Le 10 décembre dernier, la Déclaration universelle des droits de l’homme célébrait ses soixante-dix-sept (77) ans. La Commission des droits de l’homme du barreau Camerounais a, à cette occasion, dressé un tableau plus que sombre de la répression des contestations postélectorales, suite à la présidentielle du 12 octobre 2025.
Outre la disparition d’Anicet Ekane dans des circonstances troubles, des centaines de Camerounais restent embastillés. Une trentaine vient de recouvrer la liberté la semaine dernière, parmi lesquels des mineurs et des femmes enceintes. Dans ce climat social tendu, les mesures de décrispation ont toujours un côté cathartique dans la construction d’une nation. « Ce rêve d’avenir partagé » ainsi que le pensait Ernest Renon.
Le président Paul Biya serait-il prisonnier de sa victoire et otage de ses créatures ? Le septennat qui commence s’avère lourd de conséquences sur l’avenir. En décryptant quelques signaux d’alerte, on perçoit un profond malaise. Un nouveau mandat devrait reconfigurer le contrat social, libérer les énergies et restaurer l’espoir. Au train où vont les choses, la société camerounaise s’enlise dans le défaitisme et la défiance à l’égard des politiques publiques jugées inefficaces.
Les mouvements d’humeur qui se multiplient çà et là sont l’expression de cette rupture consommée entre gouvernants et gouvernés. Meiganga – Ngaoundéré, les camionneurs excédés par un racket en règle et des extorsions sur la nationale numéro 1, enclenchent un mouvement d’humeur. La médiation du lamido de Ngaoundéré et du gouverneur de l’Adamaoua n’y fera rien. Les grévistes, en dépit de leurs revendications légitimes, se fourvoient en s’entremêlant les pédales dans un activisme politique inopportun.
L’armée rentre dans la danse pour dégager la route et restaurer le trafic. Douala dans la même veine. Une bavure policière sur un moto taximan tourne au vinaigre. Par solidarité envers leur congénère qui venait de recevoir une balle à l’épaule pour avoir brandi une arme blanche à des policiers en patrouille, les moto taximen paralysent une partie de la capitale économique avant d’être délogés d’un sit-in qui aurait pu dégénérer. Mutenguene.
Des populations prennent d’assaut les rues, manifestant contre les coupures intempestives et prolongées du courant électrique. C’est le lot quotidien des populations sur l’ensemble du territoire. On est passé au mieux, au rationnement de l’énergie électrique et au pire, à un black-out général pendant des semaines au grand dam des ménages et de la petite économie de survie. Les grands barrages et autres projets énergétiques annoncés en grande pompe, se sont mués en de véritables éléphants blancs, voie royale de la prédation. Que dire de Tiko ? L’incendie d’un camion-citerne qui dérive, provoque un carambolage qui embrase jusqu’aux maisons riveraines.
Scène d’apocalypse qui jette une lumière crue sur l’effondrement des infrastructures sociales de base. Les infrastructures routières payent le lourd tribut de la prédation et de la prévarication impitoyable. Péages automatiques, ponts métalliques, autoroute Yaoundé-Douala, et tutti quanti. Les chantiers s’amoncèlent dans la crapulerie de tous ces crimes impunis. Le peuple ne croit plus à tous ces effets d’annonce. Le bien commun est foulé aux pieds par une élite compradore qui a sombré dans une frénésie de l’accaparement et de l’accumulation. Elle brade les terres, trafique les titres fonciers, les concours et les diplômes, construit des cimentières en béton et tient en respect les masses silencieuses reléguées à vivre d’expédients dans un climat de peur et de terreur.
Tous les grands principes sur la démocratie, les droits de l’homme et les libertés sont aujourd’hui piétinés par cette élite illégitime qui les manipulent au gré de ses intérêts. De Milan Kundera à Vaclav Havel, deux figures emblématiques ayant battu en brèche le régime totalitaire, la démocratie est une République humaine centrée sur des valeurs civiques et morales, et non sur le pouvoir de l’argent. Nous sommes loin du compte.
Lorsque la déclaration universelle des droits de l’homme rappelle que tous les hommes sont nés égaux en devoirs et en dignité, et qu’ils ont reçu du créateur des droits inaliénables et sacrés, tout cela est réduit au Cameroun au stade de simple prédication. La force du droit ayant remplacé le droit de la force. Comme c’est dommage ! Blaise Pascal est formel : « Le droit sans la force est impuissant, la force sans le droit est tyrannique ». Il est donc bon que ce qui est juste soit fort et ce qui est fort soit juste.