Cameroun : les femmes boudent toujours le préservatif féminin

'Insérer dans le vagin, seul décourage'

Mon, 20 Dec 2021 Source: Le Jour

Certaines se plaignent des difficultés pour insérer ce contraceptif. D’autres redoutent une diminution du plaisir. Enquête.

Une fille de 23 ans, sexuellement active depuis trois ans, s’étonne du fait qu’il existe un préservatif féminin et demande avec insistance à ses copines à quoi il ressemble. Comme elle, plusieurs femmes ignorent comment se présente le préservatif féminin. Et, celles qui l’ont déjà vu, le boudent. Neuf femmes sur dix interrogées, le trouvent inconfortable : « Son insertion est difficile et fait peur ».

« Insérer dans le vagin, seul décourage »

Auprès de l’Association camerounaise pour le marketing social (Acms), où nous nous sommes rendus, nous n’avons pas eu d’informations officielles. Par contre, un cadre affirme ne pas avoir des statistiques, mais il garantit que les cibles ont trouvé le préservatif féminin grossier, difficile à utiliser. Selon nos recherches, il y a un processus pour insérer le préservatif féminin qui est, en fait, une sorte de gaine munie d’un anneau souple à chaque extrémité, dans le vagin. L’anneau intérieur situé du côté fermé, sert à l’insertion et au maintien du préservatif. L’anneau extérieur, plus grand, recouvre les organes génitaux externes. Les scientifiques recommandent aux femmes d’être dans une position confortable avant de le mettre : assise, couchée ou debout avec un pied posé sur une chaise. Ensuite, il faut faire attention aux bagues et aux ongles, qui peuvent l’endommager, et presser l’anneau interne du préservatif qui sert à l’introduire dans le vagin. Il faut l’insérer le plus loin possible, en mettant l’index à l’intérieur du préservatif. L’anneau externe doit rester en dehors du vagin et bien recouvrir les lèvres. Et c’est à partir de ce moment, affirment-ils que le préservatif est mis en place. Toutes ces étapes sont décrites sur l’emballage. Mais jusque-là, les femmes jugent son port difficile et risqué. Pourtant selon notre interlocuteur à l’Acms : « C’est pourtant facile d’enfiler un préservatif féminin. Ces femmes qui se plaignent n’ont pas suivi la notice ».

Céline, une jeune fille, déplore « les conditions de port de ce préservatif ». Les femmes abordées, ajoutent qu’après avoir passé toutes ces étapes, elles encourent encore des risques. Le premier, selon elles, est que le préservatif soit tordu si on ne respecte pas bien les consignes. « Si c’est mal fixé, ça peut entrer dans le vagin. C’est un énorme danger pour la femme », dit Nina, une jeune fille. Grace, une autre jeune fille, déclare : « Mon vagin n’est pas large. Si ça cale, que vais-je faire ? ». Certaines femmes déclarent avoir ressenti la peur en utilisant le préservatif féminin.

Martial raconte sa mésaventure : « J’ai eu des rapports sexuels un jour avec une fille qui a porté ce préservatif. Jusqu’aux préliminaires, ça allait bien. Elle se rassurait encore que son préservatif soit en place, mais lorsque la sensation a commencé à être forte, elle a oublié de vérifier. Du coup, après nos rapports, elle cherche à enlever le préservatif et rien ne sort. Elle a commencé à pleurer. J’étais incapable de réagir face à cette situation. C’est le lendemain en urinant que c’est sorti. Elle et moi ne gardons qu’un mauvais souvenir de cette affaire ».

« Gâche plaisir »

Là encore, les avis sont divers et partagés. Tandis que notre source à l’Acms nous dit que le préservatif féminin est doux et procure un immense plaisir ; les hommes interrogés à ce sujet « piaffent » tous. Ce n’est pas pratique, ça gâche le plaisir, c’est moche, gros, impraticable, inconfortable, sont les mots utilisés pour décrire le préservatif féminin. Après amples investigations, nous nous rendons compte que les hommes sont rebutés par l’aspect du préservatif féminin, du fait des difficultés à l’insérer dans le vagin, qui parfois leur perd du temps et tend à diminuer l’envie. Joël Atangana, affirme : « Ma fille quand la femme est déjà devant nous, nous sommes déjà excités et en érection. Nous avons déjà les rêves cochons. La chose qui nous intéresse à ce moment est de passer à l’acte. S’il faut attendre qu’une femme nue devant nous porte l’affaire-là, vraiment l’excitation qui s’est déjà installée et est accentuée peut-être gâchée ».

Un autre se plaint du fait qu’il faille absolument le tenir au moment de l’acte sexuel : « L’anneau extérieur peut être embarrassant pour certaines femmes ou s’avéré gênant lors des préliminaires. Il peut être bruyant avec le mouvement du pénis dans le vagin ou de la position adoptée. Au lieu de se défouler sans façon, nous sommes obligés avec votre affaire-là, de nous maitriser et faire attention. Ce qui, pour plusieurs, gâche le plaisir ». « Au lieu de se concentrer à faire ce qu’il faut faire, nous sommes là, à veiller sur le préservatif. Vraiment en plus d’être déconcentré, ce truc est grossier », dit Raoul, l’air sérieux. Line aussi le déplore : « C’est trop de tracasseries sans vraiment profiter du réel plaisir, car il est perturbé ». Pour enlever le préservatif féminin, il faut de la méthode. Car, il faut tourner l’anneau extérieur pour le fermer afin pour empêcher le sperme de couler. « J’ai appris qu’il suffit de tirer doucement pour enlever le préservatif. Mais honnêtement tout cela fatigue. J’ai assisté à des séminaires. J’ai vu toutes ces étapes, mais je préfère que mon homme se protège », affirme Vanessa.

Même le préservatif masculin ne plaît pas trop

Bon nombre de personnes rencontrées disent que le préservatif, qu’il soit masculin ou féminin, est certes un moyen de protection, mais il abrège le plaisir. Alexandre P, un usager, ne passe par quatre chemins pour le démontrer : « On mange la banane avec la peau ? Je ne ressens rien avec vos choses-là ». Un autre brandit la carte de l’homme fidèle. « Je suis fidèle à ma compagne. Je ne sais vraiment de quoi elle ou moi devrions nous protéger lorsqu’on fait l’amour ». Yvette, une jeune fille, affirme entretenir des rapports sexuels avec un seul partenaire. Par conséquent, elle ne voit pas la nécessité de s’en servir. Malgré de multiples requêtes auprès des institutions qui s’illustrent dans le domaine de la santé sexuelle, telles que : la Cameroon national association for family welfare (Camnafaw), l’Acms, nous n’avons pas pu avoir les statistiques de l’utilisation du préservatif masculin comme féminin.

Selon notre enquête, ce sont les jeunes filles, les femmes ou les hommes pour certains très jeunes et d’autres en couple, qui entretiennent des rapports sexuels avec des personnes autres que leur partenaire, qui évitent des grossesses ou des maladies, qui utilisent des préservatifs. « Ma fille, c’est quand je me défoule avec la petite de dehors que j’utilise le préservatif », précise un monsieur dans la rue. Larissa, une jeune fille confie : « La seule personne à qui j’exige d’enfiler un préservatif lors du rapport sexuel, c’est le gars qui me procure du plaisir lorsque mon copain n’est pas présent. Car j’évite de contracter une maladie ou une grossesse. Je ne sais pas ce que je pourrais expliquer à mon copain si de telles choses m’arrivent ».

Elles préfèrent le masculin

Puisque les hommes sont impatients au moment des rapports sexuels et les femmes se plaignent des tracasseries lorsqu’il faut passer à l’acte, le préservatif féminin a ceci de particulier que les femmes peuvent le placer des heures avant le rapport sexuel. Jusque-là, elles y trouvent un inconvénient. « Qui va marcher avec un gros truc entre les jambes ? Ce n’est même pas aisé de passer des heures avec une serviette hygiénique. On a comme l’impression que ça peut tomber, combien de fois un préservatif ? », s’interroge en riant Brigitte, une jeune fille.

Les préservatifs masculins et féminins ne pouvant s’utiliser en même temps, au risque que les deux ne restent pas en place, toutes les femmes optent donc le préservatif masculin. Angèle affirme qu’elle préfère que ce soit son homme qui enfile une capote. Mettre le préservatif féminin décourage. Grace aussi, partage le même avis. C’est même elle qui le propose à son partenaire et le lui met. La jeune fille affirme : « Je marche toujours avec des préservatifs masculins dans mon portefeuille. Lorsqu’il m’arrive de passer à l’acte, je le mets moi-même à mon partenaire ». Pour Marthe, le préservatif masculin demeure le meilleur : « Je le déroule plus vite et à l’aide d’une main, je le mets facilement et simplement jusqu’à la base du pénis ; par contre pour les filles, les étapes seules me découragent ».

Selon les statistiques produites à la Camnafaw, à la période du 1er janvier au 30 juin 2021, 603 351 préservatifs masculins ont été utilisés. Ce chiffre est nettement supérieur à celui du préservatif féminin utilisé qui s’élève à 44 476 pour la même période. Et les experts précisent que la tendance a presque toujours été la même. Le cadre de l’Acms ajoute que : « Ce que ces personnes cibles ne savent pas, c’est que le préservatif féminin est le seul condom qui permet à la femme de ne pas avoir les lésions et d’avoir un plaisir continu ».

En voie de disparition

Comme démontré dans un article de Mutations en 2004, « le préservatif féminin pénètre timidement les mœurs camerounaises ». Cet article renseigne que : « Malgré le tapage médiatique orchestré par le Programme de marketing social au Cameroun (Pmsc), le Programme national de lutte contre le Sida (Pnls) et les autres acteurs intégrés dans ce projet, l’usage des préservatifs féminins n’a pas encore vraiment intégré les mœurs camerounaises ». Tel est toujours le cas à ce jour. Le préservatif féminin est plus coûteux que le préservatif masculin ; mais sa commercialisation tend à disparaitre. Dans quatre boutiques situées au quartier Régie ici à Yaoundé, seul un commerçant nous le présente, mais en grinçant des dents : « Ma fille, ça fait six mois que j’ai le petit carton là. J’ai déjà vendu un seul. Aucune fille, ni femme ne vient demander ça. Le préservatif masculin par contre se vend bien. Le carton que j’ai ramené hier est fini. Ce sont même les jeunes filles qui achètent celui des hommes ». Diallo, le commerçant le plus proche, crie au premier abord. « Ce sont les souris qui ont rongé ce que j’avais ici. Par la suite, j’ai jeté. J’ai eu deux boutiques à mon actif et je n’ai jamais entendu quelqu’un venir me demander le préservatif féminin. C’est une perte de temps et d’argent. Mieux vaut vendre les bonbons ». Chez Ali, un autre boutiquier, c’est pareil. Il dit avoir jeté ce qu’il a acheté des mois après : « ça ne passe pas ».

Dans quatre pharmacies visitées ici à Yaoundé, point de préservatif féminin. Dans l’une d’elles, le personnel dit ne l’avoir jamais commandé. Dans une autre pharmacie, le personnel s’est même moqué de nous. « Madame nous n’avons jamais commandé l’autre-là ». Et quel type de condom commandent-ils ? « Ma chérie quelle question ? Le préservatif masculin, bien sûr avec tous types de lubrifiants », nous a répondu la pharmacienne avec ironie.

Source: Le Jour