Phénomène relativement nouveau, les locations meublées ne cessent de prendre de l’ampleur, dans le sillage de l’essor du tourisme. Un secteur insuffisamment fiscalisé.
Au Cameroun, la taxe foncière représente à peu près 8 milliards de francs CFA de recettes fiscales par an. Mais, avec le mode de collecte actuel, la Direction Générale des Impôts (DGI) ne réussit pas à mobiliser des recettes de plus de 2 milliards de francs CFA. Soit des pertes évaluées par l’Institut National de la Statistique (INS) à environ 6 milliards de francs CFA. Et pourtant, le « Mobile Tax », qui se propose de rattraper ce gap financier, prévoit l’ouverture « gratuite » d’un compte « Mobile Money-MTN » ou « Orange Money » dans tous les points de vente de ces opérateurs disséminés sur toute l’étendue du territoire national.
Dans le même temps et selon les données révélées par l’Agence Nationale d’Investigation Financière (ANIF), organisme public en charge de la lutte contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme au Cameroun, « l’immobilier constitue une menace élevée de blanchiment, avec une tendance à la hausse ». A en croire l’ANIF, les détournements des fonds publics ont généré 489,6 milliards de francs CFA de flux financiers illicites en 2018 et dans ce contexte, les réseaux de recyclage de l’argent sale se diversifient. Pour l’heure, il n’existe encore aucun chiffre qui renseigne sur la totalité des appartements meublés au Cameroun.
En effet, sur la base des informations en notre possession, visiteurs de passage, diaspora venue se ressourcer au pays, expatriés en séjour à durée limité : ils sont de plus en plus nombreux à faire le choix d’un meublé de tourisme (appartement ou maison) plutôt que celui d’une chambre d’hôtel pour leur hébergement courte durée dans les villes camerounaises.
Une tendance qui n’a pas échappé aux bailleurs, qui redoublent d’effort pour capter cette clientèle souvent à la recherche de solution de logement bon marché. « Entre la mi-mai et le mois d’août, c’est la période où la demande est la plus forte. C’est la saison touristique », explique Lucas Obiang, agent immobilier basé à Mvog-Ada, dans l’arrondissement de Yaoundé 5. « Il y a beaucoup de Camerounais qui rentrent et qui préfèrent se loger dans des meublés », ajoute notre interlocuteur pour qui le principal atout d’un tel type d’appartement est « la flexibilité et une chaleur humaine que peut difficilement procurer un établissement hôtelier ».
RAPPORT Qualité-Prix
Sans parler du rapport qualité-prix : « Un meublé loué à 45 000 francs CFA (68 euros) par jour peut comprendre deux chambres et un salon, tandis qu’au même prix, vous avez une chambre d’hôtel qui fait à peine 12m2 », rappelle Yves Ndengue, agent immobilier. Loin d’être le monopole des grandes entreprises, le secteur est investi par de nombreux particuliers. Mais pour ces non-professionnels, les affaires ne sont pas toujours faciles. Retraitée, Aline Tchuente est propriétaire de deux logements meublés au Cameroun, l’un situé à Douala, l’autre à Kribi, une cité balnéaire très prisée des touristes située dans le sud du pays : « A Kribi, ça marche plutôt bien, il y a beaucoup de touristes qui y vont pour les weekends ou pendant les vacances. A Douala par contre, j’ai dû me résoudre à placer ma maison en location longue durée parce que la formule du meublé n’était pas rentable », confie-t-elle.
Autre tendance, des particuliers louent des appartements vides, les aménagent en meublés et les exploitent. C’est le cas de Mirabelle Ekeh, une belge d’origine camerounaise installée à Bruxelles, qui dit avoir « pris un appartement qui lui sert de pied à terre quand elle vient au pays ». Le reste du temps elle indique « le louer en appartement meublé ». Toutefois, le régime fiscal étant déclaratif, il faut souligner que ce secteur baigne dans l’informel, et rapporte peu dans les caisses publiques.