• Les espoirs de Maurice Kamto seraient tombés à l’eau
• Paul Biya a mis les bouchées doubles
• Jeune Afrique déballe tout
C’est une nouvelle parution de Jeune Afrique ce jeudi 24 février 2022. « Cameroun : Paul Biya a-t-il définitivement douché les espoirs de Maurice Kamto ? », s’interroge le média.
Jeune Afrique déballe comment l’impitoyable machine politique du RDPC mise en place par Paul Biya a rapidement douchés les espoirs de l’ancien ministre paru sur le devant de la scène en 2018 avec de nombreux espoirs.
La rédaction de Camerounweb vous propose l’intégralité de l’article.
Santa Barbara a la tranquillité des week-ends, caractéristique des quartiers chics de Yaoundé. En cette mi-février, le domicile de Maurice Kamto se fond dans le décor d’une ruelle parsemée de maisons plus ou moins luxueuses. Il y a quelques mois encore, l’entrée menant à la résidence du principal opposant camerounais se distinguait de celles du voisinage. Des dizaines de policiers et de gendarmes en tenue de combat campaient nuit et jour devant sa porte, avec pour instruction de l’arrêter s’il venait à en sortir.
Le manège, engagé le 20 septembre 2020, faisait suite à l’annonce d’une manifestation pacifique par le Mouvement pour la renaissance du Cameroun (MRC) – le parti que dirige Kamto – ayant pour objectif de revendiquer une réforme consensuelle du Code électoral et la résolution de la crise anglophone. C’était depuis son logis que Kamto, assigné à résidence, impuissant, avait été informé de l’arrestation de plusieurs centaines de militants de son parti en marge des protestations. Parmi eux, Alain Fogue et Bibou Nissack, deux de ses principaux lieutenants, aujourd’hui condamnés à sept ans de prison.
Plus de seize mois après la deuxième privation de liberté dont Kamto a fait l’objet en l’espace de deux ans, l’opposant n’a pas changé les habitudes qu’il avait dû adopter en se lançant dans un « mouvement de résistance » – entendre « défiance » – contre le régime de Yaoundé. Dans la capitale camerounaise, où il réside, Maurice Kamto sort toujours peu, éconduit presque automatiquement les sollicitations des médias locaux et filtre ses visiteurs. Invité à la cérémonie d’ouverture de la Coupe d’Afrique des nations (CAN) par un représentant de l’Union africaine, il a choisi de suivre la rencontre à la télévision, par crainte de créer un incident.
Fermé comme une huître
Au fil des mois, l’homme qui s’était démarqué en présentant l’image d’un acteur politique de terrain, s’est peu à peu fermé comme une huître. Du pain bénit pour certains de ses détracteurs, qui distillent l’idée selon laquelle il ne serait finalement pas si différent du président Biya, dont la distance et les absences sont légendaires.
Maurice Kamto s’est-il lui-même fait prisonnier ? Depuis 2018, la ligne du régime vis-à-vis de l’opposant est en tous cas restée la même. Ici, Maurice Kamto est considéré comme un « perturbateur » qu’il faut contenir par tous les moyens. Chargé de veiller à la bonne exécution de cette stratégie, qui est suivie en haut lieu, Paul Atanga Nji, ministre de l’Administration territoriale, ne lui fait pas de cadeaux.
L’actuel secrétaire permanent du Conseil national de sécurité ne lui promet rien de moins qu’un « tsunami » ou la mise en marche du « rouleau compresseur » s’il s’affranchissait des limites tracées par l’administration. Martin Mbarga Nguele, patron de la police, et Galax Yves Etoga, patron de la gendarmerie, suivent également de près son dossier. À travers le pays, les militants les plus actifs du MRC sont étroitement surveillés.
Le leader du MRC n’a pourtant jamais cessé de manifester sa volonté de rester au contact d’un peuple qu’il a placé au centre de son action politique. Imaginant l’avènement d’un printemps démocratique au Cameroun, Maurice Kamto avait à plusieurs reprises tenté d’activer ce levier pour inverser le rapport de force établi durant la présidentielle de 2018, à l’issue de laquelle il avait été déclaré deuxième derrière Paul Biya, dont il conteste toujours la victoire.
Si lors de cette élection âprement disputée les Camerounais ont, un temps, été portés par l’espoir d’une rupture radicale, les résultats, et surtout les nombreuses irrégularités enregistrées, les ont replongés dans l’état de résignation et d’inaction qui était le leur avant le scrutin. Et les appels successifs de Kamto à « dire non au hold-up électoral », puis à réclamer la modification du Code électoral, l’audit des fonds engagés pour la Coupe d’Afrique des nations et la fin de la guerre dans les régions du Nord-Ouest et du Sud-Ouest au cours de manifestations pacifiques n’ont jamais connu la mobilisation populaire escomptée.
Séquestré quarante-huit heures
Chacune des sorties de Kamto, qu’elles soient politique ou non, se voit par ailleurs systématiquement frappée d’une interdiction préfectorale, avec à chaque fois pour motif le générique « risque de troubles à l’ordre public ». En décembre dernier notamment, alors qu’il s’était rendu à Douala, Maurice Kamto avait été séquestré à son hôtel pendant près de quarante-huit heures, les policiers lui signifiant qu’il ne pourrait en sortir que pour retourner à Yaoundé. Raison invoquée : une réunion politique au cours de laquelle il avait affirmé qu’il « ne fuirait pas la bagarre », faisant référence au musellement dont il est convaincu d’être victime.
Yaoundé a-t-il pour autant réussi son pari de faire taire l’opposant ? Dès les premières heures de son ralliement au MRC, en 2012, la personnalité de Maurice Kamto n’a cessé de donner des sueurs froides aux caciques du régime. Avocat reconnu au-delà des frontières camerounaises, l’ancien ministre de Paul Biya était parvenu à insuffler un nouveau souffle à une opposition amorphe. Non seulement grâce à son séduisant profil de présidentiable, mais aussi, et surtout, en raison d’un bon maillage du territoire.
En amont de l’élection de 2018, l’ancien professeur de droit était notamment parvenu à débarrasser sa formation politique de l’image de parti régional à laquelle voulait le cantonner une frange de la classe politique. En l’espace de trois ans, l’opposant de 67 ans s’était offert un séjour dans chacun des 58 départements que compte le pays et avait tenu meeting dans une centaine d’arrondissements.
Sans assise, ni moyens de survie
Pas suffisant pour venir à bout d’un pouvoir quadragénaire, dans un environnement politique marqué par une désintégration de l’opposition. Face à un gouvernement puissant, celle-ci est aujourd’hui éparpillée en une multitude de formations sans assise, ni moyens de survie ; elle joue le jeu du pouvoir en donnant les signes d’une prétendue vitalité de la démocratie plutôt que de s’organiser pour affronter le président sortant.
Maurice Kamto a beau avoir boycotté les élections législatives et municipales du 9 février dernier pour dénoncer l’iniquité d’un système qui joue en la défaveur de toute l’opposition, aucun des grands partis historiques n’a pris position pour lui apporter son soutien. Au contraire, sa décision a été froidement accueillie par certains ambitieux de son propre camp qui, amers, ont pour la plupart décidé de claquer la porte du parti. C’est le cas de Célestin Djamen, aujourd’hui à la tête de sa propre formation politique.
Loin des années 1990, où les mouvements d’opposition étaient structurés, organisés, et bénéficiaient d’importants relais politiques, sociaux et médiatiques, Maurice Kamto et le MRC font face à un appareil sécuritaire déployé contre eux. Une situation qui fait les affaires du RDPC, au pouvoir. Maurice Kamto dispose-t-il encore d’un coup à jouer ? Dans tous les cas, l’opposant est aujourd’hui contraint de revoir sa copie.