Comment Yaoundé ferme les yeux sur les abus des chefs traditionnels en échange de leur soutien électoral
Exclusif - Une enquête de Jeune Afrique met au jour l'impunité dont jouissent les lamidos du nord du Cameroun, protégés par le pouvoir central malgré des accusations graves d'abus de pouvoir et de violations des droits humains.
Les révélations de Jeune Afrique dévoilent un système de protection mutuelle où Paul Biya "détourne volontiers le regard des divers abus, à condition que les chefs traditionnels du septentrion lui accordent leurs faveurs".
L'enquête de Jeune Afrique révèle plusieurs cas troublants d'impunité. En février 2022, lorsque le lamido de Garoua, Ibrahim El Rachidine, a été soupçonné d'être lié à la mort de l'un de ses neveux, tué dans sa propriété par ses gardes, l'affaire a été "progressivement enterrée", selon les informations exclusives recueillies par le journal.
Jeune Afrique a également découvert que les dénonciations des organismes de défense des droits humains contre Bello Bissadou, lamido de Mokolo, "n'ont pas davantage prospéré". Ces révélations illustrent comment les autorités camerounaises préfèrent l'omerta plutôt que la justice quand il s'agit des chefs traditionnels.
Les investigations de Jeune Afrique révèlent aussi que les protestations contre le lamido de Rey Bouba - accusé de ne pas respecter un arrêté signé de la primature et limitant sa zone de compétence à la commune éponyme plutôt qu'au département entier du Mayo-Rey - "n'ont pas non plus été suivies d'effets".
Cette impunité territoriale démontre, selon Jeune Afrique, comment ces potentats locaux outrepassent régulièrement leurs prérogatives légales sans craindre de sanctions.
L'enquête de Jeune Afrique rappelle des précédents inquiétants, comme lors des législatives de 1997 à Rey Bouba. Les révélations du journal indiquent que des députés de l'opposition "s'étaient heurtés aux gardes du lamido, qui refusait la présence de l'opposition sur ses terres". Les échauffourées avaient fait deux morts et des sympathisants de l'UNDP avaient été emprisonnés pendant trois ans.
Plus récemment, Jeune Afrique révèle qu'en mai 2025, "les gardes du lamido de Dogba, à Maroua, ont empêché un député du Front pour le salut national du Cameroun (FSNC), Salmana Amadou Ali, de se rendre dans une école où il était attendu pour faire des dons".
Les sources de Jeune Afrique dévoilent comment ce système d'impunité s'articule autour d'un chantage électoral permanent. "Sans jamais craindre de violer leur devoir de neutralité, ces lamidos sont au premier rang des joutes électorales, allant jusqu'à imposer leurs consignes de vote à leurs sujets", révèle l'enquête.
À Bogo, Jeune Afrique a découvert que "le lamido local interdit toujours la présence du Mouvement patriotique du salut camerounais (MPSC), d'Aboubakari Sidiki", illustrant cette mainmise sur la démocratie locale.
Les révélations de Jeune Afrique montrent que cette protection a un prix politique. En avril dernier, le lamido de Garoua a été coopté au sein du comité central du RDPC, rejoignant "plusieurs de ses collègues chefs traditionnels" dans les instances dirigeantes du parti au pouvoir.
Cette enquête exclusive de Jeune Afrique révèle ainsi les ressorts cachés d'un système où l'impunité judiciaire se négocie contre la fidélité électorale, au détriment de l'État de droit et de la démocratie camerounaise.