Cameroun : le boom des tontines via whatsapp facilite la des cotisations

Les bénéficiaires se plaignent aussi de l’arnaque sur les articles présentés

Fri, 30 Jun 2023 Source: Le Jour

Perruques, vaisselle, pantoufles, draps, rideaux, savons, huile… Tout article est désormais bon pour se constituer en tontines.

Estelle est tout excitée à l’idée d’avoir une nouvelle paire de draps. La jeune fille a adhéré il y a peu à une cotisation de draps en ligne. Chaque semaine, elle contribue à hauteur de 1000 Fcfa. Au bout de 10 semaines, elle va ‘’bouffer la cotisation’’. « Une amie m’a fait part d’une cotisation de draps et j’ai trouvé ça intéressant. Avec deux bénéficiaires chaque semaine, ça passe très vite », explique-t-elle. C’est une aubaine pour elle. « Ce n’est pas évident d’acheter une paire de draps d’un coup à 10 000 Fcfa surtout pour nous qui n’avons pas assez de moyens. C’est en plus une paire de draps de 3 places pur coton. Tu fais ton choix, la couleur et c’est ce qui t’est remis. Chaque semaine, il y a des nouveautés », ajoute-t-elle. Emilie est une adepte des cotisations pour vaisselle. Elle fait partie de plusieurs groupes. Elle a depuis lors équipé sa cuisine de plats, de verres. « Chaque fois, je m’assure d’avoir une nouvelle variété pour diversifier mon couvert. Je peux vous rassurer que j’en ai suffisamment pour recevoir plus d’une centaine d’invités. Je verse 2000 Fcfa par semaine et lorsque c’est mon tour de prendre, on me livre les objets de mon choix », se réjouit-elle.

Les perruques sont très prisées

Les perruques sont très prisées par les jeunes filles. Fadimatou est prête à tout pour s’offrir les variétés (courtes, longues, naturelles…). Ne disposant pas d’assez de moyens, elle compte sur les cotisations pour les acquérir. Elle est membre d’une cotisation de perruques. Chaque mercredi, elle verse une somme de 2500 Fcfa. « J’ai déjà reçu trois ‘’chapeaux’’ (appellation de la perruque Ndlr). Ce n’est pas encore assez parce que je veux d’autres coupes mais c’est un bon début. Si j’ai la possibilité, je mettrai deux noms la prochaine fois », envisage la jeune fille.

Les cotisations d’huile et de savons sont très répandues. L’épouse de Clément Andela possède de l’huile en réserve. Son époux bénéficie régulièrement d’un carton d’huile et d’un demi-carton de savons. Il fait partie d’une tontine. Avec une contribution de 2000 Fcfa, il ravitaille son domicile. « L’augmentation des prix de ces denrées sur le marché ne nous affecte pas parce que nous avons toujours en réserve à la maison », se targue-t-il.

Réaliser des projets

Economie sociale et solidaire, c’est ainsi que Christophe définit la cotisation. « Tu peux facilement réaliser un projet à partir de ce que tu gagnes », indique-t-il. Même son de cloche, pour Clément Andela : « Les différentes cotisations me permettent d’implémenter mes projets. Ce n’est pas évident de réunir une certaine somme d’argent surtout pour nous qui gagnons de l’argent de manière irrégulière ou même de le garder soi-même. Pourtant avec ce que cela me rapporte, je me fixe un objectif chaque année. Je me réjouis de ce que j’ai pu accomplir jusqu’ici. »

Les cotisations autrefois réservées à l’aspect pécuniaire prennent d’autres colorations. L’obtention de tout article est dorénavant une raison de mettre sur pied une cotisation. Les réseaux sociaux sont un catalyseur de la prolifération de ce type de cotisation. Les adhérents se recensent aussi chez les hommes que dans la gente féminine.

Whatsapp, le catalyseur

Nadine Mvoula est la gestionnaire de plusieurs cotisations : draps, marmites chauffantes, rideaux, plats et verres depuis deux ans. Pour trouver des adhérents, elle publie des annonces sur les réseaux sociaux principalement sur WhatsApp. « C’est comme un réseau, on commence par un groupe de personnes, ensuite lorsqu’elles sont satisfaites, elles en parlent à d’autres. Il suffit de mettre en statut et des personnes de ton répertoire intéressées te contactent. Elles vont en parler autour d’elles et le quota requis est très vite atteint. Les premiers adhérents sont les membres de la famille qui vont copter leurs connaissances ainsi de suite », confie la dame.

Gérer ces groupes de cotisation rapporte un profit aux gestionnaires surtout pour les articles en nature. Nadine Mvoula partage son expérience : « La cotisation c’est une version du E-commerce parce que nous avons pas par forcément des boutiques de draps, de plats, de marmites chauffantes, on fonctionne avec des fournisseurs. C’est un système de bénéfices sur les ventes. Je peux prendre une paire de draps à 8 000 Fcfa par exemple au lieu de 10 000 Fcfa. A l’issue de la cotisation, j’ai 20 000 Fcfa au total et je reverse 16 000 au vendeur. Dans un groupe de 10 personnes, pour les draps, j’ai 4 000 Fcfa chaque semaine. Le bénéfice c’est la revente. Si j’achète des plats à 2500, je revends à 3000 par exemple. »

Des arnaques

« Une adhérente a passé le temps à envoyer une même capture d’écran pendant des semaines. Elle me faisait croire qu’elle avait déjà envoyé son argent. La supercherie a été découverte par mon compagnon qui a remarqué que le numéro Id était le même sur tous ses prétendus versements. Dès qu’elle a été confrontée, elle a quitté le groupe pourtant elle avait déjà bénéficié de deux greffes. On a découvert plus tard qu’elle s’était enregistrée avec une fausse identité », raconte une gestionnaire d’une cotisation de greffes.

Nadine Mvoula révèle que cette activité n’est pas de tout repos. « Parfois, il y a des personnes qui ont bénéficié et qui ne sont plus là, il faut satisfaire les autres, on est obligé de compléter pour ceux qui ont « échoué ». C’est un peu lourd », regrette-t-elle. Elle évoque également les limites journalières, hebdomadaires et mensuelles de réception imposées par les opérateurs de téléphonie. Elle est obligée de multiplier des numéros de téléphone pour satisfaire ses adhérents. Autre entrave par des moindres, le retard dans le paiement des quotes-parts.

Solutions

Les bénéficiaires se plaignent aussi de l’arnaque sur les articles présentés. Sorelle Massard raconte sa mésaventure : « C’était ma première expérience, je voulais des draps. J’ai pensé que c’était plus facile de contribuer à hauteur de 2000 Fcfa la semaine et entrer en possession de deux paires de draps. On nous présentait une paire de draps avec la couette en pur coton. C’était intéressant. Lorsque je suis entrée en possession de mes draps, ce n’était pas vraiment ce que j’espérais, la qualité n’y était, ce n’était pas du pur coton. En plus, j’ai eu droit à deux draps et deux taies d’oreiller. Je n’ai pas été satisfaite.

Si je dois à nouveau adhérer à une telle cotisation, ce sera avec beaucoup de réserve mais pour autre article plus les draps. » Nadine Mvoula rassure que des solutions sont très vite dans ce cas d’espèce. « Les membres sont satisfaits même si on peut rencontrer quelques désagréments. Mes fournisseurs sont compréhensifs. Lorsqu’on a un problème de qualité ou de texture, ils permettent au bénéficiaire de choisir un autre article de même valeur. C’est un problème de confiance », explique-t-elle. Pour Estelle, c’est une question de confiance. « Il faut s’assurer que la gestionnaire est honnête avant de s’engager. »

Source: Le Jour