Le ministre de l'Emploi et de la formation professionnelle clarifie la situation du chomage et explique la stratégie du gouvernement pour y faire face. Lire l'interview.
Monsieur le ministre, la 6 eme édition de Salon International des Métiers et de l’Emploi (SIME) s’est tenu du 20 au 23 Avril sous le thème « l’ouverture aux métiers innovants vers le processus de l’émergence ». Qu’est ce a qui justifié le choix de ce thème ?
Soyez avant tout remercié de l’opportunité que vous me donnez de m’exprimer dans les colonnes de votre journal « Défis Actuels ». Votre question me donne l’occasion d’aborder une fois de plus la question du chômage dans notre pays.
Le combat contre ce fléau social est une préoccupation réelle de tous les pays du monde. C’est pour cette raison que le chef de l’Etat, Son Excellence Paul Biya ne cesse de réaffirmer sa ferme détermination à le combattre en instruisant au gouvernement à être le plus proactif possible sur ce terrain.
Le Salon International des Métiers et de l’Emploi (SIME) est donc l’un des mécanismes de combat. Cette plateforme qui réunit PME, établissements universitaires, grandes écoles, centres de formation et ministères, était le temps du SIME un espace de réflexion sur la problématique de l’emploi des jeunes.
Pour cette édition, il a été question d’amener les jeunes à saisir les multiples opportunités qui s’offrent à eux au quotidien. Il faut préciser que le SIME édition 2016 revêt un caractère particulier en ceci qu’il permet de découvrir de nouvelles pistes en termes de formation et d’emploi d’où le choix du thème « L’ouverture aux métiers innovants dans le processus de l’émergence ».
Cette thématique s’harmonise bien avec celle qui a guidé les travaux de la 11ème conférence annuelle des responsables des services centraux, déconcentrés et organismes sous-tutelle de mon département ministériel tenus les 04 et 05 février dernier au palais des Congrès de Yaoundé à savoir « Formation professionnelle et secteurs porteurs de croissance et d’emploi ».
Le choix de cette thématique pertinente et à caractère fédérateur qui englobe les objectifs du SIME, devrait, non seulement permettre à la formation professionnelle de demeurer un précieux sésame pour le développement de notre pays, gage de son émergence à l’horizon 2035, mais aussi contribuer efficacement à la résolution de la question de l’inadéquation entre les formations offertes et les besoins réels des milieux productifs, particulièrement dans un contexte où le combat engagé contre le chômage par le chef de l’Etat et la détermination des pouvoirs publics à promouvoir l’emploi butent encore sur l’inadaptation entre la formation professionnelle et le marché de l’emploi.
Monsieur le ministre qu’est ce qui fait la particularité de cette 6ème édition du Salon international des métiers et de l’emploi (SIME) et quelles sont les grandes innovations ?
Le SIME, bien qu’étant une initiative privée n’en constitue pas moins une mission de service public. Il appuie et complète l’action du gouvernement dans la promotion de l’emploi pour le bien de nos jeunes compatriotes en quête d’emploi et de qualification professionnelle adéquate.
Je saisie l’occasion qui m’est offerte pour adresser mes félicitations à l’équipe d’organisation de ce salon. Ce genre d’initiative est d’ailleurs à encourager et à multiplier en vue d’accompagner et d’accélérer l’émergence de notre pays qui a plus que jamais besoin d’une main d’œuvre abondante en qualité et en quantité.
Il n’est donc pas question aujourd’hui pour les jeunes camerounaises et camerounais de rester les bras croisés alors qu’il y a beaucoup à faire pour le développement de notre cher et beau pays.
En ce qui concerne la particularité de cette édition, je pense que les organisateurs sont mieux placés pour répondre, mais je peux indiquer tout simplement qu’il s’agira pour les visiteurs de découvrir les opportunités d’emploi dans les secteurs porteurs et innovants comme les mines, le numérique, l’environnement, l’agriculture et bien d’autres.
Quels étaient les principaux objectifs de ce salon ?
Ils étaient d’ordre éminemment pratiques et visaient à permettre auxles réalités professionnelles et les passerelles entre les secteurs d’activité ; s’informer sur les métiers et les filières porteuses et leurs débouchés; permettre aux différents participants d’établir des contacts et partenariats divers ; participer à des conférences, des ateliers, trouver ensemble des solutions pour construire ou reconstruire un projet professionnel durable ; combattre l’immigration clandestine ; faciliter le contact entre le chercheur d’emploi et le recruteur.
En bref, il s’agissait, comme cela a été au centre des travaux de notre conférence annuelle sus-évoquée, de permettre aux visiteurs d’avoir une lisibilité sur les offres de formation professionnelle existantes et la mise à disposition des informations fiables sur les secteurs porteurs de croissance et d’emplois.
Mais, comme l’a si bien dit le chef de l’Etat dans un de ses messages adressés à la jeunesse, je cite : « La professionnalisation ou la formation, selon le cas, sont en effet des points de passage obligés pour régler notre problème de l’emploi des jeunes », fin de citation. J’invite donc les jeunes à s’orienter vers cette voie.
Il se pose toujours l’épineux problème de l’insertion socioprofessionnelle des jeunes. Quelles mesures sont prises pour accélérer la résolution de ce problème ?
Bonne question. L’insertion socioprofessionnelle des jeunes reste l’une des préoccupations majeures des pouvoirs publics. Le ministère de l’Emploi et de la Formation Professionnelle qui a la délicate mission d’élaborer et de mettre en oeuvre la politique du gouvernement en ces matières a très vite pris la mesure de ses responsabilités en élaborant des mécanismes visant à juguler cet épineux problème.
Entres autres mesures prises, nous pouvons citer la lettre circulaire du 10 janvier 2011, qui invite les chefs d’entreprises publiques et privées et les promoteurs d’organisme de placement tant publics que privés de bien vouloir dorénavant publier toutes les offres d’emplois à travers les canaux légaux de communication en privilégiant les médias régionaux afin d’instaurer la transparence sur le marché de l’emploi et de promouvoir l’égalité de chance pour tous les citoyens dans les recrutements.
Ce sujet, a été débattu lors de nos assises annuelles en février dernier aux termes desquelles il a été recommandé la mise en place d’un système efficace d’orientation professionnelle et d’information des acteurs du marché de l’emploi et son extension sur l’ensemble du territoire national, en vue de renseigner les acteurs nationaux concernés sur les opportunités d’emploi et de formation, les métiers porteurs et d’apporter des aides individualisées, aux chercheurs d’emploi sans aucune discrimination.
Cette conférence annuelle a également souhaité le développement d’un système de formation professionnelle en adéquation avec les besoins des entreprises, apte à favoriser la première insertion professionnelle ; ainsi que la prospection et la conclusion par les services compétents du ministère de l’Emploi des accords de partenariats avec les entreprises, les investisseurs étrangers et toute autre unité de production créatrice d’emplois, à l’effet de favoriser la formation en alternance, les stages professionnels et la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE) professionnelle.
En quelques chiffres, quelle est la situation du chômage dans le pays ?
Selon le rapport de la Deuxième Enquête sur l’Emploi et le Secteur Informel (EESI 2), le taux de chômage au Cameroun est passé de 4,4% en 2005 à 3,8 % en 2010. Le niveau de sous-emploi bien que toujours important au cours de cette période, a diminué de 75,8 % à 70,6 %.
Trois millions neuf cent mille (3 900 000) actifs, dont la moitié à moins de 25 ans, sont en situation d’emploi inadéquat. De même, le secteur informel occupe environ 90 % de la population active avec plus de 50 % ayant des revenus inférieurs au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG). Ce tableau cache une véritable situation de précarité de l’emploi, car voilée par le phénomène de la débrouillardise et l’accroissement de l’informalité de l’économie et de l’emploi.
L’on peut également mentionner certaines pesanteurs liées à la collecte des données sur l’emploi. La formation professionnelle qui a pour vocation d’assurer l’insertion professionnelle en régulant les flux de sortants du système éducatif, devrait accueillir 150 000 apprenants par an jusqu’en 2020, selon la stratégie de l’éducation.
Or, la capacité d’accueil de nos structures de formation professionnelle reste encore faible avec un taux brut de formation de l’ordre de 10,8 %. En effet, les possibilités d’accès à nos structures publiques et privées de formation professionnelle se situe à environ 50 000 apprenants cette année, dont 80% dans les structures privées agréées. Tel est présenté le tableau en chiffre du chômage au Cameroun.
Quelle part prendra votre département ministériel dans la mise en œuvre du plan triennal spécial jeune lancé par le Président de la République ?
Mon département ministériel prendra toute sa place et une part active dans la mise en œuvre du plan triennal spécial-jeune lancé par le président de la République. Si vous posez cette question, c’est parce que vous savez que l’un des volets importants de ce plan est naturellement l’emploi.
Les travaux préparatoires à l’opérationnalisation de ce plan auxquels nous avons pris part sous la coordination de la présidence de la République ont déjà permis l’esquisse des profils des jeunes éligibles à ce plan, par la suite décliner des axes sur lesquels il faudra mettre un accent particulier en vue d’atteindre les objectifs d’insertion des jeunes dans leur ensemble.
Pendant toute la durée de ce plan spécial, nous mettrons un peu plus d’emphase sur l’adaptation des qualifications professionnelles des jeunes aux besoins du marché de l’emploi. Par ailleurs, nous serons encore plus regardant sur le placement des jeunes en emploi salarié dans le secteur privé et sur la mise à disposition des informations sur les opportunités d’emploi et de formation professionnelle.
La migration des entreprises du secteur informel vers le formel ne sera pas en reste tout comme la réhabilitation et l’équipement des structures de formation professionnelle, le renforcement des capacités des acteurs intervenant dans la promotion de l’emploi et la facilitation aux jeunes en âge de travailler et qui manifestent l’envie de s’auto employer, d’accéder aux microprojets créateurs de richesses, à travers des appuis du FNE, du PIASSI.
Vous voyez que le chantier est vaste et, non seulement la liste est loin d’être exhaustive, mais le ministère de l’Emploi n’est pas la seule Administration partie prenante dans la mise en oeuvre de ce Plan Spécial-jeune lancé par le chef de l’Etat Paul Biya.
Les statistiques sur l’emploi au Cameroun en 2015 font état de plus de 380 000 nouveaux emplois crées et recensés par le gouvernement. Ces chiffres ne sont-ils pas faibles par rapport à la demande en matière d’emploi au Cameroun ?
283.443 emplois nouveaux en 2014 et plus de 380 000 emplois en 2016. Ces chiffres donnent des indications sur la performance du marché de l’emploi. Cependant, comme il n’y a pas une allocation chômage et que les chercheurs d’emploi ne sont pas toujours enregistrés comme tel, il est très difficile d’avoir un chiffre exact d’emplois créés, au regard de notre méthode de collecte qui est essentiellement basée sur le recensement des jeunes insérés à travers les structures de placement et autres organismes en charge de l’insertion socioprofessionnelle.
Il est clair que tous les emplois créés ne sont pas toujours déclarés ni recensés. De plus, les nouveaux emplois créés et déclarés ne sont que les emplois formels.
Beaucoup d’autres sont créés dans le secteur informel que nous n’arrivons pas encore à comptabiliser contrairement à ce que laissent souvent croire quelques compatriotes, qui ont certainement les mêmes préoccupations que nous, à savoir produire des statistiques sur les emplois créés et même perdus. Méthodiquement, nous y arriverons.
Mais il faut savoir que les chiffres que le chef de l’Etat annonce chaque année sont crédibles parce qu’il les fait vérifier au préalable. Vous comprenez que si ces chiffres ne l’étaient pas, ils n’allaient pas faire partie des éléments structurants de ses discours.
Certains émettent des réserves par rapport à ces chiffres. Pourriez-vous apporter des éclairages notamment sur les secteurs où ces emplois ont été créés ?
Des polémiques tournant autour de la méthode de collecte des données, des secteurs pourvoyeurs et les types d’emplois, ont toujours suivi la publication des statistiques sur l’emploi. Ce qui est normal puisque celles-ci n’ont pas encore réussi à décrocher l’unanimité ici ou ailleurs. Mais, le ministère de l’Emploi en tant que comptable du gouvernement en matière d’emploi ne travaille pas seul dans la production des données.
Il bénéficie du soutien statistique et méthodologique des autres administrations publiques et privées partenaires. Raison pour laquelle la première et même principale source d’informations dans le recensement des emplois créés au Cameroun reste la source administrative. Nous pouvons citer sans être exhaustif, la Fonction Publique, les Offices privés de placement et les entreprises de travail temporaires, le FNE, le PIAASI et les programmes gouvernementaux, etc.
La seconde source de collecte des données est l’enquête auprès des entreprises ayant recruté par le canal formel ou non formel. Toutefois, Plusieurs obstacles constituent une entrave à cette collecte des données. Il s’agit principalement du manque de moyen de locomotion permettant aux différents points focaux des régions de ratisser l’arrière-pays, le peu d’intérêt de certaines administrations à ressortir le volet emploi dans la mise en œuvre de leurs projets et comme je l’ai dit, le non-respect de la réglementation qui oblige les entreprises à passer par la voie formelle pour tout recrutement. Il faut dire que l’essentiel des emplois découle de la réalisation des grands projets énergétiques, industriels, miniers, portuaires et agricoles.
Ces emplois peuvent être répartis en six grandes familles : les emplois du génie civil ( conducteur des travaux BTP, coffreur ferrailleur, etc.), les emplois d’équipement industriel (chaudronnier, technicien, hydraulicien usineur métal, etc.), les emplois liés au procédé d’extraction traitement des minerais (technologue en prospection minière, mécanicien de matériel d’exploration et d’exploitation minière, excavateur, etc.), les emplois de production hydro-électrique (opérateur de contrôle, superviseur-régulateur, etc.), les emplois d’administration et de gestion (gestionnaire des ressources humaines, déclarant en douane, etc.), et les emplois liés à l’environnement, la santé et la sécurité( inspecteur environnemental, responsable de l’hygiène et de la sécurité, pompier, etc.).
Monsieur le ministre où en est – on avec la mise en place des trois centres de formation professionnelle d’excellence implantés à Douala, Limbe et Sangmélima ?
Pour donner corps à la politique des « Grandes Réalisations » du chef de l’Etat, nous avons mis en œuvre une batterie de mesures visant à lutter contre le chômage et le sous-emploi. La construction et l’équipement de trois (03) centres de formation professionnelle d’excellence (CFPE) avec l’appui de la Corée du Sud à Douala, Limbe et Sangmélima rentre dans cette série de mesures.
La construction et l’équipement de ces centres vise à améliorer qualitativement et quantitativement l’offre de formation professionnelle. Aujourd’hui, les travaux sont achevés et réceptionnés. Nous sommes en train de régler quelques détails administratifs pour permettre le démarrage des cours.
Pour ce qui est de la capacité d’absorption de ces centres, le nombre d’apprenants à Douala est estimé à 660 ; celui de Limbe quant à lui aura un nombre total de 480 apprenants ; le centre de Sangmélima enfin accueillera 420 des apprenants pour un total de 1560 apprenants.
Concrètement quel est le mode opératoire de ces centres et à quels métiers ces jeunes sont-ils formés et quelles sont les conditions d’accès ?
Retenez tout simplement que les jeunes seront formés dans les métiers évoqués régulièrement par le chef de l’Etat dans ses différents discours et qui concernent l’électricité, l’électronique, la mécanique automobile, la mécanique générale, la menuiserie, la soudure, la plomberie, l’informatique, les métiers de la beauté, la couture, le stylisme, le froid et la climatisation, l’hôtellerie et le tourisme, la réparation des Machines Agricoles.
En ce qui concerne le mode opératoire, deux types de formation seront proposées : une formation régulière qui va s’étaler sur 12 mois et une autre formation courte de 03 à 09 mois. Les formations régulières vont se dérouler en journée pendant que les formations courtes auront lieu en soirée. L’accès à ces centres se fera par voie de concours.