Cameroun : sale temps pour la police nationale devant les tribunaux

Ces abus des autorités étatiques ont commencé l’année dernière

Thu, 7 Apr 2022 Source: Le Jour N°3639

Le Réseau des défenseurs des droits de l’Homme en Afrique centrale (Redhac) s’inquiète des manœuvres du pouvoir contre les associations qui dénoncent les exactions des autorités et des rebelles dans les zones de conflit. Sa présidente nationale a été convoquée récemment à la police judiciaire.

Me Alice Nkom, avocat au barreau du Cameroun, a rejoint la salle N°107 située au premier étage à la Direction de la police judiciaire le 24 mars à 10h 55 mn. La co-présidente du conseil d’administration du Réseau des défenseurs des droits de l’homme en Afrique centrale est ressortie de cette salle à 14h 45 avec ses collègues avocats.

Elle est venue représenter Maximilienne Ngo Mbe, la directrice nationale exécutive du Redhac, convoquée à la police judiciaire pour clarifier la situation juridique du Redhac, qui exerce au Cameroun depuis 12 ans. En dehors de Me Alice Nkom, cette délégation du Redhac était composée de cinq autres avocats, à l’instar de Me Emmanuel Simh, Me Nicodemus Tanyi Amungwa, Me Dorcas Ikome et deux autres jeunes avocats.

L’audition était conduite par une dame commissaire divisionnaire, en service à la direction de la police judiciaire : « Au début de notre audition, l’enquêtrice nous a exprimé sa gêne de ne pas avoir en face d’elle Maximilienne Ngo Mbe. Nous lui avons dit que cette dernière est hors du pays. De ce fait, nous avons estimé qu’on ne pouvait pas écrire pour justifier que l’audition ne peut pas avoir lieu, au risque de retourner la situation contre elle. Ensuite, nous avons fait comprendre à l’enquêtrice que pour connaître le statut juridique d’une association, on n’a pas besoin de la directrice nationale exécutive forcément », explique Me Alice Nkom. Mais les questions posées ne portaient pas uniquement sur le statut juridique du Redhac.

Abus des autorités

Me Alice Nkom affirme que l’enquête ouverte contre le Redhac est une grave atteinte de la loi sur la liberté d’association qui dispose que les associations peuvent librement exercer leurs activités après avoir déposé une déclaration auprès des services de la préfecture.

Ces abus des autorités étatiques ont commencé l’année dernière, précise l’avocat. Me Emmanuel Simh, avocat au barreau du Cameroun affirme que l’attitude des autorités policières et judiciaires à l’encontre des responsables d’organisation de défense des droits de l’homme constitue une grave violation de l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques. Ce texte international stipule : « Nul ne peut être inquiété pour ses opinions ».

Dans un communiqué de presse rendu public en juin 2021, Paul Atanga Nji, le ministre de l’Administration territoriale invitait les promoteurs d’associations à bien vouloir déposer à la direction des affaires politiques dans un délai d’un mois à compter de la date de publication du communiqué un dossier.

Ledit dossier devait comporter comme pièces : l’original de l’acte portant autorisation d’exercer au Cameroun, deux exemplaires des statuts de l’association, l’acte de désignation du représentant de l’association, la photocopie de la Carte nationale d’identité ou de passeport du représentant datant de moins de trois mois, le plan de localisation du siège de l’association et les contacts téléphoniques.

Le ministre exige également comme pièces à fournir le plan de localisation du domicile du principal responsable de l’association, la liste complète des personnels expatriés travaillant au sein de l’association, leurs Curriculum vitae ainsi que les copies légalisées de leurs passeports. Il demande également la liste complète des personnels camerounais, assortie de leurs contrats de travail et le programme d’activité annuel. Il précise dans le communiqué que les associations étrangères qui ne vont pas se soumettre seront suspendues d’activités au Cameroun.

Le prétexte sécuritaire

Le Redhac et quelques autres associations de défense des droits de l’homme sont accusées de déstabiliser les forces de défense impliquées dans le cadre du maintien de la paix dans les régions du Nord- Ouest et du Sud-Ouest, en proie à une crise socio-politique, et dans la région de l’Extrême-Nord frappée par la crise sécuritaire liée à la secte Boko Haram.

Ce à Ong présentent de manière régulière les rapports sur la situation des droits de l’homme au Cameroun pour dénoncer les bavures des forces de défense sur les civils mais aussi condamner les exactions des groupes armés sur les forces de l’ordre et les populations civiles.

Une source contactée à la Direction des Affaires politiques au ministère de l’Administration territoriale affirme que compte tenu des défis sécuritaires auxquels le Cameroun est confronté depuis plusieurs années, il a été constaté que certaines associations « de défense des droits de l’homme », reçoivent des financements dans le but de nuire à la stratégie du gouvernement dans le cadre de ces missions qui consistent à sécuriser les populations.

Source: Le Jour N°3639