Cameroun / paradis fiscaux : 4 000 milliards versés à l’étranger

Ministère des finances du Cameroun

Tue, 24 May 2022 Source: www.camerounweb.com

Les fausses déclarations d’importation (Di) émises par des fonctionnaires véreux du ministère du Commerce au bénéfice des opérateurs économiques au centre de toutes les manœuvres frauduleuses d’évasion des fonds.

Tout commence lorsque Alamine Ousmane Mey est à la tête du ministère des Finances. Des dénonciations de l’Agence nationale d’investigation financière (Anif) contenues dans un rapport adressé au ministre d’Etat, secrétaire général à la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, révèlent des collusions maffieuses entre certaines banques et de nombreux importateurs. « A l’occasion de nombreuses investigations, l’Anif a constaté avec récurrence que les commerçants d’origine chinoise se livrent à des pratiques constitutives à la fois de fraude fiscale et de concurrence déloyale. Eu égard aux conséquences néfastes desdites pratiques sur les finances publiques, sur l’économie camerounaise dans son ensemble et éventuellement sur la sécurité nationale, il a semblé impératif de les porter à votre haute attention », indique sans ambages le rapport de l’Anif. La face visible de ce scandale se décline aux flux financiers allant du Cameroun vers la Chine et au dédouanement des marchandises en provenance de la Chine.

Et pourtant, à en croire le rapport de l’Anif, « généralement, la procédure d’importation des marchandises est la suivante. Sur la base d’une facture pro forma émanant du fournisseur, une Déclaration d’importation (Di) est levée auprès de la Société générale de surveillance (Sgs). Le transfert des fonds sera ensuite opéré sur la base de l’estimation préalablement effectuée par la Sgs. A l’arrivée de la marchandise sur le sol camerounais, une Attestation de vérification à l’importation (Avi) délivrée par la Sgs servira comme base de règlement des droits de douane. Lesdits droits de douane seront en définitive acquittés sur la base de l’opinion émise sur l’Avi, lorsqu’ils ne font pas l’objet d’une mercuriale établie par l’administration douanière », souligne le rapport de l’Anif. Une fois saisi pour faire la lumière sur cette rocambolesque affaire, le Dg des douanes va aussitôt diligenter une enquête auprès de toutes les banques. A mi-parcours de leur mission, les gabelous tombent sur le pot aux roses. Ils découvrent en effet que plus de 4 000 milliards de Fcfa (quatre mille mil- liards de Fcfa) auraient été transférés dans des paradis fiscaux sous le fallacieux prétexte des importations. Tout ceci, à travers des réseaux tentaculaires qui prennent ancrage au niveau de nombreuses banques de la place.

COMITÉ ILLÉGAL

Mis au courant de ce scandale découvert par la mission de contrôle de la direction générale de la douane, Alamine Ousmane Mey se précipite en créant par note de service N°004349/Minfi/Cab du 21 juin 2017, un comité ad hoc chargé d’exami- ner le contentieux opposant l’administration des douanes à l’Association professionnelle des établissements de crédit du Cameroun (Apeccam). Ceci en toute illégalité. Pour certains experts en effet, en créant ce comité ad- hoc, le ministre des Finances a tout simplement violé la loi des finances N°2007/du 26 décembre 2007, adoptée à l’Assemblée nationale et promulguée par le président de la République. L’article 6 de ladite loi dispose : « 19°) Conditions de recevabilité de recours contentieux en Douane. En application des dis- positions des articles 130, 131, 140, 310 et

311 du Code de Douanes de la Cemac, les recours contre les constatations du service sont recevables aux conditions ci-après : (…

) 6°) Lorsque l’usager conteste une décision du Comité d’appel, il saisit dans un délai de deux semaines, le Conseil des ministres de l’Union économique de Etats de l’Afrique centrale (Ueac) ( …) 8°) Toute autre voie de contestation est proscrite ». Comme on peut aisément le constater, la loi parle d’un Comité d’appel. Elle précise même que toute autre voie de recours est interdite.

En dépit de tout ceci, le Minfi Alamine Ousmane Mey va, à travers une autre note de service référencée e N°004460/Minfi/Cab du 10 août 2017, nommer les membres dudit Comité ad-hoc chargé d’examiner le contentieux opposant l’administration des Douanes à l’Apeccam. Surtout que dans l’ombre doublement obscure de ces membres du Comité ad-hoc, on soupçonne les mains manouvrières de certaines banques comme Afriland First Bank et autres City Bank. Ce sont en effet ces banques qui sont accusées par la douane camerounaise d’avoir ef fectué ces centaines milliards de Fcfa de transferts illicites avec l’aide des déclarations d’importation du ministère du Commerce. Ceux qui analysent la composition de ce comité ad-hoc présidé par Nana Djibrila, inspecteur général des services des régies financières au Minfi, ne se s’étaient pas lassés de croire que ce dernier serait tout simplement à la tête dudit comité avec pour unique mission : voler au secours de l’Apeccam.

NOUVEAU MÉCANISME DE FRAUDE

De même, avait-on estimé à l’époque que la présence de dame Fotso Tchangoum Laure Katu, directeur des opérations à City Bank, mais présentée en petits comités comme directeur des opérations Apeccam dans la note de nomination pour voiler les yeux, obéirait à cette même logique. A savoir : voler au secours des banques accusées d’avoir illicitement fait des transferts des fonds à l’étranger. De toutes les façons, même après avoir évité de nommer un responsable d’Afriland First Bank comme cela se murmurait dans le Comité ad-hoc chargé d’examiner le conten- tieux opposant l’administration des Douanes à certaines banques, ceux des observateurs qui ont un regard moins distrait sur cette affaire, n’avaient pas hésité à faire le parallèle avec le passé d’Alamine Ous- mane Mey dans la Banque de Paul Fokam Kamogne.

En effet, face à la surveillance des banques à l’égard des transferts frauduleux effectués par les soins des citoyens chinois, l’astuce aura consisté pour les opérateurs économiques chinois à s’attacher les services de partenaires camerounais. Désormais les fonds peuvent aisément être déposés sur des comptes ouverts au nom d’entreprises créées par des nationaux. La procédure à la Sgs étant devenue diffi- cile à contourner, le nouveau mécanisme de fraude consiste à simuler l’importation de véhi- cules d’occasion. Pour ce faire, des Di sont le- vées auprès du minis- tère du Commerce. Associée à la facture pro forma, la Di est déposée à la banque qui se charge alors du transfert des fonds en Chine. Quelques mois plus tard, un connaissement est produit au banquier pour l’apurement de l’opération. Généralement, ce connaissement s’avère faux ; aucune importation de véhicule n’étant enregistrée dans le Système douanier automa- tisé (Sydonia) consécutivement à ces transferts. En réalité, il s’agit d’une typologie de blanchiment de capitaux à laquelle l’Anif se frotte depuis quelques années. Un grand coup pour l’éco- nomie camerounaise aujourd’hui contrainte à re- courir à l’emprunt obligataire. Comme ce dernier qui est en court et pour lequel le Cameroun sollicite 200 milliards de Fcfa.

Source: www.camerounweb.com