La société publique Cameroon Water Utilities Corporation (Camwater) traverse une crise financière sans précédent qui pourrait bouleverser durablement le secteur de la distribution d'eau potable au Cameroun. Avec des pertes estimées à 40,6 milliards de francs CFA, l'entreprise se trouve confrontée à un défi existentiel qui interroge la viabilité même de son modèle économique et sa capacité à répondre aux besoins essentiels des populations.
Depuis près de deux décennies, le prix du mètre cube d'eau reste désespérément figé à 344 francs CFA, un tarif arrêté en 2006 et qui n'a jamais été révisé. Cette immobilité tarifaire contraste violemment avec la réalité économique actuelle, où le coût réel de production atteint désormais 705 francs CFA, soit pratiquement le double du prix de vente. Chaque mètre cube distribué représente ainsi une perte sèche pour Camwater, créant un cercle vicieux de détérioration financière.
L'analyse détaillée des comptes de Camwater révèle un enchevêtrement de difficultés structurelles. Le chiffre d'affaires de l'entreprise stagne obstinément autour de 40 milliards de francs CFA, tandis que les pertes continuent de s'accumuler. Le réseau de distribution, particulièrement vétuste à Douala et Yaoundé, souffre de dysfonctionnements chroniques : plus de la moitié de la production d'eau (précisément 54,32%) se perd avant même d'atteindre les consommateurs, générant un manque à gagner annuel estimé à 30 milliards de francs CFA.
Pour tenter de redresser cette situation critique, Camwater a élaboré un plan de développement stratégique ambitieux pour la période 2025-2029. La principale mesure envisagée est une hausse significative des tarifs, qui interviendrait prudemment après l'élection présidentielle de 2025. Parallèlement, l'entreprise sollicite une compensation tarifaire auprès de l'État, sur le modèle existant dans le secteur électrique, espérant ainsi réduire son déficit chronique.
L'enjeu dépasse largement la simple situation financière d'une entreprise publique. C'est la capacité du Cameroun à garantir un service public essentiel qui se trouve aujourd'hui questionnée. La survie de Camwater conditionne l'accès à l'eau potable pour des centaines de milliers de foyers, révélant les fragilités profondes des infrastructures publiques du pays.