Cameroun : les révélations sur la tournée politique secrète de Franck Biya chez les lamidos

Le fils du président aurait cherché l'adoubement des chefs traditionnels en vue d'une carrière politique

Exclusif - Trois ans après les faits, de nouvelles révélations éclairent d'un jour nouveau la mystérieuse visite de Franck Biya, fils aîné du président camerounais, dans les cours royales du nord du pays en novembre 2022.

Selon les informations exclusives recueillies par Jeune Afrique dans le septentrion camerounais, cette tournée aurait eu des motivations bien plus politiques qu'officiellement annoncées. Contrairement à la version donnée par le lamido de Rey Bouba, Aboubakary Abdoulaye, qui avait évoqué une simple visite de condoléances, plusieurs sources concordantes affirment que le "prince" était venu chercher un adoubement politique.

Jeune Afrique a pu reconstituer l'itinéraire précis de cette visite qui avait défrayé la chronique. Franck Biya s'était rendu successivement au palais du lamidat de Garoua, où il avait été reçu par Ibrahim El Rachidine, puis à Rey Bouba chez Aboubakary Abdoulaye. Deux figures incontournables du pouvoir traditionnel nordiste.

Les révélations de Jeune Afrique indiquent que ces rencontres n'avaient rien d'anodin. "Le conseiller officieux du chef de l'État était venu chercher dans le septentrion un adoubement des autorités traditionnelles de la région, dans la perspective de lancer une carrière politique", confient plusieurs observateurs de la scène politique camerounaise.

L'enquête de Jeune Afrique révèle que cette démarche s'inscrirait dans une stratégie politique plus large. Le choix de ces deux lamidats n'est pas fortuit : ils représentent les plus puissantes machines électorales du nord du Cameroun, capables d'orienter le vote de milliers de personnes.

Selon les sources de Jeune Afrique, la polémique qui avait suivi cette tournée avait même contraint le lamido de Rey Bouba à une rare prise de parole publique pour tenter de désamorcer les spéculations. "Le 'prince' est venu nous saluer à la suite du décès de notre mère, et non pour ce que les gens pensent", avait-il déclaré, sans convaincre totalement.

Ces révélations exclusives de Jeune Afrique prennent une résonance particulière à l'approche de la présidentielle d'octobre prochain. Elles alimentent les spéculations sur une éventuelle succession dynastique, même si Franck Biya ne dispose d'aucune fonction officielle dans l'appareil étatique.

La visite chez les lamidos confirme en tout cas l'importance stratégique que continue de revêtir le nord du Cameroun dans l'échiquier politique national. Comme le souligne l'enquête de Jeune Afrique, ces chefs traditionnels "représentent d'incontournables machines à engranger des voix" en période électorale.

Cette tournée secrète de Franck Biya illustre ainsi la permanence des réseaux d'influence traditionnels dans la politique camerounaise moderne, révélant les coulisses d'un système où pouvoir coutumier et républicain continuent de s'entremêler.