Collectif "Universitaires Révoltés et Réformateurs" : Nke Fridolin lance un appel pour la grève

Nke Fridolin lance un appel

Sun, 17 Apr 2022 Source: www.camerounweb.com

Les Enseignants de l’Université de Douala, université publique d'Afrique centrale située dans la ville de Douala, la capitale économique du Cameroun menace d’entrée en grève à partir de ce lundi 18 avril. Dans cette perspective l’enseignant de philosophie Nke Fridolin lance un appel à ses collègues à travers le Collectif "Universitaires Révoltés et Réformateurs" :



LETTRES AUX ENSEIGNANTS DU SUPÉRIEUR



Chers tous,

Mardi prochain, le 19 avril 2022, nous sommes appelés à observer une grève générale dans les universités d'État du Cameroun. Nous avons mis en place le Collectif "Universitaires Révoltés et Réformateurs" et nous avons créé une plate-forme sur Télégram Messenger que chacun de vous devrait intégrer, au lien suivant :

https://t.me/+lSqocCQNa35lMjJk

Dans ce mouvement, nous formulons

une série de revendications bien précises.

Pour le moment, elles tiennent en quatre (04) points :

1- La gouvernance universitaire au triple plan :

a- de l'enseignement et des curricula,

b- de la recherche (bibliothèques, abonnements à des revues spécialisées ; éditorialisation,

création des pôles d'excellence, etc.)

c- et du management des institutions universitaires ;

2- La gouvernance infrastructurelle (Reconstitution complète des universités publiques, des centres de recherche, etc.) ;

3- La gouvernance numérique ;

4- La mensualisation de la prime de la modernisation de la recherche (et augmentation du salaire, à débattre) ;

Ce mouvement vient en appui aux syndicats du supérieur pour pallier leurs manquements et leurs limites constitutives. Le SYNES, par exemple, a fait des propositions au gouvernement depuis des décennies. Les gens d'en face leur ont opposé le mépris et la suffisance. Humiliés, les dirigeants syndicaux se contentaient de lancer des mouvements de grève intempestifs, et à répétition, pour dissimuler la honte qu'ils ressentaient à la gorge. Or, le syndicat n'a pas nécessairement pour vocation de déclencher des grèves, rôle incongru auquel le SYNES est actuellement astreint.

En tant que syndicalistes, ils ont le devoir d'encadrer tous les mouvements qui surviennent dans notre corporation. Par conséquent, LE SYNES EST INVITÉ À ENCADRER (SEULEMENT) CE MOUVEMENT QUI PREND CORPS. Ce serait inédit et efficace. Tout ce qu'ils demandent depuis des décennies n'est pas obtenu, à cause de l'autisme du pouvoir en place et de la complicité de certains responsables syndicaux qui trahissent leur mission en échange d'espèces sonnantes et trébuchantes, d'autres avantages immoraux et des nominations (ou promesses de nomination) au ministère et dans les universités. L'avantage des mouvements spontanés, comme celui-ci, c'est qu'il n'y a pas de responsabilité (de sanction) individuelle à redouter. C'est un mouvement citoyen, ce n'est pas le projet d'une déstabilisation ou d'une insurrection.

Je comprends l'attitude de ceux qui restent silencieux, par peur, par prudence, par paresse, voire par faiblesse.... Mais un universitaire qui est dominé par la peur ne peur rien produire ; il ne peut rien inventer. Pour découvrir, il faut du toupet, il faut oser et s'affirmer ; il faut pénétrer l'insondable, bafouer le proscrit ; il faut provoquer l'inconnu pour en faire sortir des connaissances indispensables à la vie humaine.

Nous devrions normalement impulser l'industrialisation, et le développement en général, par nos travaux de recherche et une meilleure prise en compte de ceux-ci par les décideurs. Malheureusement, nous sommes devenus pour la plupart improductifs, larbins, émasculés. Un universitaire qui craint pour la sécurité de sa bourse, de son confort et sa vie est un fardeau pour la société et il mérite le mépris, pour lui-même et pour ses étudiants mal formés. C'est ce mépris que nous récoltons au quotidien.

Si vous décidez de rejoindre la grève, c'est pour refaire votre colonne vertébrale éthique en tant qu'universitaires. Nous constituons les poutres autour desquelles se construisent les nations modernes. Vous ne pouvez donc pas intégrer le groupe juste pour assister en tant que spectateur de votre avenir. La réussite ou l'échec de ce projet n'est pas le fait d'une seule personne ; c'est notre œuvre commune qui prend corps entre plusieurs cerveaux. Il faut plusieurs mains pour attacher ces fagots de bois bandés d'espoir et qui sont destinés à nourrir la flamme incandescente des avenirs juvéniles.

Ne ressentons-nous pas dans la bouche ce goût fade du mépris et de la clochardisation caractéristique des intelligences bafouées ?

Chers collègues,

Il n'est jamais trop tard pour prendre conscience des conséquences désastreuses d''une trahison. Nous avons trahi le peuple par notre silence complice depuis un demi-siècle et notre improductivité scientifique. Pour inventer, pour créer la civilisation, des hommes de lettres, des artistes, des scientifiques et de grands génies du passé se sont sacrifiés. Ils ont accepté de ressentir la faim, la soif, de se blesser, de se tuer dans des expéditions dont ils/elles savaient qu'elles étaient périlleuses. Mais ils savaient qu'en initiant ces actions, en frayant ces chemins qui ne menaient nulle part au départ, leurs disciples, leurs successeurs poursuivraint le défrichage jusqu'à la clairière de la vérité. C'est cela être un précurseur. On n'est jamais libre tant qu'on est esclave dans sa tête...

Pourquoi refuserions-nous de nous rendre utiles à la société en disciplinant nos envies démesurées, en contraignant les autorités de nous respecter et de nous écouter ? N'est-ce pas ce respect, cette considération ou cette dignité qui conditionne la fierté de prospecter la vie en tant qu'enseignant-chercheur, d'en découvrir les richesses, les horreurs, les splendeurs, et d'offrir cette expertise critique aux concitoyens et à l'humanité tout entière ?

Si nous échouons aujourd'hui à nous faire respecter, si nous renonçons à être dignes et respectables, nous n'aurons aucune excuse devant nos devanciers ; nous seront bafoués par le pouvoir, comme c'est le cas actuellement, et par nos étudiants qui se vengeraient ainsi parce que nous les aurons contaminés notre morgue sans ressorts, notre cupidité, notre vanité, nos tournures d'esprit espiègles et rétrogrades, notre superficialité, notre infertilité cognitive.

Cher collègue,

Si tu es à l'aise avec la précarité et le musèlement que nous subissons, tu réponds à cet appel par la négative ; si tu souffres du gigantesque gâchis que constitue l'enseignement supérieur dans notre pays, alors tu répondras par l'affirmative et tu nous suivras....

Tu es aussi libre de (toujours) garder silence. Dans tous les cas, on fera avec ceux qui veulent la Réforme de l'université et la fin de la clochardisation des enseignants d'universités.

Mais, plus que jamais nous devons nous renflouer physiquement, intellectuellement, mentalement, spirituellement, pour inspirer l'espoir et la résilience, sinon nous retrouverons nos guenilles au fond des poubelles de l'Histoire de notre grand peuple.

JE VOUS AURAIS PRÉVENUS....

Nke Fridolin

Secrétaire général du SYNES-FALS-UY1

"Le Visionnaire de l'au-delà".

Source: www.camerounweb.com