Cameroun : le nouveau calvaire du MRC

Le MRC a de plus en plus de mal à avoir des autorisation de manifestation

Mon, 5 Sep 2022 Source: Le Messager du 05-9-2022

Un récépissé de réunion publique pour le MRC (Mouvement pour la renaissance du Cameroun) a été délivré après plus de 400 interdictions. Cette fois-ci, la démarche a été longue à cause des discours ambivalents tenus respectivement par le maire de la ville et la sous-préfète de Bafoussam Ier au sujet de l’accord pour la place des fêtes soumise à une autorisation préalable préfectorale.

Sans aucune entrave, le meeting du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) s’est tenu à la maison du parti de Bafoussam, le lundi 29 aout dernier sous la présidence de Jean Nkueté, secrétaire général de cette formation politique. André Kamgue, président de la section RDPC de la Mifi centre à Bafoussam Ier, n’a pas fait de va et vient vers la sous-préfecture de Bafoussam pour obtenir un récépissé de déclaration de réunion publique. Tout le contraire de la situation vécue par le Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, il y a moins de 10 jours.

C’est après tout un exploit : Dieudonné Tamtouo, rapporteur de la Fédération régionale du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC ) à l’Ouest, a pris le micro ce samedi 20 août 2022 à l’esplanade de la paroisse de l’église évangélique du Cameroun (EEC) de Ndiangdam à Bafoussam pour lire le récépissé de déclaration de réunion publique en faveur de l’organisation du meeting d’installation des membres du bureau de la Fédération régionale du MRC à l’Ouest. Un document obtenu après bien des démarches auprès de la sous-préfecture de Bafoussam Ier. Surtout que le maire de la ville, Roger Tafam, a écrit aux responsables du MRC à l’Ouest que seule l’existence d’un récépissé de déclaration de manifestation publique signé du sous-préfet pouvait l’amener à octroyer la place des fêtes de Bafoussam pour le meeting d’installation des cadres de cette formation politique. Une réaction jugée par le MRC comme un refus déguisé orchestré par le maire, militant du parti au pouvoir, le RDPC, en complicité avec la sous-préfecture de Bafoussam.

La dernière lettre indiquant qu’il devra changer le lieu initial

Le document signé le mercredi 17 août, suite à une déclaration introduite le 08 du même mois au bénéfice de Me André Marie Tassa, secrétaire de la Fédération régionale du MRC de l’Ouest, constitue un léger dégel de l’interdiction de toute tentative de réunion ou de manifestation de cette formation politique depuis octobre 2018. Reste que pour une déclaration introduite douze jours avant la manifestation, le récépissé y afférent n’a été délivré que deux jours avant la manifestation. Il a fallu que le principal organisateur sollicite un huissier de justice pour obtenir la dernière lettre indiquant qu’il devra changer le lieu initial du meeting pour le tenir à la paroisse EEC de Ndiangdam afin qu’un récépissé de déclaration de réunion publique lui soit délivré.

C’est ainsi que le meeting, encadré par des policiers et gendarmes déployés près du site et dans les endroits stratégiques de la ville avec un char à eau antiémeute de la gendarmerie nationale, s’est tenu de 14h à 15h45, dans le respect des délais(de 13 à 16 h) établi sur la déclaration de réunion publique. Alors que Maurice Kamto, le leader du MRC , et ses partisans étaient excentrés à Ndiangdam pour leur meeting, la place des fêtes de Bafoussam, au coeur de la ville et facilement visible et accessible, était inoccupée toute cette journée de samedi 20 août 2022.

« Ponce pilatisme » administratif et cynisme politique

Lors de son intervention, le Pr Maurice Kamto, a souligné que pendant quatre ans, il n’a pas pu honorer un devoir significatif : celui de venir remercier les populations ayant voté MRC à l’élection de 2018. Il a dénoncé le régime de Yaoundé pour cette attitude « anti-libertés publiques ». Dans l’optique d’organiser ce meeting conformément à la loi, le MRC a déposé, dans les formes et les délais, une déclaration de manifestation publique dans les services de la sous-préfète de l'arrondissement de Bafoussam 1er, Thuendem Gisèle, épse Kamdem, contre décharge. Plusieurs jours après, la sous-préfète va écrire pour exiger que le MRC lui procure une autorisation d'utilisation de la Place des Fêtes signée par le Maire de la ville de Bafoussam. « Sollicité, ledit Maire, Tafam Roger, dans un ponce pilatisme administratif et un cynisme politique dont son parti, le RDPC, est coutumier, va répondre qu'il ne peut autoriser l'utilisation de la Place des Fêtes au MRC qu'à la condition que le Sous-préfet compétent ait délivré le récépissé de déclaration de la manifestation publique. La démarche tourne en une partie de ping-pong », dénonce le Pr Maurice Kamto.

Confronté à cette attitude, le MRC a pris sur lui de repousser la tenue de sa manifestation publique au 20 août 2022, en espérant amener les responsables concernés à la compréhension et au respect de la loi. Dans cet esprit, souligne le Pr Maurice Kamto, le MRC a saisi une nouvelle fois la Sous-préfète de l'arrondissement de Bafoussam 1er d'une déclaration de manifestation publique à la Place des Fêtes de la ville ou au Stade municipal pour le 20 août 2022. Pour la suite, la sous-préfète de Bafoussam est accusée par le MRC , d’avoir invoqué les « tractations discordantes observées », selon elle, au sein du MRC et renvoyer, une fois de plus les responsables de ce parti vers le maire de ville dont elle connaissait par avance la réponse.

« Plus grave, avant même de recevoir la réponse du maire dont elle connaissait déjà la teneur avant même qu'elle ne soit notifiée à notre parti, elle demande à nouveau au MRC de lui produire une autorisation écrite du maire pour l'utilisation de la Place des Fêtes », dénonce le leader du MRC . Tirant parti d’un communiqué du gouverneur de la région de l’Ouest, Awa Fonka Augustine, la sous-préfète va demander au MRC de tenir sa réunion publique du 20 août prochain à son siège, en respectant le port des masques, la distanciation et l’utilisation du gel hydroalcoolique, alors que le responsable régional du MRC dans la Région de l’Ouest avait déjà invoqué l'exiguïté du siège régional du parti pour solliciter la Place des fêtes.

« Faut-il rappeler que la sous-préfète de Bafoussam 1er a accordé une "Autorisation Spéciale ", en moins de 24h, au groupe d'infiltrés qui, recalés à l'occasion des élections internes du MRC à l'Ouest, se sont appuyés sur elle et le maire RDPC de la ville pour organiser une réunion publique dans le but avoué et affiché de créer une scission au sein de notre parti», déclare le président national du MRC . Au niveau de la sous-préfecture de Bafoussam Ier où le correspondant de Journalistes en Afrique pour le développement (Jade) s’est rendu dans l’après –midi du mercredi 31 aout dernier, la responsable du secrétariat particulier a fait savoir qu’une « autorisation spéciale » est délivrée pour des réunions qui se tiennent dans un contexte sécuritaire particulier. Elle a notamment fait allusion à la pandémie du Covid 19. Un discours tenu par madame la sous-préfète de Bafoussam 1er en date du 17 aout 2022. Ce jour, elle avait exigé des responsables du MRC d’observer les mesures barrières contre « la terrible pandémie ».

Pour elle, « autorisation spéciale » implique aussi la tenue de la réunion publique sous haute sécurité des forces du maintien de l’ordre. Car suite à la contestation des résultats de l’élection présidentielle par le Pr Maurice Kamto, le candidat de cette formation politique, toutes les déclarations de réunions ou de manifestations publiques, plus de 400 selon des estimations internes de ce parti, libellées pour l’organisation des marches pacifiques ont été systématiquement rejetées dans l’ensemble des circonscriptions administratives du Cameroun, plus particulièrement dans les régions de l’Ouest et du Littoral, où des militants de cette formation politique étaient engagés à marcher pour revendiquer la victoire volée de leur champion lors de cette consultation électorale.

Trouver un moyen impartial et raisonnable d’affecter l’espace

Selon le Centre pour la promotion des droits (Ceprod), l’Etat du Cameroun n’est pas automatiquement engagé à reconnaître le principe de la liberté des réunions et manifestations publiques. Au registre des textes violés par l’administration, figurent en bonne place les Lignes Directrices sur la Liberté d’Association et de Réunion en Afrique. La partie II dudit document qui porte Régime de notification indique : « Le fait de participer à des réunions et d’en organiser est un droit, non un privilège, et il s’ensuit que l’exercice de ce droit n’exige pas d’autorisation de l’État(…) La non-déclaration d’un rassemblement ne saurait le rendre illégal.» Le droit à la liberté de réunion est également consacré par l’Article 20.1 de la Déclaration universelle des droits de l’homme et l’Article 21 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques.

Suivant les instruments juridiques internationaux, la procédure est censée être souple en cas de préavis tardif ou de dépôt de renseignements incomplets en vue de faciliter la tenue des réunions. «Si les autorités reçoivent un préavis de plusieurs groupes souhaitant organiser un rassemblement dans le même lieu et au même moment, elles doivent s’efforcer de faciliter la tenue de ces rassemblements simultanés. Si cela est impossible, il convient de trouver un moyen impartial et raisonnable pour affecter l’espace », précisent les rédacteurs des Lignes Directrices sur la Liberté d’Association et de Réunion en Afrique.

Source: Le Messager du 05-9-2022