Colin Mukete : Du géant des télécoms à la santé, les nouvelles ambitions d'un entrepreneur camerounais

Fondateur de Spectrum Group et l'une des premières fortunes du Cameroun, Colin Mukete, principal actionnaire de MTN Cameroon, diversifie ses activités. Son nouveau projet ambitieux : la construction de complexes médico-sanitaires pour mettre fin aux évacuations sanitaires en Afrique centrale, tout en renforçant sa présence dans la zone portuaire stratégique de Kribi. C’est ce qu’on retient d’un Portrait réalisé par Jeune Afrique.

Lassé de voir ses compatriotes voyager en Inde, Afrique du Sud ou Tunisie pour se faire soigner, l'homme d'affaires camerounais souhaite non seulement les convaincre de rester sur place, mais également positionner son pays sur la carte mondiale du tourisme médical. C'est dans cette optique qu'il a présenté, en octobre dernier, son projet de complexes médico-sanitaires au ministre camerounais de la Santé publique, Manaouda Malachie.

Ces infrastructures, prévues à la périphérie de Douala et de Yaoundé, ne seront pas des hôpitaux conventionnels. Selon un proche de l'entrepreneur cité par Jeune Afrique, "ces déplacements à l'étranger sont essentiellement dus à un plateau technique défaillant localement. Il compte donc combler cette lacune, en mettant à disposition une infrastructure de pointe. Libre aux spécialistes et à leurs patients de 'louer' les installations durant la période de traitement."

Évalué à 380 millions de dollars en 2023 par Forbes, Colin Mukete poursuit la diversification de ses activités. Sa société d'investissement, Belmont Investments Ltd, prévoit d'intégrer le capital de l'entité exploitant la future zone industrielle du port en eau profonde de Kribi. Il détient déjà 10% des parts de Kribi Conteneurs Terminal (KCT), faisant de lui le principal actionnaire local de cette plateforme stratégique.

Décrit comme "secret, discret et effacé" par ses pairs, Colin Mukete excelle dans l'art de la compartimentation des affaires. Derrière ses manières de gentleman et son sourire permanent se cache un véritable "serial entrepreneur" qui, en deux décennies, a bâti discrètement un empire au Cameroun présent dans plusieurs secteurs :

• Communication (Spectrum TV)

• Immobilier

• Exploitation minière (Imic)

• Téléphonie mobile (MTN Cameroon)

"Il a un sens aiguisé des affaires et sait flairer les bons coups," commente un entrepreneur basé à Douala dans les colonnes de Jeune Afrique.

Né à Kumba dans la région anglophone du Sud-Ouest, Colin Mukete maintient des liens étroits avec ses origines. Chaque année, il retrouve ses six frères dans leur ville natale pour examiner notamment les comptes de Mukete Estates Limited (MEL), l'entreprise agroindustrielle familiale fondée par leur arrière-grand-père. Bien qu'il n'ait pas succédé à son père Victor Mukete au trône de l'ethnie Bafaw ni hérité de son titre de sénateur, il reste un membre actif du comité central du Rassemblement démocratique du peuple camerounais (RDPC, parti au pouvoir).

Contrairement à ses frères au parcours britannique, Colin Mukete affiche un profil américain. Diplômé en 1978 d'une licence en comptabilité et commerce de l'université Rutgers du New Jersey, il a ensuite obtenu un master en stratégie d'entreprise à la Gallatin School de l'université de New York. C'est dans cette ville qu'il a établi son quartier général, y acquérant récemment un appartement de plus de 4,6 millions de dollars sur la 5e avenue.

Après un passage dans l'audit, Colin Mukete s'est lancé dans le trading pétrolier au début des années 1980, servant d'intermédiaire pour la nouvelle Société nationale des hydrocarbures (SNH) créée par l'ancien président Ahmadou Ahidjo. "C'est l'origine de sa fortune," confie un proche à Jeune Afrique.

C'est en 2002 que son nom devient familier au Cameroun, lors du rachat par MTN de la première licence de téléphonie mobile du pays. Colin parvient à acquérir 30% des parts de MTN Cameroon, alors que son père présidait le conseil d'administration de Camtel, l'opérateur historique. "Il a régulièrement apporté sa contribution pour l'obtention de ses parts," précise une source proche du dossier pour écarter tout soupçon de favoritisme.

Malgré une restructuration ayant réduit sa participation à 20%, il demeure le principal actionnaire de la filiale camerounaise du groupe sud-africain. Après vingt ans à la présidence du conseil d'administration, il a cédé son poste en février 2024 au banquier Ebenezer Essoka, conformément aux exigences internes de gouvernance.

À 69 ans, le "prince Bafaw" n'envisage pas encore la retraite et continue de rechercher de nouvelles opportunités d'affaires.