Âgé de 93 ans, Lawane Saidou Djaouro Toro, chef traditionnel de 3e degré de Laïndé Daneyel et par ailleurs chef de la communauté Fali Tinguelin, a vu sa vie basculer le lundi 18 septembre dernier. Convoqué au lamidat de Garoua avec ses deux fils, les trois infortunés seront par la suite arrêtés et placés en détention dans les locaux de la brigade de recherche de Garoua 1er, sur ordre du lamido de Garoua, à la suite d’une plainte déposée par Sa majesté Ibrahim Elrachidine qui accuse Lawane Saïdou, ainsi que ses fils, d’avoir vendu des terres situées au quartier Laïndé Daneyel et appartenant au lamidat de Garoua.
Et même si le Lawane Saidou, en raison de son âge avancé, était libre de ses mouvements, ses deux fils, les nommés Souaïbou Saïdou et Harouna Saïdou ont quant à eux été détenus durant 05 jours à la Brigade de recherche de Garoua 1er.
« Le dimanche 17 septembre, le lamido est venu, accompagné de ses sbires et il a déclaré que c’est son terrain. En visitant le quartier, il a trouvé qu’il y avait une mosquée en construction, qu’il a détruite de sa propre main. Il a également giflé le chauffeur d’un camion Benne qui était venu déverser du sable et a confisqué le camion qu’il a ensuite ramené chez lui au lamidat. Lundi dernier, il nous a convoqués au lamidat, mes fils et moi. Une fois arrivés là-bas, nous avons été enfermés dans une cellule et le lamido a fait appeler le commandant de la Brigade de recherche de Garoua 1er, l’adjudant-chef major Ache, pour qu’elle procède à notre arrestation. Le lamido est sorti et m’a dit que j'avais vendu son terrain et moi je lui ai répondu que c’était faux. Mes enfants et moi avions juste vendu les champs nous appartenant. Il m’a répondu que toutes ces terres lui appartiennent. Il m’a promis que mes enfants et moi, irons en prison et que nous ne sommes pas dignes d’être des chefs », relate le lawane Saïdou.
« Il a fait appeler le Modibo et le Hofa, puis il a demandé que je jure sur le coran que je n'avais pas vendu de champs, mais j’ai refusé car nous avons vendu des champs mais c’étaient nos champs. Il a demandé à l’adjudant-chef major Aché de nous embarquer pour aller ensuite nous garder en détention à la brigade de recherche où mes enfants ont été détenus », poursuit la notabilité.
Selon les informations recueillies auprès du lamidat de Garoua où nous nous sommes rendus, cette interpellation est l’aboutissement d’une plainte déposée contre Lawane Saïdou et ses fils par le lamidat auprès des autorités compétentes, pour vente illégale des parcelles de terrains appartenant au lamidat de Garoua qui serait propriétaire de plus de 80 hectares au quartier Laïndé Daneyel, acquis dans les années 90 par le lamido Ibrahima Abbo.
C’est d’ailleurs une partie de ce terrain qui avait été cédée par son successeur, le lamido Alim Hayatou, à l’État du Cameroun pour la construction de l’hôpital de référence de Garoua. Il y a un an, le 25 juillet 2022, le lamidat de Garoua avait saisi le sous-préfet de Garoua 2 pour occupation illégale du domaine du lamidat de Garoua. Une concertation avait alors été organisée entre le représentant du lamido et Lawane Saïdou, en présence du sous-préfet.
« Lors de cette confrontation, Lawane Saïdou et ses deux enfants ont été sommés d’arrêter de vendre les terres du lamidat. Mais ils n’ont jamais cessé leur activité illégale, sous-prétexte que ces terres sont leurs propriétés. Le lamidat de Garoua a deux titres fonciers et peut donc prouver qu’il est propriétaire du terrain. Pour l’instant, nous demandons à ceux qui ont acheté des terrains de ne rien entreprendre d’autre. Pour ceux qui ont déjà construit sur les terrains appartenant au lamidat, leur cas sera traité ultérieurement », explique le secrétaire général du lamidat de Garoua.
Chez certains habitants du quartier Laïndé Daneyel que nous avons rencontrés, c’est la consternation et surtout l’inquiétude après le passage musclé du lamido de Garoua et de ses sbires, il y a quelques jours. Craignant d’être déguerpis, ils ne savent plus à quel saint se vouer. « Nous avons appris que le lamido de Garoua nous demande de libérer les lieux car c’est son terrain, alors que nous avons acheté nos terrains et avons investi. Mais comme il dit que c’est son terrain et qu’il a un titre foncier, qu’il vienne donc voir nos investissements, le prix d’achat du terrain et qu’il nous rembourse. S’il est d’accord de nous rembourser, même de Garoua nous partirons. Mais pour l’instant nous ne savons pas où nous irons », s’inquiète Hamadou Moustapha, habitant de Laïndé Daneyel.
Désormais il est difficile de prédire quelle sera l’issue de ce bras de fer entre le lamido de Garoua et son notable de 93 ans. Quant aux populations du quartier Laïndé Daneyel, elles retiennent leur souffle, le regard tourné vers l’autorité administrative dont l’arbitrage est attendu dans cette affaire.