Malgré le temps qui passe, la situation semble s’enliser dans le Nord-ouest et le Sud-ouest, nonobstant les recommandations et les assurances du gouvernement.
Le 06 septembre dernier, au lendemain d’une nouvelle ville morte imposée aux populations des Régions suscitées par les séparatistes depuis le déclenchement de la crise anglophone en 2017, les passagers d’un car de l’agence Golden express ont cru pouvoir voyager sereinement de Douala à destination de Kumba.
Malheureusement pour eux, après avoir traversé la ville de Buea, ils ont été surpris, par une bande de terroristes lourdement armée. Les présumés séparatistes ont ouvert le feu sur le véhicule de transport en commun, tuant sur le coup six passagers dont une femme et cinq hommes. Et faisant huit blessés dont six femmes. Tous les morts et les blessés ont été transportés à l’hôpital régional de Buéa.
Une énième attaque qui remet sur la table de discussion le sempiternel problème de crise anglophone. Jusqu’à quand les civils continueront à payer le lourd tribut de ce conflit ? S’interroge-t-on au sein du corps social. On se rappelle d’ailleurs qu’en octobre 2020, toujours dans la même ville de Kumba, des assaillants étaient entrés armés dans des salles de classe du collège Mother Francisca, mettant sur le carreau huit élèves qui sont tombés sous les balles. Il faut relever que l’attaque du mardi 06 septembre 2022 a suscité l’effroi et la colère des populations. Le gouvernement camerounais pour sa part à travers le ministre de la communication René Emmanuel Sadi a fait une sortie dans laquelle il a qualifié de lâche et barbare la tuerie perpétrée à Muyuka par des séparatistes anglophones. Il n’a pas manqué de souligner que le gouvernement de la République condamne avec la plus grande fermeté, « cette attaque lâche et ignoble perpétrée contre des civils innocents, par des terroristes qui ont perdu toute humanité, dans le but de semer la terreur au sein des populations et de compromettre ainsi une rentrée scolaire porteuse d’espoir dans la Région du Sud- Ouest » Pourtant avec l’annonce du décès à Kumba de Field Marshall, et de son inhumation le vendredi 15 juillet 2022 par les éléments du bataillon d’intervention rapide, on se serait attendu à moins d’escalade de la violence dans cette zone.
Doit-on croire que, comme les précédentes fois où il avait été annoncé mort, le commandant des « Red dragons », un groupe armé qui opère dans le Lebialem a su déjouer la mort ?
Depuis octobre 2017, le Cameroun est en proie à un conflit meurtrier qui oppose son armée aux forces séparatistes des deux régions anglophones du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.
Il faut dire que les origines de ce conflit remontent à la période coloniale du Cameroun.
Entre 1919 et 1961, ces deux régions, alors sous administration coloniale britannique, étaient connues sous le nom de Cameroun britannique méridional. Après un référendum organisé par les Nations unies le 11 février 1961, leurs habitants ont opté pour la «réunification» avec le Cameroun français, le 1er octobre 1961. Mais tout ne s’est pas bien passé après cette réunification.
Les ressortissants des deux régions anglophones, qui représentent environ 20 % de la population, se sont plaints à plusieurs reprises de discrimination et d’exclusion. C’est ainsi que des manifestations ont été organisées pendant toute l’année 2016 dans les régions anglophones du pays.
Celles-ci ont dégénéré en guerre civile en 2017. Presque cinq ans plus tard, le conflit continue de faire rage. Selon des estimations récentes, il a déjà causé la mort de plus de 6000 civils et le déplacement de plus de 712000 personnes à l’intérieur des régions anglophones. Et plus de 1,3 million de personnes ont besoin d’aide humanitaire.
Il faut relever que malgré le grand dialogue national qui s’est tenu du 30 septembre au 04 octobre 2019, les choses n’ont véritablement pas changé. Bien au contraire ! L’Etat a dépensé d’énormes sommes d’argent, soit plus de 5 millions FCFA pour une rencontre qui jusqu’aujourd’hui tarde à voir ses recommandations être implémentées sur le terrain. Face à cette crise qui perdure, certains observateurs pensent que le chemin vers la paix sera pénible.
D’autres, par contre, préconisent un retour à l’accord initial de 1961, à savoir une fédération à deux États. Il faut souligner qu’à la base, ces fédéralistes étaient majoritaires parmi les anglophones avant le début du conflit de 2016. Cependant, après presque cinq ans de violents combats, certains fédéralistes se sont sentis désorientés par le nombre de morts qui se compte à la pelle.
Certains séparatistes radicaux exigent l’indépendance pure et simple de ces 2 régions. Ils estiment que c’est le seul moyen pour les Camerounais anglophones de se libérer de la domination francophone et d’éviter de futures crises.
Ce clivage entre fédéralistes et séparatistes complique davantage un dialogue et des négociations pacifiques éventuels. En outre, la répression violente des manifestations anglophones en 2016-2017 a eu deux conséquences importantes : l’élite dominante anglophone a peur de s’exprimer et la jeunesse anglophone s’est davantage radicalisée et bénéficie de plus en plus de soutien des Camerounais anglophones de la diaspora.
Et dans tout cet amalgame, ce sont de pauvres civils et innocents qui en paient le prix fort.