Le phénomène est devenu récurent si bien que le président de l’auguste chambre l’a relevé cette semaine pour le décrier.
Tout le monde a pu le constater, à savoir que l’hémicycle de l’Assemblée nationale est de plus en plus clairsemé depuis le début de la session de mars 2022. Un phénomène devenu tellement flagrant et récurrent qu’il n’a pas échappé au président de la chambre basse du Parlement.
À la faveur de la séance plénière du 04 avril dernier, Cavaye Yeguié Djibril a interpellé les députés absentéistes dans un style un peu narquois, non sans rappeler que c’est un devoir de prendre part aux travaux de la session. Ils ont dit à leurs électeurs qu’ils allaient à l’Assemblée. Mais ils ne sont pas là. L’autre jour, ils étaient 38, vous étiez 38. Vous devez être au moins 100 », s’est-il offusqué. Pantois, le président de l’Assemblée nationale a exprimé son incompréhension quant à l’attitude de ses jeunes collègues.
« Nous en 70, Hamadou Hayatou, quand quelqu’un ne vient pas, il coupe le salaire. Et depuis nous avons tout changer. On ne coupe plus le salaire. Mais venez quand même ! Quand vous rentrerez dans vos villages, si on vous pose la question : Qu’est-ce qu’on a dit à l’Assemblée… ? Chers collègues venez ! Venez ! Vous êtes élus pour ça. Pour venir vous asseoir là », a appelé Cavaye Yeguié Djibril. Heureusement ce jour-là, ils étaient 102 députés présents. Ce qui permet à l’auguste chambre de délibérer valablement.
Au regard de ce comportement buissonnier de certains parlementaires, on est tenté de faire le lien avec le malaise que vivent les députés ordinaires vis-à-vis de leurs collègues du bureau.
Frustrations
Dans les couloirs de l’hémicycle, la différence de traitement en terme d’avantages entre les deux catégories d’élus fait grincer des dents. C’est que la distribution en catimini de véhicules 4×4, Land Cruiser et Prado flambants neufs tout droit venus de Dubaï le week-end dernier aux 23 membres du Bureau qui a fuité à cause de l’agitation du questeur Pauline Ndoumou, est venue relancer les frustrations et la colère des députés et le mal-être qu’ils subissent depuis au moins deux législatures en raison des multiples discriminations dont ils sont l’objet notamment les députés ordinaires.
Les plaignants réclament la dotation à leur profit de véhicules neufs en lieu et place des 10 millions de dotation d’achat de véhicule. À défaut, ils réclament l’augmentation à 20 millions de leur dotation véhicule. Pas moins. Des députés approchés se plaignent du fait que 10 millions ne peuvent suffire pour acheter un bon véhicule, de surcroît un véhicule qui pourrait tenir cinq ans à défaut de refléter le prestige de la fonction ‘d’élu du peuple. Cet épisode de véhicules vient s’ajouter aux nombreuses autres récriminations des députés sur la gestion de la chambre et les privilèges exorbitants que s’octroient certains membres du bureau notamment les questeurs.
En dehors des membres du bureau, ils accusent certains députés proches du cabinet du président de l’Assemblée nationale de bénéficier presque tous les mois de missions fictives à l’étranger grassement payées sans déplacement effectif. Par ailleurs, ces mêmes députés se narguent la majorité, se vantant quelques fois d’obtenir tout ce qu’ils veulent et toutes les signatures. Pendant que les autres députés peinent à joindre les deux bouts face aux multiples sollicitations de la base.
« Nous sommes venus les accompagner », entend-on chez certains. Ils justifient aussi le fait que beaucoup d’entre eux préfèrent rester à Yaoundé au lieu de rentrer dans leur base à la fin delà session. « Nous allons entretenir la base avec quoi ? Nous ne sommes pas les maires qui ont un budget à gérer ».
Conséquences
« Dès que vous avez réalisé votre micro-projet avec les 8 millions avec quoi yous allez entretenir les populations ? Votre indemnité parlementaire ? Si c’est le cas vous allez rentrer plus pauvre de l’Assemblée Nationale que vous n’êtes arrivés », rumine un autre élu qui renchérit : « Nous souhaitons qu’il y ait plus d’équité et de justice à l’Assemblée nationale. »
Selon nos sources, environs 4 milliards sont remis au début de chaque législature à l’Assemblée nationale comme dotation aux députés nouvellement élus. S’il est un aspect avec lequel les parlementaires ne transigent pas, c’est bel et bien leurs véhicules de fonction. Lors de session de juin 2021, ils s’étaient levés comme un seul contre le ministre des Finances pour réclamer ce qui leur revient dé droit.
À défaut de leur donner des véhicules tout neufs Prado et Toyota Hilux pick-up 4×4, ces élus de la nation souhaitent voir leur dotation de véhicule passer de 10 à 20 millions de Fcfa Cette atmosphère crispée pourrait alors expliquer le boycott de la session par certains députés. Un comportement qui n’est pas sans conséquences.
En effet, l’article 100(1) de l’institution dispose que « lorsqu’un député est absent à trois séances consécutives, sans excuse légitime admise par l’Assemblée Nationale, il perd le bénéfice de la moitié de son indemnité législative pendant la durée de son absence et les deux mois qui suivent sa reprise d’activité ».
Plus sévère, l’article 101 va plus en disposant que « lorsque l’absence d’un Député s’étend sur trois sessions ordinaires consécutives, sans excuse légitime admise par l’Assemblée nationale, le bureau de l’Assemblée nationale constate la démission d’office du député concerné ».