L’ancien chef de service du Cadastre du Koung-khi a obtenu l’annulation de l’arrêté ministériel le suspendant de ses fonctions pour un prétendu «comportement contraire à l’éthique professionnel». L’actuel ministre des Domaines aurait pris cette décision (inique) sur recommandation d’un ami tout en violant la procédure en vigueur. Le tribunal a effacé l’acte du ministre pour «abus de pouvoir».
M. Eyebe Ayissi Henri dirige-t-il le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) comme une boutique personnelle ? Depuis son retour à la tête de cette administration, en janvier 2018, après un premier séjour au sommet de cette administration au début des années 1990, il n’en ferait qu’à sa tête. Il n’aurait aucun respect pour les textes en vigueur. C’est presqu’en ces termes que se résument les griefs que M. Fortzing Ntogue Guy Rostand fait à l’arrêté signé par ce membre du gouvernement le 12 juin 2020. A travers cet arrêté ministériel, il est suspendu de ses fonctions de chef de service du Cadastre du Koung-Khi, un département de la région de l’Ouest. La victime de l’acte a attaqué son limogeage devant le Tribunal administratif du Centre qui lui a donné gain de cause sur toute la ligne en procédant à l’annulation de l’arrêté du ministre des Domaines pour «excès de pouvoir».
Cette affaire a été débattue le 11 avril 2023, en l’absence de M. Fortzing Ntogue et du représentant du Mindcaf à l’audience. Dans son recours, le plaignant explique qu’il est ingénieur du cadastre. Il a réussi avec brio le concours d’entrée à la Fonction publique en 2012. Après son recrutement dans l’administration publique, il avait été déployé à la délégation départementale des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières du Koung-Khi. Il sera plus tard promu chef service du Cadastre dans ladite délégation.
En effet, ses démêlés professionnels découlent de ce que, alors qu’il prenait part à une procédure d’immatriculation comme membre de droit de la commission consultative, il avait refusé de prendre un pot de vin que lui proposait l’un des protagonistes de la procédure. Cette attitude lui a coûté cher. Moins d’une semaine plus tard, le ministre des Domaines signait l’arrêté querellé dans lequel le haut commis de l’Etat lui impute dans l’un des articles un «comportement contraire à l’éthique professionnelle». Sauf que le ministre des Domaines s’est limité d’énoncer le grief allégué, sans toutefois s’étendre davantage, du moins sans motiver ses récriminations. Le chef du service des Domaines avait subi un sort identique. Tout s’est déroulé sans demande d’explication. Leur patron direct, le délégué départemental, s’est sauvé de justesse, grâce à ses connaissances au «ministère».
Le plaignant raconte que leurs limogeages ont une particularité : plusieurs heures avant que son collègue et lui ne soient formellement notifiés de l’arrêté querellé, celui qui voulait les corrompre leur avait envoyé des textos dans leurs téléphones portables ainsi qu’à leurs connaissances, dans lesquels il s’enorgueillissait d’avoir eu leurs têtes auprès du ministre. C’est cet avertissement qui permit au délégué départemental de se tirer d’affaires, selon le plaignant.
«Faire plaisir à son ami»
Sur la forme, M. Fortzing Ntogue reproche en fait à son ministre la violation des dispositions de l’article 108 du Statut général de la Fonction publique du 7 octobre 1994. «En cas de faute grave commise par un fonctionnaire, qu’il s’agissent d’un manquement aux obligations professionnelles ou d’une infraction de droit commun ou d’une atteinte à l’éthique et à la déontologie professionnelle, l’auteur de cette faute peut être provisoirement suspendu de ses fonctions pour une durée n’excédant pas 4 mois par le ministre utilisateur. Ce dernier en informe le ministre de la Fonction et lui transmet le dossier disciplinaire constitué à l’encontre du mis en cause dans un délai maximal d’un mois», indique l’alinéa 1 de cet article.
L’alinéa qui suit précise que «la suspension de fonction est une mesure conservatoire qui ne produit d’effet définitif qu’à l’issue d’une sanction prononcée par l’autorité compétente. Elle emporte, pour le fonctionnaire concerné, cessation de se présenter au lieu de service pendant la durée de suspension». Tandis que l’alinéa 3 du même article conclu ceci : «Si à l’issue de la période de visée à l’alinéa 1, aucune sanction n’est prononcée, le fonctionnaire suspendu réintègre de plein droit son emploi».
En dépit de la clarté du texte encadrant la suspension d’un fonctionnaire, M. Fortzing Ntogue affirme qu’aucune mesure énoncée n’a été suivie. Il a tout juste été débarqué de ses fonctions pour une durée non précisée. Il a été remplacé par «un technicien du cadastre». Et il n’a jamais regagné son poste au terme des 4 mois prévus par le texte cité, puisque affecté dans la foulée en «complément d’effectif» ailleurs.
Lors de son intervention, l’avocat de M. Fortzing Ntogue a reprécisé toutes les déclarations faites par son client dans le recours, avant de cracher le nom du supposé corrupteur. Pour lui, outre l’excès de pouvoir reproché au ministre des Domaines pour violation des textes, il évoque également «le détournement de pouvoir parce que l’acte n’a pas été pris dans l’intérêt du service, ni dans l’intérêt général, mais juste pour faire plaisir à un ami». Le parquet a requis l’annulation de l’arrêté estimant les arguments fondés. Les juges sont allés dans le même sens. Après l’annulation de son limogeage, M. Fortzing Ntogue pourrait introduire un autre recours cette fois pour solliciter une indemnisation s’il estime avoir subi un préjudice à cause du limogeage abusif dont il a été victime au cours de sa carrière.