Une investigation du Groupe d'Action Financière met en lumière des mécanismes sophistiqués impliquant hauts responsables et institutions financières dans un scandale financier d'ampleur nationale.
Le Groupe d'Action Financière (GAFI), organisme international spécialisé dans la lutte contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme, vient de placer le Cameroun sur sa liste noire à l'issue de sa dernière plénière tenue en février 2025. Au cœur de cette décision, une enquête approfondie révélant un système de blanchiment d'argent impliquant des personnalités parmi les plus influentes du pays.
Selon le rapport consulté par notre rédaction, une équipe d'experts
internationaux mandatée par le GAFI a identifié des mécanismes complexes d'évasion de capitaux lors d'une mission conduite sur place du 23 février au 13 mars 2021. L'analyse des flux financiers révèle des transferts suspects entre le Cameroun, les Maldives et Israël, notamment via l'utilisation abusive de valises diplomatiques entre avril 2019 et juin 2023.
Ce qui distingue particulièrement le cas camerounais, selon les experts du GAFI, c'est l'origine des fonds blanchis. Contrairement à d'autres pays où le trafic de stupéfiants constitue souvent la principale source d'argent sale, l'enquête identifie les détournements de fonds publics et les malversations financières comme source principale des capitaux en fuite.
Le rapport souligne également que la proximité des personnes impliquées avec les centres de décision institutionnels a facilité ces opérations de grande envergure. Les enquêteurs poursuivent notamment leurs investigations sur des fonds potentiellement détournés dans le cadre du protocole de lutte contre la COVID-19.
Les sommes en jeu seraient colossales, décrites comme pouvant "faire le budget du Cameroun même 50 fois" selon certaines sources proches du dossier. Cette hémorragie financière intervient dans un contexte économique déjà fragile pour le pays, confronté à de nombreux défis de développement.
Ce scandale soulève d'importantes questions sur l'efficacité des mécanismes de contrôle financier au Cameroun et sur la nécessité de renforcer la coopération internationale en matière de lutte contre les flux financiers illicites en Afrique centrale.
Des recommandations pour renforcer le dispositif camerounais
À l'issue de son évaluation, le GAFI a formulé plusieurs recommandations visant à renforcer le système camerounais de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LBC/FT). Ces recommandations s'inscrivent dans le prolongement des efforts initiés depuis l'évaluation précédente réalisée par la Banque Mondiale en 2008.
Le suivi de la mise en œuvre de ces recommandations a été confié au Groupe d'Action contre le Blanchiment d'Argent en Afrique Centrale (GABAC), qui a participé activement à l'élaboration du rapport via son secrétariat permanent.
Les autorités camerounaises n'ont pas encore réagi officiellement à la publication de ce rapport, dont l'intégralité, particulièrement volumineuse, n'a pas été rendue publique.