Ils ont décidé depuis le 15 novembre de déposer les robes pour dénoncer la violation des droits de l’homme dans les procédures judiciaires ouvertes à l’encontre de leurs clients devant le tribunal militaire de Yaoundé.
Les avocats constitués pour la défense de Sisiku Ayuk Tabe, président de l’État fictif de l’Ambazonie, et plusieurs autres détenus poursuivis dans le cadre de la crise anglophone, suspendent leur participation devant le tribunal militaire de Yaoundé. L’annonce a été faite le 15 novembre 2021 par Me Amungwa Tanyi, chargé de la communication de ce collectif d’avocats. Ces défenseurs des droits de l’homme s’inquiètent des lenteurs judiciaires et des « maltraitances » que leurs clients subissent dans le cadre des différentes procédures judiciaires en cours.
La décision de déposer la robe a été prise au terme d’une audience prévue le 15 novembre devant le tribunal militaire de Yaoundé. Huit détenus accusés dans le cadre de la crise anglophone étaient attendus devant la barre. Mais trois d’entre eux n’étaient pas à l’audience. Leur absence au tribunal militaire se justifie par le fait que depuis le 13 octobre 2021, ils ont été déportés de la prison de Kondengui et conduits nuitamment au Service central des recherches judiciaires au Secrétariat d’État à la défense. Ces trois prisonniers n’ont pas été extraits des cellules de la gendarmerie pour participer à l’audience.
« Nous avons trois clients qui ont été déportés de la prison centrale de Kondengui depuis le 13 octobre 2021 pour le Service central des recherches judiciaires. Ces trois détenus devaient comparaître ce 15 novembre mais ils n’ont pas été extraits de la gendarmerie où ils sont détenus sans un titre signé par une autorité, ceci en toute violation des règles en matière de la défense. Nos clients sont en prison depuis 2018 et n’ont toujours pas été jugés. Ils ont été placés en détention provisoire par le commissaire du gouvernement. Dans la nuit du 13 octobre 2021, les officiers de la gendarmerie les ont déportés sans aucun mandat signé par une autorité compétente. Ils sont restés coupés de leurs avocats pendant plus d’une semaine. Nous ne comprenons pas comment les gens qui sont en prison peuvent être déportés et qu’on les prive de leur droit d’être jugés », affirme Me Amungwa Tanyi.
Le retour des déportés à Kondengui exigé
Le collectif d’avocats de Sissiku Ayuk Tabe exige que les trois détenus déportés de la prison centrale depuis le 13 octobre 2021 soient ramenés en prison par les responsables du SED. « Nous avons saisi le procureur de la république près la Cour d’appel du centre pour l’informer de cette situation mais jusqu’à aujourd’hui rien n’a été fait. Nos clients sont accusés de financer le général No Pity pendant qu’ils sont en prison. Comment les gens qui sont en détention et qui n’arrivent pas à manger peuvent financer le terrorisme ?», demande l’avocat.
Les avocats dénoncent la violation de l’article 9 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques qui stipule : « Tout individu arrêté ou détenu du chef d'une infraction pénale sera traduit dans le plus court délai devant un juge ou une autre autorité habilitée par la loi à exercer des fonctions judiciaires, et devra être jugé dans un délai raisonnable ou libéré ». Me Agbor Balla, président du Centre pour les droits de l’homme et de la démocratie en Afrique (CHRDA), estime que les autorités judiciaires doivent prendre toutes les dispositions pour assurer l’indépendance de la justice dans le cadre de la crise anglophone.
Les droits de la défense bafoués
Le collectif d’avocats constitué pour la défense de Sissiku Ayuk Tabe défend actuellement devant le tribunal militaire de Yaoundé plus de 60 jeunes gens poursuivis pour « séparatisme ». Ces avocats affirment que les règles fondamentales pour garantir une justice équitable à l’égard de leurs clients sont constamment bafouées par les autorités judiciaires : « Nos clients sont torturés pendant l’enquête préliminaire, lorsqu’ils sont devant la barre, ils sont jugés sans témoins de l’accusation.
Certains sont en prison depuis six ans sans être jugés », ajoute un avocat. Le 9 septembre 2021 le collectif d’avocats constitué pour la défense des militants du Mouvement pour la renaissance du Cameroun avait décidé de déposer les robes pour dénoncer les multiples violations des droits de leurs clients devant le tribunal militaire. Ces militants ont été inculpés depuis octobre 2020 pour tentative de rébellion, révolution, attroupement aggravé suite à une manifestation pacifique organisée par les responsables du parti politique. Une source au tribunal militaire de Yaoundé estime que cette colère des avocats n’est pas justifiée pour la simple raison que les mis en cause sont poursuivis pour des actes de terrorisme et que, dans le contexte actuel, les autorités judiciaires peuvent prendre certaines dispositions qui visent uniquement à ce que tous les éléments de preuve soient rassemblés pour bien juger les prévenus.