Cameroun : les coulisses de la machine de guerre médiatique du RDPC révélées

Pr Fame Ndongo Explication.png Fame Ndongo, haut cadre du RDPC et ministre et Paul Biya

Tue, 30 Sep 2025 Source: www.camerounweb.com

Derrière chaque intervention télévisée d'un défenseur du régime camerounais, derrière chaque chronique pro-Biya, se cache une organisation méticuleuse. Dans une enquête exclusive, Jeune Afrique lève le voile sur l'impressionnante machine de guerre médiatique mise en place par le RDPC pour la présidentielle du 12 octobre, avec à sa tête un homme : Jacques Fame Ndongo.

Jeune Afrique révèle que le Rassemblement démocratique du peuple camerounais a "structuré sa communication autour d'une équipe dirigée par Jacques Fame Ndongo, secrétaire à la communication et ministre de l'Enseignement supérieur." Un cumul de fonctions qui n'a rien d'anodin : contrôler le ministère qui supervise toutes les universités du pays tout en étant chef de la propagande du parti au pouvoir.

Cette double casquette offre à Fame Ndongo un vivier inépuisable de talents universitaires qu'il peut mobiliser pour défendre le régime sur tous les fronts médiatiques. Jeune Afrique dévoile que cet "idéologue biyaïste" ne laisse rien au hasard dans sa stratégie de communication. Il est notamment celui qui "a été ces derniers jours pour expliquer le slogan de campagne choisi par le RDPC pour son candidat, 'Grandeur et espérance'."

Mais le rôle de Fame Ndongo va bien au-delà des simples apparitions médiatiques. Selon les informations exclusives de Jeune Afrique, "derrière les décors, rien n'est laissé au hasard. Les états-majors s'activent pour remporter la bataille de l'opinion : ils suggèrent des thèmes aux présentateurs, choisissent les 'bons invités', se renseignent sur leurs adversaires et peaufinent les éléments de langage."

Cette révélation met en lumière un système de manipulation médiatique sophistiqué : le RDPC ne se contente pas d'envoyer ses porte-parole sur les plateaux, il influence en amont le contenu même des émissions, choisit qui doit débattre avec qui, et prépare minutieusement ses interventions.

Fame Ndongo ne travaille pas seul. Jeune Afrique révèle l'existence d'un véritable état-major de la communication présidentielle, avec deux lieutenants de poids. "Le ministre est secondé par l'ancien directeur de l'École supérieure des sciences et techniques de la communication (Esstic) de Yaoundé, le sénateur Laurent-Charles Boyomo Assala, et par l'ancien directeur général de Cameroon Tribune, Paul Célestin Ndembiyembe."

Ce trio n'a pas été choisi par hasard, comme le souligne Jeune Afrique. Boyomo Assala, ancien patron de la principale école de journalisme du pays, connaît tous les codes de la communication et a formé une bonne partie des journalistes camerounais actuels. Ndembiyembe, lui, a dirigé le quotidien gouvernemental, ce qui lui donne une connaissance intime des rouages de la presse écrite.

Ensemble, ces trois hommes forment un triumvirat qui contrôle tous les leviers de la communication : Fame Ndongo pour la stratégie globale et les universités, Boyomo Assala pour les relations avec les médias et la formation des communicants, Ndembiyembe pour la presse écrite et les contenus écrits.

Jeune Afrique révèle que "dans leurs fichiers, on retrouve des figures médiatiques comme Manasse Aboya Endong, doyen de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université d'Ebolowa, l'ingénieur Mouthé Ambassa, le politologue Jean Vincent Ntuda Ebode et bien d'autres." Un véritable carnet d'adresses d'intellectuels mobilisables à tout moment selon les besoins de la propagande présidentielle.

L'efficacité de cette machine de guerre médiatique se mesure à sa capacité de réaction. Jeune Afrique documente un cas d'école : la réponse orchestrée suite à la lettre ouverte de Babissakana, "ex-banquier et consultant", qui avait osé inviter Paul Biya à "passer la main."

Selon les révélations de Jeune Afrique, les intellectuels du fichier Fame Ndongo ont été "prompts à intervenir" pour contrer cette offensive. En quelques heures, les plateaux de télévision et les réseaux sociaux se sont retrouvés saturés d'interventions pro-Biya, tous reprenant les mêmes éléments de langage, tous minimisant l'impact de cette lettre, tous défendant la légitimité du président à briguer un huitième mandat.

Cette coordination révèle un système rodé : dès qu'une critique émerge, la cellule de crise s'active, identifie les meilleurs profils pour y répondre selon la nature de l'attaque, leur fournit les arguments clés, et les déploie sur tous les fronts médiatiques simultanément.

L'opération "Pour le libéralisme communautaire" : un coup de maître éditorial

Jeune Afrique révèle ce qui pourrait être l'un des coups de communication les plus sophistiqués de cette campagne présidentielle. Le 29 septembre, "alors que les candidats d'opposition ont débuté leur campagne de terrain, les stratèges du RDPC ont investi les colonnes du quotidien gouvernemental Cameroon Tribune, avec ce qui est présenté comme un entretien de Paul Biya."

Cet entretien, recueilli par Marie-Claire Nnana, directrice de la Société de presse et d'éditions du Cameroun, porte sur "la réédition de son ouvrage politique datant de 1987, Pour le libéralisme communautaire." Mais Jeune Afrique va plus loin dans son analyse : "Une opération qui semble porter la marque de Jacques Fame Ndongo."

Cette révélation est cruciale : alors que Paul Biya se trouve "actuellement en séjour en Suisse" selon Jeune Afrique, donc physiquement absent de la campagne, Fame Ndongo a trouvé le moyen de le faire exister médiatiquement par le biais d'un entretien sur son livre-manifeste politique.

L'opération est habile à plusieurs niveaux : elle rappelle l'héritage idéologique du président, elle le positionne en penseur politique plutôt qu'en simple candidat, elle évite les questions embarrassantes que pourrait poser une conférence de presse classique, et elle monopolise l'espace médiatique au moment même où l'opposition démarre sa campagne de terrain.

Jeune Afrique retrace l'évolution du RDPC face aux nouveaux enjeux de communication. "Longtemps enclin à imposer plutôt qu'à convaincre, l'ancien parti unique a compris l'importance d'occuper ce terrain médiatique, investi par l'opposition dans les années 1990 et 2000, au moment du retour au multipartisme."

Cette révélation met en lumière un changement de paradigme majeur. Le RDPC, habitué pendant des décennies à contrôler l'information par la censure et la répression, a dû apprendre à argumenter, à débattre, à convaincre. Un apprentissage tardif mais nécessaire face à la montée en puissance des médias privés et des réseaux sociaux.

Jeune Afrique souligne que le parti présidentiel se retrouve aujourd'hui "en première ligne, dans le rôle peu enviable de l'oppresseur seul contre tous." Une position défensive qui nécessite une stratégie de communication agressive, d'où la mise en place de cette machine de guerre dirigée par Fame Ndongo.

Cette reconversion forcée explique aussi pourquoi le RDPC investit massivement dans le contrôle des débats télévisés. Jeune Afrique révèle que les états-majors du parti "suggèrent des thèmes aux présentateurs" et "choisissent les 'bons invités'." Une manière détournée de retrouver le contrôle perdu sur l'espace médiatique.

Parmi les figures mobilisées par la machine Fame Ndongo, Jeune Afrique identifie un acteur clé : Magloire Ondoa, "constitutionnaliste de renom et recteur de l'université de Douala." Son rôle a été particulièrement visible lors de la bataille juridique autour de la candidature de Maurice Kamto.

Jeune Afrique rapporte qu'entre mai et juin derniers, "la dernière bataille rangée a occupé les antennes" sur la question du mandat dit impératif. Face aux arguments de l'universitaire Jean Calvin Aba'a Oyono, conseiller de Kamto, c'est Ondoa qui a porté la réplique pour le camp présidentiel.

Selon Jeune Afrique, le recteur de Douala a rétorqué : "Il n'y a pas lieu de débattre sur le mandat impératif (…) L'article 121 alinéa 2 de la loi électorale dit que si vous n'avez pas de représentants, votre parti peut vous présenter, mais vous devez avoir 300 signatures."

Cette intervention, révèle Jeune Afrique, a préparé le terrain pour les décisions ultérieures : "La candidature de l'opposant a été écartée par le Conseil électoral d'Elecam, puis son recours rejeté par le Conseil constitutionnel." Ondoa n'a pas seulement défendu une position juridique, il a fourni l'argumentaire qui allait être repris par les instances officielles pour éliminer le principal adversaire de Biya.

Les "tontinards" de Mathias Éric Owona Nguini : la guerre linguistique

Jeune Afrique révèle également comment la bataille médiatique du RDPC s'étend aux réseaux sociaux, avec des méthodes parfois peu orthodoxes. Le magazine identifie notamment "le politologue pro-régime Mathias Éric Owona Nguini" qui "anime une page Facebook très suivie, où il invente régulièrement des néologismes."

Le plus célèbre de ces néologismes, selon Jeune Afrique, est le terme péjoratif "tontinards" utilisé "pour désigner les militants du MRC." Une invention linguistique qui vise à ridiculiser l'opposition en la réduisant à une simple "tontine" (système d'épargne informel), suggérant ainsi que le parti de Kamto n'est qu'un arrangement financier entre petits épargnants plutôt qu'une force politique légitime.

Cette guerre linguistique révélée par Jeune Afrique s'inscrit dans une stratégie plus large de disqualification de l'adversaire. En créant un vocabulaire méprisant, Owona Nguini cherche à influencer la perception collective du MRC, transformant ses militants en objets de moquerie.

Le politologue n'intervient pas seulement en ligne. Jeune Afrique précise qu'"entre deux passages télévisés", il poursuit son travail de sape sur Facebook. Une double présence, sur les médias traditionnels et numériques, qui illustre la stratégie multicanale du RDPC.

Malgré les "dérapages récurrents et excès dont certains débatteurs sont coutumiers", Jeune Afrique révèle que "ces échanges battent des records d'audience et réjouissent les chaînes de télévision." Une information capitale qui explique pourquoi les médias acceptent de se prêter au jeu de la manipulation orchestrée par les états-majors politiques.

Les télévisions camerounaises ont découvert que la polarisation politique est rentable. Plus les débats sont violents, plus les accusations sont graves, plus les spectateurs sont au rendez-vous. Un cercle vicieux que Jeune Afrique met en lumière : les chaînes ont tout intérêt à laisser la machine Fame Ndongo leur suggérer des thèmes et des invités, puisque cela garantit des confrontations spectaculaires et donc de bonnes audiences.

Cette révélation pose la question de l'indépendance des médias camerounais. Si les choix éditoriaux sont dictés par la recherche d'audience, et si cette audience est maximisée par des débats orchestrés par les partis politiques, où se situe encore le journalisme ?

La machine médiatique du RDPC révélée par Jeune Afrique a une mission complexe : défendre un président de 92 ans qui brigue un huitième mandat, justifier 43 ans de pouvoir, et convaincre que sept années supplémentaires sont nécessaires. Une tâche qui nécessite des argumentaires sophistiqués et des communicants aguerris.

C'est là tout le talent de Jacques Fame Ndongo et son équipe : ils ont réussi à structurer une communication qui transforme les faiblesses en forces. L'âge de Biya ? C'est de l'expérience. La longévité au pouvoir ? C'est de la stabilité. L'absence de campagne de terrain ? C'est de la dignité présidentielle.

Jeune Afrique révèle ainsi que le slogan "Grandeur et espérance" n'a pas été choisi au hasard. Il permet de projeter dans l'avenir ("espérance") tout en revendiquant un héritage glorieux ("grandeur"). Un équilibre subtil entre bilan et promesse, entre passé et futur, conçu par Fame Ndongo pour neutraliser la critique de l'immobilisme.

Mais cette machine de guerre a un coût, que Jeune Afrique ne chiffre pas mais laisse deviner. Combien coûte la mobilisation permanente de dizaines d'universitaires, de politologues, d'avocats ? Combien coûtent les "suggestions de thèmes" aux chaînes de télévision ? Combien coûte la coordination quotidienne de tous ces intervenants ?

Au-delà du coût financier, il y a aussi un coût intellectuel. En mobilisant l'élite universitaire camerounaise pour défendre un régime vieillissant, le RDPC détourne ces intelligences de leurs missions premières : la recherche, l'enseignement, la production de savoir critique.

Jeune Afrique révèle que Manasse Aboya Endong est "doyen de la faculté des sciences juridiques et politiques de l'université d'Ebolowa." Un poste académique prestigieux, mais qui semble passer au second plan par rapport à son rôle de défenseur médiatique du régime. Combien de thèses dirigées, combien de cours préparés, combien de recherches menées sont sacrifiés sur l'autel de la communication politique ?

Cette machine médiatique efficace révélée par Jeune Afrique a donc un coût caché : l'appauvrissement du débat intellectuel camerounais, réduit à une opposition binaire pour ou contre Biya, et la transformation d'universitaires en propagandistes.

Source: www.camerounweb.com