Cameroun : les conséquences de la grève des enseignants inquiètent

Les enseignants du primaire menacent d'entrer en grève

Fri, 15 Apr 2022 Source: Le Jour du 15-04-2022

Comme les deux années passées, avec les conséquences de la pandémie à coronavirus, la longue grève des enseignants a négativement impacté sur cette année scolaire.

Pour cause de vendredi saint, c’est ce jeudi que les établissements publics du secondaire vont mettre en congé les élèves pour le compte du deuxième trimestre. Du moins, pour ceux qui ont pu les contenir jusqu’à date. La décision de prolonger d’une semaine le deuxième trimestre est intervenue alors qu’une mesure controversée de suspension des cours de remise à niveau et des rattrapages est en vigueur au Ministère des Enseignements secondaires. Plusieurs chefs d’établissements avec qui nous avons discuté se demandent toujours comment ils vont s’y prendre pour rattraper les cours déjà perdus lors des fantaisies de la Coupe d’Afrique des Nations et en mars-avril avec le mouvement « On a trop supporté », qui a eu le malheur de porter un coup sur la conscience professionnelle de plusieurs vieux enseignants résignés si ce n’est les rebeller. Dans la Région de l’Ouest, le Délégué régional avait prescrit des cours jusqu’à 17h et même les samedis, avant d’être recadré par sa Ministre, qui avait interdit toute « initiative isolée ».

Des élèves sacrifiés

Malgré cet ajustement, les conséquences sur les préparatifs des examens officiels sont évidentes. « Il reste encore beaucoup de chapitres à couvrir. Je ne pense pas qu’on va finir les programmes cette année. Pour nous consoler, nos enseignants nous demandent de ne pas négliger les ressources du télé-enseignement mises en ligne depuis le ministère. Ce sont des signes qui ne trompent pas et nous sommes de plus en plus nombreux et sérieux sur le forum WhatsApp qu’on a créé pour nous », témoigne Aline Z., élève. En principe, une évaluation du niveau de couverture des programmes devrait être faite, laquelle aurait pu conduire à une reprogrammation des dates d’examen. Tout indique qu’il n’en sera rien. Dans tous les établissements visités, des listes provisoires des candidats aux examens sont déjà affichées. Il faut craindre les conséquences sur le niveau des élèves. « Cette génération est plus que sacrifiée. Certains ont été promus il y a deux ans avec 08/20 de moyenne, à cause de la Covid-19. L’année dernière, ils ont eu une année scolaire de huit mois. Cette fois-ci, les enseignants ont ajouté cinq semaines de débrayage à toute l’irresponsabilité que nous avons observée pendant la Can. Ce n’est pas de cette façon qu’on fabrique des génies », résume Jacques Tonga, un parent d’élève éveillé. Les élèves eux-mêmes reconnaissent qu’ils trainent de sérieuses lacunes.

Les directives de l’Unesco, auxquelles le Cameroun s’est arrimé, sont claires. « Pour l’Enseignement primaire, les activités d’enseignement/apprentissage s’organisent sur un volume horaire hebdomadaire de 34h30mn correspondant à 1104h de volume horaire annuel, à consommer dans les écoles évoluant en régime scolaire à plein temps, alors que les écoles évoluant à mi-temps consomment un volume horaire hebdomadaire de 26H40mn, pour 853h20mn de volume horaire annuel », lit-on dans l’arrêté interministériel fixant le découpage de l’année scolaire. Pour le Secondaire, « les activités d’enseignement/apprentissage se déroulent en trente-six (36) semaines, pour un minimum de 35 heures de cours par semaine (cas de l’ESG) y compris les activités post et périscolaires. Soit 420 heures par trimestre pour un total de 1260 heures pour l’année scolaire desquelles, il faudra déduire 210 heures réservées à l’évaluation, ce qui donne 1050 heures d’enseignement/apprentissage. En tout état de cause, les activités d’enseignement/apprentissage et remédiation doivent être couvertes en 900 heures au minimum ».

Démobilisation des enseignants

Les choses seraient encore acceptables si les enseignants n’avaient plus la tête qu’aux revendications. Presque tous se souviennent maintenant que le gouvernement leur doit quelque chose. Sinon, comment comprendre que le collectif « On a Trop Supporté » affirme ne pas vouloir entendre parler d’achèvement des programmes des enseignements et d’intensification des cours de rattrapage ? Au Pr. Pauline Nalova Lyonga, qui reconnaît la réalité et la pertinence des problèmes soulevés, contrairement à son homologue de l’Education de Base le Pr. Laurent Charles Etoundi Ngoa, Ots fait le chantage en réclamant « une action prompte pour la diligence des actes de carrière des Enseignant(e)s relevant du département ministériel dont elle a la charge et autres aspects de revendications qui relèvent de sa compétence ».

Il soutient même que si au soir du 24 avril 2022, leurs préalables n’ont pas été pris en compte, elle portera la responsabilité de la « radicalisation irréversible des Enseignant(e)s dans son entièreté ». Sur la question, « où doit-on prendre de l’argent pour payer la dette de 181 milliards ? », beaucoup ont vite répondu : « Ligne 94 », du nom de cette section du budget national qu’on a récemment découvert en train de distribuer des appuis insolites à certains pontes du régime. Certaines explications montrent que l’argent des enseignants a plutôt été distrait, au fil des années. C’est du reste la démonstration non encore démentie, faite par le député Sdf Joshua Osih, dans une interview à Stv. « Donc, si je comprends bien les paroles de Joshua Osih, le gouvernement a volé notre argent. Chaque année, ils disent qu’ils nous ont payés, mais en réalité ils ne le faisaient pas. Nous comprenons maintenant toutes ces intimidations et menaces. Nous nous demandions toujours, mais pourquoi est-ce qu’ils ne peuvent pas faire recours à la Ligne 65 et à la Ligne 94 pour nous payer ? Maintenant on comprend déjà.

En réalité, ils n’ont aucune justification pour aller puiser dans ces caisses, car l’Etat ne doit rien aux Enseignants. 99 jours pour le voleur et 1 jour pour le propriétaire. Ce proverbe a tout son sens maintenant ! C’est maintenant que le vrai OTS doit commencer ! Les collègues qui croient naïvement encore à la bonne foi du gouvernement là, sachez maintenant sur quel pied vous tenir lorsque vous irez enseigner. Le bourreau d’en face s’est enrichi avec ton argent, pendant que toi et ta famille vivotent avec du riz sauté et le crédit bancaire à long terme », commente un activiste sur les réseaux enseignants. Il indique qu’à compter du 25 Avril, il faut se tenir du bon côté de l’histoire. Dans cette histoire, l’Etat perd à la fois son autorité et sa crédibilité. Il n’y a pas de tête à couper ou à corrompre, du fait d’un leadership virtuel, organisé autour des réseaux sociaux. Le gouvernement discute avec des gens que les autres peuvent dénoncer à tout moment et qu’on accuse très facilement de collusion. Conséquence du sabordage et de la décrédibilisation des mouvements syndicaux.

Source: Le Jour du 15-04-2022