Face au secret gardé par Orange Money et Mtn Mobile Money sur le processus de récupération des dépôts effectués par des clients décédés ou disparus, les consommateurs sont face à un mur. Les retombées financières passées sous silence ne sont pourtant pas négligeable. Enquête au cœur d’une grosse et silencieuse arnaque…
Que devient l’argent des clients disparus ou décédés et dont les ayants-droits ignorent l’existence du compte de monnaie électronique qu’ils détenaient de leur vivant auprès d’Orange ou de MTN ?
C’est le black-out total. Le silence délibérément gardé par ces opérateurs sur cet aspect des contrats signés ne participe que d’une exploitation juteuse de la manne délaissée.
LIRE AUSSI:Accident ferroviaire d'Eseka: Orange confisque l’argent des morts
Pour ne prendre qu’eux, deux récents évènements ont fait monter à la surface le pot-aux-roses. En effet, les familles des nombreuses victimes d’Eséka ou encore celles des naufragés du Mundemba se posent résolument comme des victimes d’Orange Money et MTN Mobile Money, et même que le plus grand nombre d’entre elles ignorent jusqu’à ce jour qu’elles sont ayants-droits d’un dépôt d’argent tenu au secret d’un mot de passe chez les deux entreprises-phares de la monnaie électronique au Cameroun. Ne parlons pas des décédés enregistrés chaque jour où figurent sans les titulaires des comptes Orange Money ou MoMo bien garnis.
Un silence malhonnête
Orange et MTN n’exploitent-ils pas le silence contractuel comme une arme d’enrichissement indu ? Un douteux prétexte étant pris de ce que le passage au numérique ne demande plus le moindre papier et que les usagers de la mobile money se satisfont de l’extrême simplicité et de la rapidité des transactions.
En effet, plus MTN s’est bien implanté dans les mœurs des Camerounais avec son produit mobile, plus le respect pour l’obligation d’information préalable des consommateurs financiers s’est réduit comme peau de chagrin.
« Mais depuis combien de temps est-ce que vous avez ouvert votre compte [MTN MoMo, Ndlr] », s’est exclamé un opérateur de la compagnie, à qui la question était posée à la faveur de cette enquête de savoir, « où est passé le contrat papier et plein d’articles qui détaillait les modalités du contrat ? ». Ce dernier ouvre systématiquement des comptes Mobile Money désormais sans tâcher d’informer les clients des modalités, à plus forte raison, celles concernant les ayants-droits de clients disparus ou décédés lui sont d’ailleurs méconnues.
LIRE AUSSI:Barreau du Cameroun: découvrez 'l’incroyable' talent de cet avocat aveugle
Concernant Orange Money en revanche, des contrats écrits sont encore visibles chez les détaillants appelés partenaires. Dénommé « conditions spécifiques Orange Money », l’accord MBS [Mobile Banking System], en langage simple, « Mobile Money », le contrat passé avec les clients mentionne tout de même la façon dont est gérée la succession en cas de décès.
En effet, d’une part, il apparaît à l’article 4.2 du contrat Orange Money que, « le compte est individuel et seul un utilisateur, dont le domicile est situé au Cameroun et ayant un accès mobile peut en être titulaire ». Dans le même temps, l’article 4.4 avance que « le décès de l’utilisateur entraîne le blocage de [l’argent] figurant le compte jusqu’à l’issue des opérations de liquidation dans le respect de la loi applicable ».
En d’autres termes, si le client utilisateur décède sans avoir révélé à la famille l’existence d’un compte ou de son code d’accès, la situation profite à l’opérateur. Concrètement, l’opérateur en cas de disparition du client ne se presse pas de lancer un investissement à la recherche des ayants-droits. De plus, aucune information n’explique dans quels délais les fonds bloqués peuvent être débloqués ou si l’opérateur peut se les appropriés. Mais devant un tel flou « voulu », aucun opérateur n’a besoin de se diligenter pour rechercher les héritiers.
Mais, par-dessus, toute chose, « l’inquiétude procède de ce que, au moment de la signature du contrat, le formulaire de souscription ne prévoit pas d’espace pour contacter une personne proche. Cela permettrait d’entamer rapidement la procédure ou dans une meilleure option, une personne en faveur de laquelle sera débloquée la somme tenue en compte, un peu comme une assurance-décès », explique un expert ayant requis l’anonymat.
Illégalités
Au moment où l’augmentation des frais des transactions monétaires par téléphonie vient d’être faite de manière unilatéralement et où tous les utilisateurs se sont levés comme un seul homme pour s’offusquer, cet autre aspect n’est pas pour arranger les choses.
LIRE AUSSI:Du séminaire à Etoudi, voici l’intégralité du parcours atypique de Paul Biya
En effet, inscrites discrètement dans leur contrat qu’aucun client n’a lu, les clauses chez Orange lui attribuent la possibilité de modifier les prix comme bon lui semble. La seule contrainte que cette entreprise française s’impose est d’informer les utilisateurs « au moins 30 jours calendaires avant l’entrée en vigueur » de la modification des tarifs. A la vérification, difficile de dire que le contrat qu’il a lui-même écrit et faire « lire et approuver » est respecté par Orange.
En tout état de cause, la succession de raisons d’insatisfaction d’abus des droits de consommateurs financiers remet au goût du jour la nécessité de retourner vers les règles juridiques protégeant les consommateurs de produits financiers et des services tels qu’Orange et MTN Mobile Money.
La loi-cadre n° 2011/012 du 6 mai 2011 portant protection du consommateur au Cameroun est pourtant claire sur l’obligation d’information des consommateurs tels que ces d’Orange Money et MTN Mobile Money.
« Chaque fournisseur ou prestataire d’une technologie, d’un bien ou d’un service doit fournir au consommateur, en français et en anglais, une information juste, suffisante, claire et lisible concernant les biens et services offerts afin de lui permettre de faire des choix adéquats et raisonnables avant la conclusion d’un contrat » dispose l’article 13. Pour ne prendre que cet exemple, l’information n’est pas suffisante sur le décès des utilisateurs.
LIRE AUSSI:Epervier: comment Paul Biya a démantelé les réseaux maffieux à Etoudi [Retro]
Par ailleurs, les réseaux sociaux font émerger un constat. Les clients de tous les bords sont mécontents des autorités de contrôle du secteur qui font toujours la sourde oreille. Ceux-ci, notamment l’Agence de Régulation des Télécommunication doit valider le modèle de contrat d’abonnement préalablement.
Il est difficile de croire que les contrats de mobile money d’aujourd’hui sont lus avant d’être utilisés.
En tout état de cause, la bonne et complète information préalable des clients est le début d’une bonne protection des clients désarmés face à la puissance des multinationales.