Confidentiel : le Cameroun aide la ‘flotte noire’ de la Russie à éviter les sanctions

Ces dernières semaines, il est apparu que le gouvernement camerounais se rapprochait du Kremlin, alors que d'autres pays ont pris leurs distances. Alors que le Fonds monétaire international met une nouvelle fois Yaoundé en demeure de réformer sa gouvernance et son économie, les diplomates et les investisseurs se demandent si le Cameroun est un partenaire fiable.

Une analyse des risques réalisée par l'organisation non partisane Global Campaign for Peace & Justice in Cameroon (Campagne mondiale pour la paix et la justice au Cameroun) met en garde contre la détérioration de la sécurité au Cameroun et la réticence de Yaoundé à résoudre la crise anglophone, qui nuisent à sa réputation internationale. Le conflit dans les régions majoritairement anglophones du Cameroun a mis à mal les économies de ces régions, tout en provoquant des déplacements massifs et des destructions.

Le gouvernement canadien a récemment organisé trois réunions préliminaires entre Yaoundé et plusieurs groupes et représentants séparatistes anglophones, dans le but d'ouvrir la voie à des négociations inclusives. Toutefois, le processus s'est enlisé après qu'un communiqué du gouvernement camerounais a nié tout engagement. Si l'administration du président Paul Biya continue à chercher une solution militaire à la crise séparatiste de longue date, l'impasse de la violence découragera les investissements et tout le monde continuera à souffrir.

Les relations de plus en plus étroites entre le Cameroun et le Kremlin pourraient également inciter les partenaires diplomatiques internationaux potentiels et les investisseurs à prendre leurs distances. Au lendemain de l'invasion de l'Ukraine par la Russie, le Cameroun a renouvelé un accord militaire avec la Russie et, le mois dernier, le Cameroun a de nouveau choisi d'être absent lors d'une résolution de l'Assemblée générale des Nations unies sur l'Ukraine.

Un rapport de S&P Global Market Intelligence publié cette semaine indique que le Cameroun aide la "flotte noire" de la Russie à éviter les sanctions. "Depuis l'invasion russe de l'Ukraine, les navires passent sous pavillon camerounais dans l'espoir que les pratiques suspectes des navires, y compris l'appartenance à une flotte fantôme, ne soient pas régulièrement examinées ou inspectées", indique le livre blanc de S&P.

On craint également que Yaoundé n'étende ses relations avec le controversé groupe Wagner, la société russe de mercenaires soumise à des sanctions internationales. Le groupe Wagner, accusé d'atrocités en Ukraine, au Mali, en Libye et ailleurs, utilise déjà le port camerounais de Douala pour importer des équipements lourds et exporter des ressources qu'il extrait de manière douteuse de la République centrafricaine.

Les entreprises internationales qui envisagent de travailler au Cameroun peuvent être dissuadées par la corruption généralisée des fonctionnaires et par un système juridique et bancaire peu fiable, autant d'obstacles sérieux à la prospérité. Les groupes de surveillance impartiaux Transparency International et la Fondation Mo Ibrahim donnent au Cameroun un mauvais bulletin de notes en matière de corruption, le Cameroun arrivant respectivement au 142e rang sur 180 pays et au 36e rang sur 54 pays africains. Les deux groupes estiment que la corruption des fonctionnaires camerounais s'aggrave, malgré les promesses du gouvernement d'assurer la transparence et la responsabilité. Le dernier rapport annuel de la Banque mondiale sur l'environnement des affaires décrit également une détérioration de la situation.

En plus de prendre des mesures pour mettre en œuvre des pratiques commerciales transparentes, les autorités de Yaoundé devraient suivre le conseil de s'engager à nouveau dans les pourparlers de paix menés par le Canada. Le recours à un facilitateur impartial pour parvenir à un accord pacifique est considéré comme la meilleure chance d'améliorer la stabilité, la sécurité et l'environnement commercial du pays. Le Canada rencontrerait le Cameroun cette semaine, ce qui permettrait à ce dernier de devenir un partenaire fiable en traçant la voie vers les pourparlers et la prospérité future.