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Conflit arabe-choa – mousgoum : pourquoi Cavaye Yeguié a fait marche arrière

Les objectifs recherchés à travers cet exercice sont certes louables.

Sun, 4 Jun 2023 Source: L'Oeil du Sahel

Dans un communiqué daté du 31 mai 2022, le président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yéguié Djibril, renvoie sine die une rencontre prévue initialement le 5 juin 2023 à Maroua et relative au «lancement des de retour définitif à la paix et au vivre ensemble dans le département du Logone et Chari et la région de l’Extrême-Nord, suite aux affrontements sanglants et mortels entre les communautés arabe et Mousgoum».

Quelques jours plus tôt, des correspondances signées du président de l’Assemblée nationale et datées du 26 mai 2023 avaient été adressées aux élites de l’Extrême-Nord et aux chefs traditionnels de cette région pour ce qui se voulait une grande kermesse politique. «En vue du déroulement harmonieux et efficace des opérations devant conduire au retour définitif à la paix et au vivre ensemble dans le département du Logone et Chari et au-delà suite aux affrontements sanglants et mortels entre les communautés Arabe et Mousgoum des mois d’août et décembre 2021, j’ai l’honneur de vous convier (…). Cette réunion se tiendra le lundi 05 juin 2023 au Cercle municipal de Maroua à 9 heures 30 minutes», peut-on lire dans le document.

Pourquoi la rencontre a-t-elle finalement avorté ? Selon diverses sources, les leaders des communautés Arabe et Mousgoum ont marqué clairement leurs désaccords à cette initiative élaborée par le ministre Yaouba Abdoulaye sans leur consentement. «Cette initiative est celle du ministre Yaouba Abdoulaye, qui se dissimule derrière Cavaye Yeguié pour faire avancer son propre agenda politique. Il aurait pu choisir un autre prétexte que celui d’un conflit inter-ethnique qui est en passe d’être derrière nous grâce au soutien de l’administration et aux mécanismes de conciliation qui existent entre les deux communautés pour réaliser ses desseins. Nous cohabitons, fréquentons les mêmes marchés, marchons ensemble dans les rues ; pourquoi remuez le couteau dans la plaie 17 mois après ?», analyse un haut cadre Mousgoum en service à Yaoundé. Même rengaine dans la communauté arabe-choa.

«Il est surprenant que le conflit inter ethnique Arabe-choa - Mousgoum préoccupe aujourd’hui le président de l’Assemblée nationale qui, depuis les incidents d’aout et décembre 2021, n’est jamais venu dans le Logone et Chari presenter symboliquement ses condoléances aux victimes. Jamais, il n’y a même pas dépêché un émissaire. En plus, s’il y a une rencontre à propos de nos différends, quel autre endroit est mieux indiqué que Kousseri ? Et pour finir, je puis vous rassurer que les tensions entre Mandara et Mada dans l’arrondissement de Tokombéré me semblent davantage plus actuelles qu’un conflit en passe d’être résorbé», regrette pour sa part une élite Arabe-Choa.

CRITIQUES

Ce rejet de l’initiative, partagé par les deux communautés, a conduit Kalkaba Malboum, leader de la communauté Mousgoum et le député Kamssouloum Abba Kabir, leader de la communauté Arabe-choa, à monter au filet. D’après nos informations, les deux responsables auraient multiplié des démarches à tous les niveaux pour expliquer les risques de la démarche du président de l’Assemblée nationale. Dans la correspondance du député Kamssouloum Abba Kabir datée du 29 mai 2023 et adressée au président de l’Assemblée nationale, l’on peut clairement percevoir un certain malaise.

«Les objectifs recherchés à travers cet exercice sont certes louables. En effet, je ne doute pas des bonnes intentions du Ministre Yaouba Abdoulaye qui, d’ailleurs, avait spontanément, au mois de décembre 2021, fait don d’une importante quantité de vivres et matériels en faveur des victimes Arabes-Choa et Mousgoum à la suite de ce conflit. Cependant, à mon humble avis, il serait plus judicieux de maturer ce projet et mettre tout le monde au même niveau de compréhension, avant de voir ce qu’il y a lieu de faire, pour apporter un plus, par rapport à la situation actuelle», peut-on lire dans la correspondance.

Critiqué de toutes parts, le président de l’Assemblée nationale a engagé des consultations pour une sortie de crise ; mais avant que le couperet ne tombe, le ministre Yaouba Abdoulaye a pris les devants.

Dans une correspondance datée du 31 mai 2023, il suggère à Cavaye Yeguié le report à une date ultérieure de la réunion initialement convoquée le 5 juin. «J’ai reçu copies des correspondances par lesquelles le colonel Hamad Kalkaba Malboum et l’honorable Kamssouloum Abba Kabir respectivement leaders des communautés Mousgoum et Arabe pour demander le report de la réunion convoquée pour le 5 juin 2023 à Maroua et relative au lancement des opérations de retour définitif de la paix et du vivre ensemble entre toutes les communautés des régions septentrionales et faisant suite aux affrontements sanglants et mortels entre les Arabes et les Mousgoum», souligne le ministre. Et de poursuivre :

«je n’ai pas d’objection à ce report puisque ce sont ces deux communautés qui sont les principales parties prenantes aux affrontements et les acteurs majeurs de la conduite des opérations conduisant au retour définitif à la paix et au vivre ensemble».

Cavaye Yeguié entérinera cette proposition avec empressement d’autant plus qu’elle le sortait d’une impasse certaine, pour ne pas dire d’une humiliation politique assurée. Ni Kalkaba Malboum, encore moins Kamssouloum Abba Kabir et son collègue Bara Julien ne manifestaient en effet aucun désir de prendre part à ce que beaucoup qualifient aujourd’hui de tentative de mascarade politique.

Mais pour Yaouba Abdoulaye, baroudeur hors pair qui s’est fixé pour objectif de jouer les premiers rôles dans une région où le patron politique, Cavaye Yéguié Djibril, a abandonné ses positions, ce n’est que partie remise. «Yaouba Abdoulaye est un baroudeur. Dans son Diamaré, il est à l’étroit et pour exister, il doit chercher fortune ailleurs», analyse Boukar Magda, militant du Rdpc à Maroua. Quelle autre ficelle après le conflit Arabe-choa – Mousgoum ?

Source: L'Oeil du Sahel