Après le retrait de 127 titres fonciers irréguliers dans le département de l’Océan, le ministre des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncières (Mindcaf) ne s’est pas arrêté là. Henri Eyebe Ayissi est allé plus loin en frappant ceux de ses collaborateurs véreux impliqués dans ce type de transactions dans les régions et du Sud et du Littoral. Ils sont cinq à avoir été suspendus de fonction par décision du Mindcaf du 31 juillet 2023.
De manière formelle, la décision ministérielle constate « l’impossibilité » pour les mis en cause « de continuer d’exercer normalement leurs fonctions actuelles, en raison des événements enregistrés, au plan professionnel, dans le cadre leurs fonctions antérieures et respectives au sein des délégations régionales du Littoral et du Sud/Mindcaf et de la délégation départementale de l’Océan/Mindcaf ; événements qui constituent des éléments correspondants ou assimilables à un empêchement dirimant », écrit Henri Eyebe Ayissi, qui prononce par conséquent, « pour de besoins de procédure, la vacance juridique des postes de responsabilité actuels occupés par les intéressés ».
Il s’agit notamment de l’actuel délégué départemental du Dja et Lobo, alors chef du service régional des affaires foncières dans le Sud ; de l’actuel chef du service régional des affaires juridiques à la délégation régionale du Sud, alors en charge des affaires foncières ; de l’actuel chef du service régional du cadastre à la délégation régionale de l’Adamaoua, alors en charge du cadastre dans l’Océan ; de l’actuel chef du service départemental du cadastre à la délégation départementale du Mbéré, alors chef du service régional des affaires foncières dans le Littoral. Il va sans dire alors que c’est la faute de l’administration qui est ainsi reconnue.
Prérogative
En rappel, 127 titres fonciers établis sur le site devant abrité le projet d’exploitation industrielle du minerai de fer de Lobe (arrondissement de Kribi 1er), ont été retirés par arrêté du Mindcaf du 10 juillet 2023 pour cause d’irrégularités. À préciser également que ces terres font partie du domaine national de 2ème catégorie.
Cette prérogative est reconnue au Mindcaf par le décret présidentiel du 27 avril 1976 fixant les conditions d’obtention du titre foncier, modifié par le décret du 16 décembre 2005. Si le principe est celui du caractère « inattaquable, intangible, définitif » (article 1er) du titre foncier, des exceptions subsistent néanmoins. Celles-ci sont clarifiées à l’article 2 et suivant du décret. Alinéa 3 : « le ministre chargé des affaires foncières peut, en cas de faute de l'Administration, résultant notamment d'une irrégularité commise au cours de la procédure d'obtention du titre foncier, et au vu des actes authentiques produits, procéder au retrait du titre foncier irrégulièrement délivré ». Et l’alinéa 6 de compléter: « un titre foncier est nul d'ordre public dans les cas suivants : lorsque plusieurs titres fonciers sont délivrés sur un même terrain ; dans ce cas, ils sont tous déclarés nuis de plein droit, et les procédures sont réexaminées pour déterminer le légitime propriétaire.
Un nouveau titre foncier est alors établi au profit de celui-ci ; lorsque le titre foncier est délivré arbitrairement sans suivi d'une quelconque procédure, ou obtenu par une procédure autre que celle prévue à cet effet ; lorsque le titre foncier est établi en partie ou en totalité sur une dépendance du domaine public; lorsque le titre est établi en partie ou en totalité sur une parcelle du domaine privé de l'État, d'une collectivité publique ou d'un organisme public, en violation de la réglementation ».
Accord préalable
Le Mindcaf est fondé à constater la nullité du titre foncier, selon l’alinéa 7. Dans la même veine, « les agents publics reconnus auteurs ou complices des actes irréguliers ayant entraîné le retrait ou la constatation de nullité d'un titre foncier, sont sanctionnés conformément aux dispositions de l'article 2 de la loi du 14 juillet 1980 portant répression des atteintes à la propriété foncière et domaniale », précise l’alinéa 8. Il faut cependant noter que dès son arrivée à ce ministère, Henri Eyebe Ayissi s’est engagé sur la voie de l’assainissement de la gestion foncière au Cameroun.
C’est ainsi qu’il a axé son action sur le principe de l’« accord préalable » dans la délivrance du titre foncier. Aussi, a-t-il commencé à appliquer le mécanisme de la « mobilité fonctionnelle » dans son ministère. Une règle de management par laquelle il privilégie le dynamisme de ses collaborateurs à travers la rotation des postes, afin d’éviter la création des sortes de féodalités qu’on observe dans certaines administrations publiques. Dans la même logique de salubrité, le Mindcaf depuis son entrée en fonction, a déjà signé une quinzaine de circulaires pour palier certaines dispositions législatives devenues obsolètes en matière foncière et domaniale.