’arrondissement de Touboro, est passé de vie à trépas, le 24 novembre dernier, suite aux coups et blessures mortels à lui administrés par le dogari (dans le département du Mayo Rey, représentant régnant du lamido dans un territoire, Ndlr) de ladite localité, Ishaga Barkindo.

«Il a rendu l’âme au petit matin du 24 novembre. Il a succombé à ses blessures. Sa tête était gonflée et le sang coulait de ses oreilles pendant des jours. Selon le certificat du genre de mort, Mokoni Kaladzavi est décédé suite au traumatisme crânien que lui a causé la torture que lui a administrée son bourreau», déclare Sa Majesté Djaouro Vagana Cheté, chef du quartier du défunt. Les faits remontent au lundi 20 novembre 2023. Trois parents d’élèves et le défunt Mokoni Kaladzavi s’étaient rendus à l’école publique de leur village pour s’enquérir auprès du directeur de cette école sur la demande d’une tasse d’arachides qu’il exige aux élèves. N’ayant pas pu apporter une réponse convaincante à la question de ces derniers, le directeur a recouru au dogari en les qualifiant de rebelles et d’insoumis à ces instructions. Une accusation qui a mis le dogari dans une colère indescriptible.

Deux parents dont Mokoni Kaladzavi et un autre sont interpellés. Puis ligotés par le dogari Ishaga Barkindo. Ils sont par la suite conduits à la chefferie et les ont littéralement molestés. «Nous les avons vus ligotés devant la chefferie et en train d’être torturés. Les gens ont demandé ce qu’ils ont fait pour mériter ce traitement. Ils les ont atrocement molestés et leur ont administré des coups au niveau de la tête. Comme nous étions juste de passage puisque nous nous rendions au CES bilingue de cette localité réceptionner des tablesbancs livrés par la commune, nous avons poursuivi notre chemin.

Après la cérémonie, nous sommes rentrés, croyant que le dogari les avait libérés après que nous ayons intervenu, mais ce ne fut pas le cas. Jusqu’à notre retour à la maison, plusieurs heures après, le dogari ne les avait pas libérés. Ils ont continué à les torturer», poursuit Sa Majesté Djaouro Vagana Cheté. Les deux infortunés ont été relâchés après toute une journée de torture. Le défunt qui a été le plus torturé s’en est tiré avec une tête bien ballonnée. «Je l’ai retrouvé, à mon retour du champ, étendu à même le sol. Le sang coulait de ses oreilles. Je lui ai demandé pourquoi ne s’était-il pas rendu dans un centre hospitalier pour des soins ? Il ne m’a rien dit. Mais vu son état, j’ai dû me faire violence et je l’ai conduit au centre de santé du village. Après consultation, l’infirmier nous a référés à l’hôpital de district de Touboro. Quelques comprimés lui ont été administrés pour soulager la douleur.

Le lendemain matin, nous nous sommes rendus à l’hôpital de district de Touboro où des soins lui ont été administrés. Nous sommes repartis à Ndock avec l'espoir que sa situation allait s’améliorer. En dépit des médicaments qui lui ont été donnés, sa situation s’est empirée au point où il a commencé à délirer le 22 novembre. Nous l’avons ramené à Touboro le 23 novembre, mais sa situation allait toujours de mal en pire. Il n’a donc pas pu résister à ses blessures. Il a rendu l’âme dans cet hôpital le 24 novembre à 04 heures du matin», déclare Marie Zaïnapa, épouse du défunt. Il convient de relever que Mokoni Kaladzavi a quatre enfants dans cette école où une tasse d’arachides par enfant est exigée aux parents par Aoudi Ngoba, directeur de ladite école. Son crime aurait été le fait d’avoir demandé au directeur d’exiger une tasse par famille et non par enfant.

«Cela fait plusieurs années que des tasses d’arachides sont demandées aux élèves. Nous ne savons pas ce que le directeur fait de ces arachides et où il les amène. Il dit tous les ans que c’est pour organiser la fête de fin du trimestre, mais jamais cette fête n’a eu lieu», déclare Marie Zaïnapa. Aux dernières nouvelles, les populations de cette localité et celles des villages environnant ont organisé une marche vers la souspréfecture pour manifester leur ras-le-bol contre ces pratiques criminelles institutionnalisées. «Nous subissons des abus au quotidien. Nos biens sont arrachés et confisqués au nom du lamido.

Il n’est pas le seul lamido de la planète. Pourquoi les autres lamibé n’en font pas autant ?», s’interroge Moutsena, un habitant de la localité. Le dogari Ishaga Barkindo quant à lui a été interpellé et placé en garde-à-vue par la Compagnie de la gendarmerie de Touboro. « Nous espérons que la loi sera dite dans cette affaire. Un individu ne doit pas arracher la vie à un honnête citoyen sans payer le prix », s’insurge Moutsena, habitant de Ndock.

En attendant voir clair dans cette affaire, la Compagnie de la gendarmerie de Touboro a ouvert une enquête pour déterminer les responsabilités des uns et des autres. Il faut aussi relever que le compagnon du défunt est dans un état critique. L’infortuné vomit du sang et est placé sous soins intensifs à l’hôpital de district de Touboro.

Source: L'Oeil du Sahel