Dans une interview accordée à Humanite.fr dimanche 23 octobre 2016, Jean-Marc Bikoko estime également que le bilan de la privatisation des chemins de fer du Cameroun est globalement négatif. Car, avec Bolloré Africa Logistics comme actionnaire de référence, Camrail exploite le réseau ferroviaire du Cameroun depuis 1er avril 1999 dans le cadre d'un contrat de concession signé avec l'État du Cameroun. «Dix-sept ans plus tard, aucune des missions dévolues à L'Office du chemin de fer TransCamerounais en termes de travaux de construction et de renouvellement des infrastructures n’a été réalisée. Les Camerounais aimeraient savoir combien de nouveaux bâtiments ont été construits, combien d'extensions ont été mises en place par Camrail, pourquoi l’écartement du rail camerounais est resté celui de l’époque coloniale», indique-t-il.
Jean Marc Bikoko pense également que «le groupe Bolloré Africa Logistics a juste réorganisé le transport des marchandises et des personnes, rationalisé la gouvernance financière de l’ancienne Regifercam, importé de vieilles locomotives d’Amérique du Nord qui correspondent à l’écartement du rail au Cameroun et repeint les vieux wagons existant. Au vu et au su de tout le monde, avec la complicité des gouvernants actuels du Cameroun».
Pour revenir au déraillement du train survenu à Eséka vendredi 21 octobre 2016, Jean Marc Bikoko adosse l’entière responsabilité à Camrail. Elle se situe à trois niveaux, dit-il.
«Sa première responsabilité réside dans la non-modernisation des chemins de fer camerounais après la concession en 1999 et leur maintien dans les normes coloniales. En effet, les voies du réseau ferroviaire camerounais sont très étroites, très loin des standards internationaux. Alors que l’écartement conventionnel conforme à la convention de Berne du 10 mai 1886 est de 1,435 m (1435 mm), l’écartement du rail au Cameroun est de 1000 mm. Au vu de l’étroitesse de la voie, il va de soi que la vitesse des trains est extrêmement réduite, ce qui justifie la durée assez longue des voyages. La durée du trajet Yaoundé-Ngaoundéré long de 653 km est de 15 à 20 heures, tandis que celle du trajet Douala-Yaoundé long de 265 km est de 5 heures.
Sa deuxième responsabilité réside dans la vétusté et le mauvais état du matériel roulant dont la maintenance ne serait pas rigoureuse. Certaines sources évoquent à propos de cet accident « les freins du train qui auraient lâché ». Le conducteur du train aurait appelé la gare pour le signaler. Certains survivants parmi les passagers affirment d’ailleurs avoir été surpris de voir le train rouler subitement à vive allure y compris dans les virages, suite à de fortes odeurs de brûlé et des bruits bizarres.
La troisième responsabilité réside dans la surcharge organisée par les responsables de Camrail qui, sous le prétexte de satisfaire la masse des passagers désemparés par la rupture de l’axe lourd Yaoundé-Douala et de permettre à plusieurs d’entre eux de rallier Douala, ont décidé de faire passer leur offre habituelle de 740 sièges à 1224 sièges le 21 octobre».