Cameroun : la convocation d'Adolarc Lamissia révèle les méthodes de pression sur les journalistes

Adolarc Lamissia Journaliste Image illustrative

Tue, 16 Dec 2025 Source: www.camerounweb.com

L'affaire du journaliste Adolarc Lamissia, activement recherché depuis le 9 décembre, met en lumière les techniques d'intimidation utilisées contre la presse camerounaise. Jeune Afrique révèle les détails troublants d'une procédure qui bafoue les règles élémentaires du droit.

Selon les informations exclusives obtenues par Jeune Afrique, tout a commencé par un simple appel téléphonique le 8 décembre. Aucun motif n'est alors communiqué au correspondant du quotidien Le Jour dans l'Adamaoua. Une pratique qui contrevient aux règles de procédure pénale camerounaise, lesquelles exigent qu'une convocation soit formalisée et motivée.

Face au refus du journaliste de se présenter sur la base d'une simple injonction verbale, les autorités ont dû reculer. Ce n'est que le lendemain, le 9 décembre, qu'une convocation écrite est établie par l'adjudant-chef Nzali Arnaud Narcisse, commandant de la brigade de recherches de Ngaoundéré. Mais le document, que Jeune Afrique a pu consulter, reste d'une imprécision révélatrice : il évoque simplement une "enquête ouverte sur affaire concernant" le journaliste, sans aucune autre indication.

Les révélations de Jeune Afrique vont plus loin. Selon plusieurs sources concordantes, un second appel téléphonique aurait informé Adolarc Lamissia que, s'il se présentait, il serait "déféré au SED" - le redoutable Secrétariat d'État à la Défense à Yaoundé. Plus inquiétant encore, l'interlocuteur aurait précisé qu'"un véhicule était déjà prêt" pour ce transfert.

Cette menace, bien qu'elle n'ait pas été confirmée officiellement, s'inscrit dans un schéma bien connu au Cameroun. Les journalistes convoqués dans des affaires impliquant l'armée ou la sécurité sont régulièrement transférés vers la capitale, loin de leurs avocats et de leur réseau de soutien local, pour y subir des interrogatoires dans des conditions opaques.

Jeune Afrique révèle également les véritables motivations de cette convocation. Le 10 décembre, lorsque Me Josué Hountana, l'avocat du journaliste, s'est présenté à la brigade de recherches, les gendarmes lui ont enfin exposé les griefs : Adolarc Lamissia est soupçonné de "propagation de fausses nouvelles".

Mais la demande formulée par les enquêteurs franchit une ligne rouge fondamentale du journalisme. Comme l'a révélé un gendarme à l'avocat, l'objectif de la convocation est clair : "Nous le convoquons pour qu'il nous donne le nom de la source d'informations au sein des camionneurs qui l'a aidée à rédiger son article."

Cette exigence viole frontalement le principe de protection des sources journalistiques, pourtant reconnu par la loi camerounaise sur la communication sociale de 1990. L'article 14 de cette loi stipule explicitement que "le journaliste ne peut être contraint de révéler ses sources d'information".

Les investigations de Jeune Afrique révèlent par ailleurs que les pressions ne se sont pas limitées au journaliste. Selon les proches d'Adolarc Lamissia, Me Josué Hountana aurait lui-même subi des tentatives d'intimidation visant à le faire se désister du dossier. L'avocat a cependant maintenu sa position, refusant d'abandonner son client.

Ce n'est pas la première fois qu'Adolarc Lamissia est dans le viseur des autorités militaires. Jeune Afrique rappelle qu'en 2010, il avait déjà été interpellé par des éléments de la Sécurité militaire (Semil), qui lui reprochaient d'enquêter "tout le temps dans les affaires de l'armée".

Cette récidive illustre la vulnérabilité particulière des journalistes qui couvrent les questions sécuritaires et militaires au Cameroun. Quinze ans après sa première interpellation, Adolarc Lamissia fait face aux mêmes accusations, dans un contexte où le traitement des affaires impliquant des journalistes reste marqué par l'arbitraire.

À ce jour, comme le constate Jeune Afrique, ni la gendarmerie nationale, ni le gouvernorat de l'Adamaoua, ni le ministère de la Communication n'ont publié le moindre communiqué officiel sur cette affaire. Ce silence contraste avec l'agitation sur le terrain, où le journaliste est activement recherché.

Le 15 décembre, le Syndicat national des journalistes du Cameroun (SNJC) a publié un communiqué dénonçant "la volonté de certaines autorités à empêcher la presse de remplir sa mission sociale". Un cri d'alarme qui résonne dans un contexte de tensions croissantes entre le pouvoir et les médias indépendants.

Source: www.camerounweb.com