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Chantage, torture morale : Enoh Meyomesse raconte l’enfer vécu au SED

Enoh Meyomesse Opposition Camerounaise L’arrivée de la gendarmerie sur le lieu de l’incident n'a pas arrangé les choses

Wed, 8 Nov 2023 Source: www.camerounweb.com

L’écrivain camerounais Enoh Meyomesse raconte son arrestation le 08 octobre dernier dans les locaux de Canal 2 International. Selon sa version des faits, il fut attaqué et violenté par Olivier Ndi et groupe de personnes en colère. Ses agresseurs ont menacé de caillasser le véhicule de Canal 2 International qui devrait le conduire à son domicile. L’arrivée de la gendarmerie sur le lieu de l’incident donne une nouvelle tournure aux évènements.

Le film de mon kidnapping dans la nuit du 8 octobre 2023 : comment on se sert de la gendarmerie pour régler des comptes et extorquer de l’argent au Cameroun.

(Agression en bande, tentative d’assassinat, extorsion de fonds »

8 octobre 2023. 23 heures. L’émission « L’Arène » de la Chaîne de télévision Canal2 International, ayant pour thème « l’unité nationale 62 ans après la réunification », dont j’ai été l’invité d’honneur, vient de s’achever. En sortant dans la rue, des voyous, amenés par Monsieur Marcel Olivier Ndi, se jettent sur moi, dans le but évident de m’étrangler, Monsieur Marcel Olivier Ndi m’ayant personnellement attrapé à la gorge. Immédiatement, Monsieur Rodrigue Tongué, l’animateur de l’émission, Monsieur Donald Zang, Monsieur Dimitri Amba, co-animateurs, qui me raccompagnaient afin que je monte dans le véhicule que Canal2 avait mis à ma disposition, s’interposent, avec énormément de difficultés, et parviennent à m’extraire des mains de mes agresseurs. J’ai néanmoins une immense douleur à la gorge. Sieur Ndi désirait me la casser. Au vu de la rage de Sieur Ndi et sa bande, Rodrigue Tongué demande au chauffeur de la Canal2 de m’embarquer dans le véhicule afin de me déposer à mon domicile.

Marcel Olivier Ndi menace de casser le véhicule de Canal2

si celui-ci tente d’aller me déposer à mon domicile.

Aussitôt, Marcel Olivier Ndi déclare : « s’il monte dans cette voiture, on la casse ». Tongué me demande, en conséquence, de me mettre en sécurité dans l’enceinte de la télévision. J’y retourne. Mes agresseurs demeurent dehors, dans le noir, à aboyer leur rage, annonçant qu’ils vont me tuer.

Appel à un parent haut-placé dans la police.

Face à cette situation, je demande à ma nièce qui m’avait accompagné à l’émission, d’appeler mon neveu, le Commissaire Divisionnaire XXX, de venir à mon secours. Au regard de l’heure tardive, il nous conseille de joindre le commissariat d’Etoudi, non loin de là. Rodrigue Tongué entreprend de le joindre au téléphone. En vain. Il essaie à plusieurs reprises. Rien. Le temps se met à passer. Marcel Olivier Ndi et sa bande, continuent à déclarer que je ne vais pas sortir vivant de Canal2.

Deux gendarmes et deux civils arrivent plutôt.

Aux environs de 23h15-23h 30mn, je vois entrer dans l’enceinte de Canal2 où je m’étais réfugié, deux gendarmes et deux autres personnes en civil. Je saurai par la suite que tous étaient des gendarmes. Quelle n’est pas ma surprise. Nous appelions la police, et c’est la gendarmerie qui arrive.

Quoi qu’il en soit, je me sens en sécurité, car, police, ou gendarmerie, ce sont des forces de maintien de l’ordre. Ces derniers me demandent : « C’est vous Monsieur Enoh ? » Je suis interloqué par cette question. Qui leur a communiqué mon nom ? Puis, ils me demandent de les suivre.

Suivez-nous, M. Enoh.

Je sors en leur compagnie de l’enceinte de Canal2. A mon grand soulagement, Marcel Olivier Ndi et sa bande ont cessé de me menacer de mort et d’aboyer dans la rue. Mais, je suis immédiatement intrigué par le fait que les deux gendarmes et les deux civils me demandent de monter sur une moto qu’ils ont apportée avec eux. Où désirent-ils m’emmener en pleine nuit ? D’autre part, Monsieur Ndi n’est pas, quant à lui, encerclé par les gendarmes. Moi je me serai attendu à ce que ce soit lui qui soit interpellé, pas moi, car c’est lui qui m’agressait et me promettait la mort. Dans le pire des cas, je me serai attendu à ce que nous soyons tous les deux interpelés. Mais, il n’en a rien été.

Je refuse de monter sur la moto des gendarmes en pleine nuit.

Où désirent-ils me conduire ?

Je refuse de monter sur cette moto, en pleine nuit, car je commence à m’inquiéter de ce qui est en train de se produire. C’est alors que le Sieur Ndi court héler un taxi, et lui propose une course. Ce dernier accepte.

J’y monte pratiquement de force, encerclé et poussé par les deux gendarmes et les deux civils. Je décide de n’opposer aucune résistance, ayant en mémoire l’affaire de Martinez Zogo, toute récente, lui qui venait d’être assassiné dans des circonstances plus que troubles, et étant entendu que je viens de contredire, au cours de l’émission, toutes les thèses des sécessionnistes camerounais, il n’est pas exclu que ce soient ceux-ci qui me préparent un mauvais coup.

Transporté à la Brigade d’Etoudi.

Je suis transporté à la brigade de gendarmerie d’Etoudi. En ces lieux, il m’est demandé ma carte d’identité, afin de me placer en garde à vue, mais pas Sieur Ndi et sa bande qui venaient de m’agresser. En clair, moi, la victime je suis arrêté, mais pas l’agresseur.

Environ une demi-heure plus tard, les deux civils reviennent, me demandent de sortir, et de monter à nouveau dans le taxi. Nous traversons la ville, et je me retrouve au SED aux alentours d’une heure du matin où il m’est annoncé par l’un de mes deux seuls accompagnateurs en civil désormais, qu’il existe une plainte contre moi, déposée par le Sieur Ndi.

Paul Chouta se gosse de mon arrestation.

J’y passe la nuit. Mon téléphone m’est retiré, puis remis vers 5h du matin. Je découvre que Paul Chouta, « l’influenceur » a déjà inondé la toile de mon arrestation pour « escroquerie et abus de confiance ». Qui l’en a informé ? Aucune idée. Je saurai par la suite que c’est Sieur Ndi qui l’a fait, afin de bien me salir. Je comprends donc pour quelle raison Calixte Beyala l’avait jeté en prison, ce Paul Chouta. Il bavarde plus que de raison.

Le matin, l’une des personnes en civil qui m’ont conduit de force la nuit au SED, sans me présenter le moindre papier, ni mandat d’amener, ni convocation, ni mandat d’arrêt, ni même se présenter à moi comme des gendarmes, apparait vers 8h30.

Mon arrêteur de la nuit « achète le dossier ».

Elle se met à arpenter les couloirs du service où j’ai été conduit. Vers 9h, cette personne vient à moi, et m’annonce tout gaillardement que « le dossier vient de m’être confié ». J’en tombe des nues. Traduction : ce personnage a procédé à mon interpellation la nuit, de toute évidence, par pur copinage avec Marcel Olivier Ndi, et naturellement en toute illégalité. Il n’était nullement chargé d’instruire quelque dossier que ce soit me concernant. Il est en conséquence parti le retirer des mains de quelqu’un d’autre. Bref, il a « acheté l’affaire » comme on le dit en langage trivial. Quoi qu’il en soit, il m’appelle et me présente une plainte pour: « abus de confiance, escroquerie, vente illégale de livres d’autrui, etc. »

Mon audition.

Mon audition se déroule sans encombre. Je réfute toute idée d’escroquerie.

1/- Sieur Ndi m’a adressé un manuscrit que j’ai publié, en ma qualité d’éditeur. Où est l’escroquerie ?

2/- Lorsqu’un auteur adresse un manuscrit à un éditeur c’est pourquoi faire ? Pour qu’il ne le publie pas ?

3/- Il a commandé des livres qui ne lui sont pas parvenus. J’ai expliqué que la faute revenait au transitaire. Bien mieux, j’étais à la recherche de Sieur Ndi pour savoir quoi faire, en accord avec lui, soit réimprimer le livre, sur mes propres fonds, soit lui rembourser sur le champ son argent.

4/- Un escroc ne se serait pas présenté à une émission aussi suivie que l’Arène de Canal2, car il aurait été retrouvé par sa victime. Simple bon sens.

Arrivée de Sieur Ndi.

Sur ces entrefaits, Sieur Ndi arrive, en compagnie de son épouse.

Il est procédé à une confrontation. Je réitère mes propos.

A ma grande surprise, Sieur Ndi me réclame la somme de 510 euros, soit 330 mille francs CFA, pour les livres commandés mais qui ne lui sont pas parvenus et exige, en plus, des dommages et intérêts à hauteur de huit cents mille (800.000) F CFA. J’en suis estomaqué. C’est ça, ou rien.

Je dévisage l’enquêteur qui a « acheté l’affaire », ce dernier demeure de marbre, ce qui m’amène à me confirmer qu’il est véritablement de mèche avec le Sieur Ndi depuis l’agression nocturne la veille. Il nous propose plutôt d’aller « nous entendre », afin de « régler à l’amiable » cette affaire.

Marcel Olivier Ndi réclame 800.000 francs CFA en plus de 510 euros

du tirage de son livre !

Nous sortons de la salle, mais ce faisant, je rappelle à l’enquêteur que ce Monsieur m’a agressé dans la nuit. Sieur Ndi rétorque aussitôt, à ma plus grande surprise, qu’il a tout filmé, toute chose supposant donc que la preuve de l’agression serait entre ses propres mains. Puis il se plaint que j’ai déclaré à David Eboutou d’avoir été rudoyé de coups de poings par lui, mais, que lui, il détient la vidéo de son agression, (il reconnait donc m’avoir agressé, et prémédité son acte), et prétend ne m’avoir asséné aucun coup de poing. Il peut le démontrer grâce à la vidéo.

Lors de mon tête-à-tête avec Sieur Ndi, je lui fais comprendre que je lui remets ses 510 euros le lendemain, en les retirant, avec ma carte bancaire allemande, dans un distributeur de la ville. Quant aux 800 mille francs CFA, impossible. Impasse. Bien mieux, à supposer que j’accepte, au regard de la position de force qu’il occupe sur le moment, de les payer, je ne peux le faire que dans un délai d’au minimum un mois, voire plus. Il les veut tout de suite. Nouvelle impasse. Il sollicite l’assistance de « l’enquêteur » au parti-pris évident. Tous les deux se retirent pour une longue concertation loin de mon regard. Ils y demeurent une bonne dizaine de minutes. A leur retour, ils conviennent que je dépose la somme de 510 euros, et que j’apporte des garants pour les 800 mille, sinon, je ne sors pas de la gendarmerie.

Extorsion de fonds par chantage à la garde à vue.

Pour ma part, je suis estomaqué par ce que j’entends. Il n’appartient pas à la gendarmerie ou à la police de déterminer les dommages subis par une personne, et, mieux encore, de déterminer le montant de la réparation. Cela est de la compétence exclusive d’un juge. Or, un OPJ ne l’est pas. Sieur Ndi et « l’enquêteur intéressé » sont en train de bafouer purement et simplement la loi. Ils me font du chantage à la garde à vue. Soit je cède, et je repars chez moi, soit je demeure en garde à vue jusqu’à ce que j’accepte de payer cette somme.

Nous sommes déjà à 15h. Je suis exténué par ma nuit sans sommeil, et terrifié par la perspective de nombreuses autres encore, dans la saleté, la surpopulation et les épouvantables odeurs des cellules de garde à vue. Bref, torture morale.

Je me résous à céder à leurs conditions, me réservant le droit d’intenter une action en justice par la suite.

Je suis confronté à une extorsion de fonds, en bonne et due forme, par le chantage à la garde à vue.

16h. Le colonel commandant de cette unité, est informé de ma détention dans ses locaux. Colère de sa part. Qui a pu faire cela ? Il me fait venir. « L’enquêteur » s’introduit de lui-même dans le bureau en compagnie de Sieur Ndi. Le colonel se confond en excuses du fait que j’aie dû passer la nuit en garde à vue dans ses services. Il demande à « l’enquêteur » de régler au plus vite cette affaire. Aux alentours de 17h30, je recouvre ma liberté.

Sieur Ndi inonde la toile d’un document haineux.

Peu de temps après, je tombe des nues en lisant dans un groupe WhatsApp que Ndi a « eu pitié de moi, au regard de mon état de santé alarmant, de mon âge, et en plus, ma fille est venue charmer le colonel Nana afin qu’il me libère ». Incroyable. Une recherche effrénée de célébrité à travers mon nom.

Quoi qu’il en soit, mercredi 11 octobre, j’ai déposé 510 euros à la gendarmerie, le montant des livres commandés et perdus par le transitaire.

L’affaire ne fait que commencer : les histoires, je les adore…

Enoh Meyomesse

Source: www.camerounweb.com