Cameroun : un vrai Zomloa parle des mystères des Ekang

Le patriarche situe l’événement dans son contexte

Mon, 30 Oct 2023 Source: Intégration Nationale

À quelques mois de la commémoration de la traversée mystérieuse de la Sanaga par les peuples Ekang, le patriarche situe l’événement dans son contexte.

À quelle préoccupation répondez-vous dans le cadre de ladite célébration?

L’idée d’instaurer la célébration des Journées Commémoratives de la Traversée Mystérieuse, (Medang Me Yom) par les peuples qui sont passés par une voie quasi mystique, une issue inconnue pour continuer à vivre jusqu’à nos jours, journées dont le contenu porte sur la commémoration de la Nuit de Grâce au cours de laquelle Ntonde Obe, a permis à nos ancêtres de traverser le fleuve est donc née de cette convocation ancestrale. Laquelle voudrait établir le lien de paix et de réconciliation entre ceux qui sont restés de l’autre côté de la rive, ceux qui ont traversé et ceux qui ont été noyés dans les eaux du Yom. Medang Me Yom est un événement traditionnel et cultuel qui, annuellement, se tiendra en une nuit intercalée entre deux jours chaque dernière semaine du mois de février et s’achèvera par des rites et des activités œcuméniques. Car, il est de bon ton que les musulmans dont un de leur guide aurait été à l’origine de ces événements, viennent aussi implorer le pardon pour des actes commis par un des leurs. À la suite de ceux-ci, le peuple Beti sacrifiera au même rituel pour avoir heurté la passerelle mystérieuse causant ainsi la perte de ceux des leurs, pour certains et empêchant la traversée de beaucoup d’autres ainsi que la disparition brutale de la précieuse et mystérieuse passerelle. Cela sera ponctué par des activités festives incluant les expressions d’arts, de prières, de supplications, de bénédictions, etc., entre les Beti devenus majoritairement chrétiens, leurs frères musulmans et tous ceux qui sont demeurés ou sont retournés dans la pratique de la croyance ancestrale caractérisé par une laïcité à son état pur et noble pour la gloire de Ntondo Obe. S’en tenant au principe de dualité, ce qu’il convient de comprendre, c’est que le continuum et la communion entre les deux mondes sont des questions nécessaires pour la survie des espèces. Février 2024 marquera ainsi le début d’une nouvelle ère de cohabitation traditionnelle et cultuelle, entre Beti chrétiens, traditionnalistes et Musulmans au Cameroun. Pont, Radier, Reliant, Joint, et peut avoir comme dérivés: Ndza, Ndzée, Andze, Andje… Pour chacun, en fonction de ses disponibilités et de ses moyens, cette manifestation aura un lieu de célébration. Les berges du Yom pourront être comme un lieu de pèlerinage, d’autres personnes la passeront en famille selon les modalités pratiques qui seront définies par les gardiens et pratiquants de la tradition, conformément à l’appel à manifestation d'intérêt qui suivra ultérieurement.

Dites-nous, de quoi parle-t-on exactement?

Ngãn Medza a donc pour signification: le mystère de la traversée, le mystère du salut, le mystère de l’alliance, le mystère de la vie vers la mort et de la mort vers la vie. Une vérité irréfutable s'impose aux humains. Et la majorité des détenteurs et gardiens des traditions Beti s’accordent pour dire qu'ils subissent une pression en rapport avec ces événements, laquelle les convoque à organiser une cérémonie traditionnelle commémorative, afin de maintenir la flamme culturelle, essence de toutes les vies, de TOUTE VIE.

Qui en est concerné?

Selon les récits à nous rapportés par nos parents, il en ressort que le fait pour nous d’être fixés à ces espaces du pays en ce moment, est dû à ce qui s’est passé au cours de l’existence de nos ancêtres. Car, il est arrivé qu’à un moment de leur migration, un miracle soit opéré au cours de leur parcours. Pendant leur marche, ils se sont retrouvés face à des contraintes cultuelles où il leur était imposé de renoncer à leur voie spirituelle et d’adhérer à une tradition étrangère, ce qu’ils rejetèrent. Ils se trouvèrent désespérés face à la pression du conquérant, Ousmane Dan Fodio, qui les obligeait de croire à sa façon à lui de considérer le créateur. Il ne leur laissait pas le choix, car tous ceux qui lui opposaient un refus étaient appelés à mourir. Nous sommes au XVIIIe siècle, période pendant laquelle nos ancêtres avaient déjà leur Ntonde Obe en qui ils croyaient fermement. Ils décidèrent de s’enfuir. Pendant leur fuite, ils se sont retrouvés face à de vastes étendues d’eau du Yom (le fleuve Sanaga). Au cours d'une nuit, une manifestation particulière va se produire. Owono Koré (Nnā Boro) sera inspiré pour la mise en place d'une passerelle mystérieuse entre les deux rives du Yom.

Ngān Medza’a, nom attribué à cette passerelle mystérieuse, favorisera la traversée de ce fleuve à certaines familles. Tandis que d’autres seront noyées, car un Yanda pour certains, Un Mvog Assolo pour d’autres, aurait posé un acte maladroit alors que certaines familles étaient encore posées sur cette passerelle.

Ce qui fera que plusieurs familles n’aient pas la possibilité de traverser. Puisque, la passerelle va disparaître dans l’eau aussi mystérieusement qu’elle est apparue, laissant ainsi d’autres familles de l’autre côté de la rive du Yom. On obtiendra les communautés. Plusieurs mots seront déformés. C’est le cas de Mbankolo qui est en réalité Mbe Nko, Nomayos qui est en réalité Nnom Ayos, Ekorezong qui est en réalité Ekoa Zoang, Djoum qui est en réalité Ndzom, Ebebda est en réalité Íbé Bitā etc. Avec le temps et les éclairages de certains chercheurs, on s’accorde et on commence à se questionner si le groupe nominal ne serait pas une déformation des vraies expressions de nos ancêtres, car cette expression ne traduit pas fondamentalement l’expression originale. Aussi serait-on tenté de croire qu’effectivement, l’expression originelle signifie le mystère de la traversée. Car, en décomposant cette expression, on a Ngãn qui signifie: Magie, Mystère, Inconnu, Non Révélé, d’un côté et Medzā ou Mindza. Le pluriel de Ndza de l’autre qui signifie Abok Me Dang Me Yom, la mystérieuse traversée.

Source: Intégration Nationale