Cameroun : mauvaise nouvelle pour 48 PCA d’entreprises publiques

La loi est dure mais c'est la loi

Fri, 14 Jul 2023 Source: Mutations N°586*7

Dans une récente publication disponible sur la toile, Viviane Ondoua Biwole, connue pour son expertise sur la thématique de gouvernance, sonne presque le tocsin. Le titre de son analyse, « 12 juillet 2017-12 juillet 2023 : Au moins 48 Pca officiellement illégaux du point de vue des lois 010 et 011 du 12 juillet 2017 », indique la nécessité de procéder à la rotation des dirigeants des entités publiques au Cameroun, si celles-ci veulent s’inscrire dans la mouvance des contrats de performance. Une réflexion adossée aux textes, notamment à la loi n°2017/011 du 12 juillet 2017 portant statut général des entreprises publiques, qui consacre la limitation du mandat, à savoir 9 ans au maximum pour les directeurs généraux (Dg) et directeurs généraux adjoints (Dga), et 6 ans au trop pour les présidents des conseils d’administration (Pca) et membres desdits conseils.

Le respect de la durée des mandats s’assimilant à un acte d’exemplarité et d’intégrité. L’expert observe d’emblée que « Le principe de la non rétroactivité de la loi avait servi d’argument pour justifier le maintien à leurs postes de nombreux Pca, qui battaient déjà, pour certains, des records de longévité, à l’occasion de la promulgation par le président de la République des lois 010 et 011 du 12 juillet 2017, limitant à six ans au plus leur bail. La nouvelle loi imposait en effet que les mandats cumulés soient de trois ans fois deux, sans possible extension ». Il s’agit d’un regard constructif pour épargner les entreprises et établissements publics visés de la routine et de la léthargie. Les lois qu’elles a revisitées « ont suscité des débats quant à leur rétroactivité ou non.

« Au-delà des personnes, l’esprit de la nouvelle loi était la recherche de la performance. La mobilité du top management des entités publiques avait en effet été retenue par le législateur comme l’un des critères de performance, au même titre que la rémunération et la reddition des comptes », écritelle. Il ressort de son analyse il y a quelques mois que « le statu quo observé dévoile sans ambigüité le choix qui a été retenu, celui de la non rétroactivité. En concédant le principe de la non-rétroactivité, le 12 juillet 2023, les Pca en poste depuis 2017 auront finalement atteint le terme de leur mandat ». Elle précisait également qu’il n’y a aucun acharnement. « Il convient de relever qu’il ne s’agit pas de question de personnes, mais de respect de la loi. Celle-ci prévoit que le ministre de tutelle informe la présidence de la République, six mois avant l’échéance de la fin du mandat du Pca. Cette diligence aurait donc dû être faite par toutes les tutelles concernées… ».

Sa démarche, dans le cas de l’espèce, consiste à rechercher des informations rendues disponibles sur la nomination des Pca. Sur les 113 entreprises et établissements publics répertoriés en avril dernier, 102 le faisaient. « Sur les 102, 48 Pca (soit 47%) auront atteint et dépassé la période prévue de leur mandat de six ans le 12 juillet 2023. Les durées au poste vont de six à trente-et-un ans…Par ailleurs, seulement huit femmes sur quarante-huit (soit 16,66%) faisaient partie de cet effectif». Dans le viseur au 12 juillet 2023, elle dresse la liste des 48 Pca, sans les citer nommément : Office national du cacao et du café (Oncc, 31 ans), Agence de régulation de l’électricité (depuis 23 ans), Agence d’électrification rurale (Aer, 23 ans), Crédit foncier du Cameroun (Cfc, 18 ans), Bureau central des recensements et des études de population (Bucrep) etc. L’expert ne pense pas moins que « la remise à zéro des compteurs en 2017 faisait de l’échéance de 12 juillet 2023 un deadline, l’indépassable Rubicon, au risque de faire du non-respect d’une loi aux dispositions claires et à l’interprétation univoque une sape du dispositif légal qui sert de fondement à l’Etat de droit ».

Tout en regrettant qu’«à cette violation générale de la loi, s’ajoute, à l’échelle individuelle des personnalités concernées, des périls individuels puisque, en tout état de cause, le président du conseil d’administration, dont le mandat est échu ne peut pas convoquer une session dudit Conseil, au risque de nullité. A moins que nous ne soyons dans une situation où l’Etat choisit délibérément de légiférer sans gouverner, pour reprendre une expression de Pr Amand Leka Essomba dans l’ouvrage Lois sur les établissements et entreprises publics au Cameroun ». Comment ne pas reconnaître que ce phénomène de longévité est dommageable, comme elle le disait, déjà pour au moins quatre raisons : le non-respect des lois et décrets est une violation flagrante de l’Etat de droit et un acte de délinquance administrative préjudiciable à l’ordre républicain, l’enracinement des dirigeants n’est pas toujours propice à la performance des entreprises, la théorie du changement retenue dans le cadre de la réforme des entités publiques ne peut s’appliquer au regard du non-respect de ses hypothèses de causalité violées par l’absence de mouvement, les dirigeants concernés engagent leur responsabilité civile et pénale en prenant des actes dont la légitimité peut être contestée.

Source: Mutations N°586*7