Cameroun : le RDPC annonce les couleurs de l’après Biya

Le RDPC annonce les couleurs de l’après Biya

Thu, 14 Oct 2021 Source: Le Messager

Le RDPC, le parti présidentiel a soulevé un pan de voile sur la boite de Pandore avec le processus de renouvellement des dirigeants du parti. Un vent des plus crisogène souffle sur le Cameroun déjà en proie à toutes les divisions.

1-Les fils du pouvoir à la bataille pour garder la manette

En examinant le biotope politique du Cameroun dans sa configuration, il est certain que les fils politiques des régions du Centre et du Sud sont ceux que l’opinion met régulièrement au-devant de la scène comme des probables acteurs qui travaillent activement à remplacer leur champion sur le fauteuil présidentiel. En premier lieu, le nom du Secrétaire général à la présidence de la République, par ailleurs ministre d’État, revient au-devant de la scène constamment sans que le concerné ait un seul jour affirmé officiellement son intention de prendre la place de Paul Biya. Des supputations et rien que des supputations qui laissent le natif de Minta de marbre. Il a été accusé de tout, reproché de tout, mais conserve la confiance du président de la République, battant au passage le record de longévité au poste. À combien de « gates » a-t-il déjà survécu et combien d’autres sont-ils en route ? CANGATE, COVIDGATE, sont les plus retentissants qui ont déflagré autour du diplomate.

Ses détracteurs susurrent dans toutes les chaumières que c’est le parapluie de la Première dame qui le garde au chaud au poste, certainement un aveu d’impuissance de ces derniers à l’endroit de ce fils de la Haute Sanaga dont certaines langues annoncent en plein conflit ouvert avec le clan du Sud qui serait animé des mêmes intentions présidentielles. Dans ces intentions attribuées, réelles ou pas, deux personnalités du Sud sont propulsées par les bruits sur la scène. Louis Paul Motaze l’argentier de la République et le fils biologique du chef de l’État, Franck Biya. Le premier doit faire peur par la qualité des dossiers qu’il a eu à manager, ce qui peut lui conférer une certaine maîtrise des affaires de l’Etat. Quant au second, avec le vent des successions dynastiques qui souffle en Afrique centrale, beaucoup de prétendants doivent craindre que le chef de l’État pourrait céder le siège au fils, comme il en été au Tchad récemment, au Gabon, tout comme il se dessine en Guinée Équatoriale et même au Congo. Ces proches du président de la République ont-ils, chacun en ce qui le concerne une once de chance de lui succéder ? Bien sûr mais les obstacles sont plus nombreux que les facilités.

D’abord, pendant tout son long magistère, le « N’nom Ngui » n’a pas à proprement parlé, travaillé pour l’option d’un successeur comme il le reconnaît lui-même, assuré que lorsque le moment sera venu, ses compatriotes choisiront un président dans toute la sérénité. Or dans les pays de succession dynastique, à l’observation, ce scénario est précédé par la mise en place de tout un dispositif, un véritable adjuvant. Au Cameroun, en attendant que le renouvellement des dirigeants au sein du RDPC s’achève, il est difficile de parier que les fils de Paul Biya, venant de cette partie du pays aient la faveur des pronostics. À côté de ceci s’ajoute l’affrontement annoncé entre les différentes personnalités. On constate tout de même en ce qui concerne Franck Biya, lui qui n’est pas plongé ouvertement dans les affaires politiques, qu’un mouvement qui porte son nom travaille depuis un certain temps, le présentant comme une alternative au pouvoir de Paul Biya.

2-L’ogre Septentrion, griffes dehors en plein contrôle

Aboubakar Ousmane Mey, un fils du septentrion, convié à une émission télévisée de grande écoute sur Equinoxe Tv, a indiqué récemment que le Grand-Nord, à savoir les trois régions que sont l’Adamaoua, le Nord et l’Extrême-Nord, à l’heure de la bataille de succession a sommet de l’Etat ne va pas rester assis en train de manger des cacahuètes. Eux, confiait-il, allaient « mettre du nucléaire dans les réacteurs ». C’est dire que les élites politiques de cette partie du pays sont unies dans la perspective des batailles de succession dans tous les sens du terme.

Ce fils de l’Extrême-Nord a d’ailleurs mis en garde les fils du pouvoir contre toute volonté de manœuvrer pour succéder au président de la République. Il n’a pas mâché ses mots en disant crânement qu’ils vont se battre pour la conquête du pouvoir. Par la suite, il a estimé que Maurice Kamto le challenger de Paul Biya à la dernière élection présidentielle devrait tourner la page et se préparer pour la nouvelle consultation populaire. Il a aussi indiqué que cet homme politique dépense beaucoup son énergie et certainement selon son sens, pour rien. Le leader du MRC a-t-il relevé est un personnage important avec laquelle les politiques du septentrion pourraient nouer des alliances.

Dans cette dynamique de succession, on se souvient qu’il n’y a pas longtemps, le ministre de l’Administration territoriale a dissout le Mouvement dix millions de nordistes qui se projetait sur la scène sous la houlette du journaliste Guibaï Gatama. Dans cette partie du pays, il faut aussi remarquer et cela n’est pas anodin, que toutes les formations politiques et élites sont à l’observation et au silence dans l’ensemble. C’est pourquoi la sortie d’Aboubakar Ousmane Mey est perçue comme un message livré aux autres prétendants au fauteuil présidentiel. Que ce soit Bello Bouba Maigari, Issa Tchiroma Bakary, Garga Haman Hadji, Hamadou Moustapha, et les autres élites politiques de l’opposition, à ce moment crucial de la vie politique nationale, le silence est de rigueur. Personne ne le dit pour l’instant mais on n’oublie pas que l’alliance qui existe entre le pouvoir et le septentrion, est toujours considérée comme un arrangement avec Paul Biya et non avec le RDPC.

Pour les fils de ces régions, beaucoup ne manquent pas déclarer plus haut qu’ils vont soutenir Paul Biya le plus longtemps qu’il voudra ou pourra demeurer au pouvoir mais une fois qu’il n’y sera plus, ils vont prendre leur liberté.

Cette posture à tout au moins une intention belligène affichée envers les fils du pouvoir et bien plus encore avec le MRC avec ses partisans même si cela n’est pas ouvertement dit. L’autre facteur qui vient complexifier les choses dans le sens de la menace de la paix globale au Cameroun est l’ambiance très peu sereine au sein du parti au pouvoir. Avec le passage des mots d’ordre qui dépasse le cadre des partis politiques, il va de soi qu’effectivement le septentrion mise sur ses capacités pour rafler le pouvoir suprême et à défaut de marchander très chèrement son entrée dans les rangs. C’est la seule partie du pays qui sait taire rapidement ses divergences pour faire cause commune. Le concept de mettre le nucléaire dans les réacteurs ne devrait pas faciliter le sommeil du pouvoir. On se souvient des moments difficiles du coup d’état du 6 avril 1984 où Paul Biya éprouvait des difficultés à faire asseoir son pouvoir.

3-Maurice Kamto et les siens ne lâchent rien

Depuis l’élection présidentielle du 7 octobre 2018, suivi de la proclamation unilatérale de sa victoire le lendemain, le leader du MRC n’a plus jamais quitté la scène. Entre contentieux post-électoral hautement médiatisé par le pouvoir, marches blanches, emprisonnements, boycott des élections, résidence surveillée, le challenger de Paul Biya à la dernière élection, celui-là même qui fut le directeur de campagne de Ni John Fru Ndi à l’élection présidentielle de 1992, une autre consultation électorale vivement contestée, a pris dès lors du galon et son aura va chaque jour un peu plus croissant au sein de l’opinion. Les huit mois passés en prison ont transformé le pouvoir de celui que ses partisans appellent affectueusement le « pape du droit », en homme politique de terrain avéré. Ce qui conforte son pouvoir de nuisance aux yeux du pouvoir actuel est davantage le crédit qu’il jouit au sein de la diaspora camerounaise, particulièrement remuante et hostile vis-à-vis des dirigeants camerounais.

Les troubles des séjours privés de la famille présidentielle à Genève ou officiel à Lyon en France en disent long sur leur choix porté sur l’opposant. La dernière démonstration en date est le concert donné par de ses proches, l’artiste musicien engagé Valsero qui a fait le plein d’œuf du Zénith à Paris, en présence de Maurice Kamto et de son épouse. En plus, le leader du MRC est devenu très populaire avec le temps dans les régions du grand Ouest formé des régions du Littoral, de l’Ouest et les grandes villes à l’instar de Yaoundé. En homme politique avisé, en boycottant les dernières élections, il n’a pas manqué de mettre le conflit anglophone au cœur de ses revendications, à dessin de ratisser encore un peu plus large. Ceci est d’autant visible qu’au sein du pouvoir, certains stratèges relèvent pour le condamner une certaine connexité entre les séparatistes et le MRC. La dernière image en date, on a vu à Paris au concert lorsqu’une photo brandissait les effigies des séparatistes ; ce qui a fait le buzz sur la toile.

C’est donc là un pôle qui se prépare à la conquête du pouvoir en 2025 en principe. L’opinion lui reconnait aussi des soutiens très solides au niveau des prisonniers dits de luxe. Il avait d’ailleurs reconnu au cours de la campagne présidentielle que certains de ces prisonniers n’avaient pas leur place en prison et que s’il était élu, il les élargirait aussitôt.

4-La fragilité des mécanismes de dévolution du pouvoir

Les prescriptions constitutionnelles désignent le président du Sénat comme le président par intérim en cas de vacances à la présidence de la République pour cause de décès, de démission ou d’empêchement définitif constaté par le Conseil constitutionnel. Si ce dernier est, à son tour, empêché, il est remplacé par son suppléant, suivant l’ordre de préséance du Sénat, comme stipule l’article 6 à l’alinéa 4(a) du texte fondamental. La difficulté de l’implémentation de cette réalité constitutionnelle dépendra si d’aventure le Cameroun passait dans son histoire par ce cheminement, de la santé biologique au sommet du Senat. Cette disposition en dehors du Gabon suite au décès d’Omar Bongo Ondimba, est de moins en moins respectée. 237online.com Au Togo, suite à la disparition de Gnassingbé Eyadema, le président de l’Assemblée nationale qui doit assurer l’intérim est fermé à l’extérieur du pays et interdit d’entrée au pays.

La suite on la connaît, Faure Eyadema prendra les rênes du pouvoir. Plus proche de nous, cette année, à la mort du président Idriss Deby Itno, alors que le Constitution prévoit que l’intérim va être assuré par le président de l’Assemblée nationale, ce dernier contre toute attente va se désister d’assumer ces lourdes charges un peu comme si une intelligence l’avait encouragé dans ce sens. Bien plus encore, le RDPC dont le président est d’office le candidat du parti à l’élection présidentielle, ne met pas à l’heure actuelle en vitrine une figure emblématique ou de consensus en mesure de remplacer son président national actuel et par ailleurs président de la République. C’est une situation bien difficile car au niveau de toutes les régions, il y a de toute évidence des militants bien embusqués qui se verraient dans la tunique du président ce parti. Les heurts qui accompagnent le renouvellement de la classe dirigeante de ce parti en dit long sur la nature de l’empressement qui anime certains acteurs derrière le rideau dans l’optique de la quête du pouvoir au sein du parti et au sommet de l’État.

À ce niveau encore, Paul Biya semble avoir laissé les jeux ouverts, ce qui au sein d’un parti qui a la configuration d’un État, peut entraîner bien des dérives les plus insoupçonnées, des menaces réelles à la paix nationale. En tout état de cause, quoiqu’on dise, l’homme du 6 novembre 1982 n’a pas encore dit son dernier mot. En vieux briscard de la scène politique africaine, l’opinion sait que ses frappes seront très déroutantes et douloureuses. Lui qui donne l’impression de sommeiller, donnant l’opportunité à tous ceux qui convoitent son fauteuil de l’intérieur de mettre en évidence la totalité de leur stratégie contre lui, sera à l’évidence impitoyable. Comme le disait Houphouët Boigny, le chef traditionnel et chef d’État ivoirien, on ne désigne pas le successeur d’un chef alors qu’il est vivant semble être une maxime adoptée par Paul Biya. Dans cette trajectoire, comme au pays des Éléphants, cette succession risque d’être mouvementée.

Source: Le Messager