Apparu sur la scène politique au début des années 1990, il est finalement devenu l’un des acteurs majeurs de la scène politique camerounaise de l’ère du multipartisme.
Deux images peuvent caractériser le parcours politique de John Fru Ndi sur la scène camerounaise. D’abord, celle de cet homme fougueux, défilant avec le poing levé, défiant toute autorité de l’Etat et drainant avec lui des milliers de Camerounais lors de ses différentes sorties dès le début des années 1990. Puis, celle d’un homme assagi, semblant de plus en plus adopter une posture républicaine, sans doute mûri par l’âge et les dures réalités d’un terrain politique qu’il s’apprêtait du reste à quitter à la faveur de la convention nationale élective du parti qu’il a contribué à créer, et qui est programmée les 28 et 29 juillet 2023 à Yaoundé. John Fru Ndi a donc finalement tiré sa révérence, quelques jours seulement après une réunion du Comité exécutif national (NEC), le 3 juin dernier à Yaoundé. Des travaux au cours desquels, son absence avait bien été remarquée, lui qui luttait déjà contre la maladie. Il quitte finalement la scène politique, auréolé de la reconnaissance de la plupart de ses compatriotes.
Parcours
Les premières années de la carrière politique de cet ancien militant du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC) de la Mezam, laisseront à voir un homme radical, dur dans ses positions. C’est dans cette attitude qu’en compagnie de quelques autres partis politiques réunis au sein de l’Alliance pour le redressement du Cameroun par la Conférence nationale souveraine (Car-Cns), le SDF refuse de prendre part aux premières élections législatives marquant le retour au multipartisme en 1992. Quelques mois plus tard, John Fru Ndi est candidat à la présidentielle d’octobre de la même année. Il mobilise des foules et séduit les électeurs. Il provoque pratiquement un séisme sur la scène politique en talonnant le président de la République Paul Biya avec 35,9% des suffrages exprimés contre 39,9% pour le président sortant.
Son parti continue de surfer sur cette popularité pour remporter 43 sièges à l’Assemblée nationale en 1997. Il boycotte la présidentielle d’octobre de la même année, comme certains autres leaders de partis politiques. Motif avancé : la loi électorale n’offre pas les mêmes opportunités à tous les candidats. Lorsque vient la présidentielle de 2004, le SDF est tombé à 22 sièges à l’Assemblée nationale deux ans plus tôt. Pour l’opposition, l’idée d’une candidature unique voit le jour. Conscient du poids de son parti, John Fru Ndi va refuser de se plier à la décision de ses compagnons de l’opposition qui avaient porté leur choix sur Adamou Ndam Njoya, candidat de la Coalition pour la réconciliation nationale et la reconstruction (CNRR). Le SDF l’investit candidat. Il recueille 17,40% des suffrages, derrière le président Paul Biya.
Ambiance au sein du SDF
Les années qui suivent vont voir un John Fru Ndi aux prises avec certains cadres de son parti. Le Chairman fait abondamment usage du fameux article 8, alinéa 2 des textes de base qui lui permet d’exclure tous les frondeurs. En 2006, une tentative de chiisme provoquée par l’ancien bâtonnier Bernard Muna et d’autres cadres du parti va aboutir à des affrontements sanglants entre militants du SDF à Yaoundé avec une mort à la clé. John Fru Ndi est mis en examen pour « complicité d’assassinat, blessures simples et blessures légères » avec une vingtaine d'autres dirigeants du parti.
Apaisement
Le 10 décembre 2010, en visite à Bamenda dans le cadre du cinquantenaire de l’armée, le président Paul Biya reçoit John Fru Ndi. Cette rencontre, historique, va ouvrir la voie à un dégel des relations entre les deux personnalités. A la présidentielle de 2011, la dernière à laquelle il prend part, il obtient 10,71% des suffrages. A la proclamation des résultats par la Cour suprême, faisant office de Conseil constitutionnel, il en prend acte dans un communiqué et plaide pour la mise en place de « règles équitables pour l’organisations d’élections libres et équitables ».
Sur la crise dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest, sa position était connue. S’il refusait de retirer ses élus du Parlement, comme le lui exigeait les bandes armées, il a toujours plaidé pour plus d’autonomie aux régions. Il fut du reste enlevé à deux reprises. Sa participation au Grand dialogue national en 2019 traduisait sans doute sa volonté de voir le Cameroun retrouver définitivement la paix dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest.