Confusion : quand Albert Kouinché et Aristide Ekindi s’étripent pour une villa

Cela fait une décennie que les parties se battent

Wed, 3 Nov 2021 Source: Kalara

La société immobilière du promoteur d’Express Union et le célèbre architecte sont tous les deux détenteurs d’un titre foncier sur le même lopin de terre à Koumassi. Le Tribunal administratif est saisi pour dire lequel des deux protagonistes est propriétaire du site. Le conflit fait également l’objet d’autres procédures dans les juridictions civile et pénale où l’on parle de fausses pièces d’identité d’individus inexistants ou décédés utilisées.

Alors que les deux plaideurs s’en allaient achever leur ouvrage du jour devant le Tribunal administratif du Littoral quelques anecdotes contées par Me Ebenezer Mongue-Din, figure du barreau et avocat d’Aristide Ekindi, le défendeur, ont provoqué le courroux de son confrère Me Désolice Piendjio, avocat de la partie adverse : la société civile immobilière (SCI) Express Résidence. Il s’agirait d’une demande de règlement non judiciaire de l’affaire en cours émanant de la SCI.

Or, en ce moment, tierce-opposante, Express Résidence attaque un précédent jugement du même tribunal rendu en juin 2020 en faveur de M. Ekindi. Ledit jugement annulait un acte de mutation à partir duquel en 2006, la SCI a acquis un terrain comportant du bâti à la lisière du chic quartier de Koumassi, en allant vers le centre-administratif à Bonanjo. C’est dire la valeur du bien.

Et Me Piendjio de tancer son confrère : «Cela ne se fait pas de parler d’une telle correspondance entre avocats.» Au bout, il ajoute qu’il saisirait volontiers les instances de régulation de leur ordre professionnel pour ce qu’il juge comme un impair, car, par-dessus le marché, Me Mongue-Din a déclaré qu’une juge apparemment disposée à relancer l’affaire dans un de ses volets devant le tribunal de première instance de Yaoundé-Centre-administratif s’est refroidie en voyant le nom du patron de la SCI, Albert Kouinche, promoteur d’Express Union, société de transfert d’argent, et député à l’Assemblée nationale.

D’après le demandeur en fait, la mutation s’est faite de manière régulière après un acte de cession initié par le défunt propriétaire Eitel Ndedi Mpacko, avec le concours de plusieurs notaires qui «ont reconnu la validité de leurs actes», plaide Me Piendjio. Il convient de signaler qu’au total M. Ekindi revendique un millier de mètres carrés. Soit 825 m2 qu’il a achetés à Ndedi Mpacko en juin 1993 par devant notaire. Ajoutés à 348 m2 offerts par l’État du Cameroun et qu’il a fait joindre par l’administration du cadastre, indique son conseil à Kalara.

Sa parcelle recouvre donc 1173 m. Le différend jaillit quand Aristide Ekindi entreprend au cours de la même année 2006, de faire muter le titre foncier à son nom. Mais pourquoi avoir attendu si longtemps ? L’impécuniosité de l’architecte Ekindi durant les années où l’économie camerounaise était en grande difficulté expliquerait la distance entre l’acquisition et la procédure de mutation qui implique des frais notariaux…

Notaire à Yaoundé

Pourtant, en face, l’on maintient que Ndedi Mpacko a bel et bien vendu son terrain pour supporter les frais de soins de santé importants qu’imposait son état alors. A l’époque, indique Me Piendjio, il se trouvait à Yaoundé dans un grand établissement hospitalier en compagnie de sa fille qui est témoin de la vente. Voilà pourquoi l’on peut trouver dans la procédure une chose qui apparaît comme un hic : les notaires qui instrumentent la vente se trouvent établis à Yaoundé, au sein d’une société civile professionnelle réunissant des noms bien connus.

N’étant pas territorialement compétents, ils sollicitent le concours d’une de leurs collègues de Douala. L’étape de Yaoundé se résumant au recueil des signatures des protagonistes. C’eût été le cas, rétorque le défendeur Ekindi, qu’il reste une liste d’autres bizarreries, déjà évoquées devant les juges civil et pénal que les débats n’ont pas permis d’éclaircir au regard de l’objet de la demande qui ne les concerne qu’incidemment.

Le tribunal de première instance de Douala-Bonanjo saisit pour annuler la vente au profit de la SCI a ainsi par exemple renvoyé dos-à-dos les parties. Tout en relevant que le duplica-tum dont se prévaut Express Résidence n’existe pas à la conservation foncière du Wouri, le juge rejettera requête de M. Ekindi, car elle comporte un vice : l’interpellation de la succession Ndedi Mpacko qui n’est pas une personne juridique et donc pas justiciable.

Néanmoins, le témoignage de Joseph Mpacko, fils de Ndedi Mpacko, a révélé qu’il n’existe pas une fille du défunt nommée Ngombo Ndedi tel que te mentionnent les documents de leur pseudo-vente, argumente Me Mongue-Din. Mieux encore, le vendeur supposé ne se trouvait pas au Cameroun à l’époque de la vente (janvier et avril 2006), étant évacué en France pour recevoir des soins à la suite d’un grave problème de santé.

Pour autant le tribunal de grande instance du Wouri, saisi à son tour au pénal pour frapper d’éventuels et inconnus faussaires dans l’affaire, ne rendra pas responsable une certaine Fotso Mekou Tagakou qui aurait été distinguée par son enquête commente «notaire» réel de la vente au profit de la SCI. «Le juge a expliqué sa décision par ce qu’elle n’a pas été mise en cause par 1e témoin. Comment aurait-il pu te faire dès tors qu’il ne la connaît pas ?», interroge l’avocat de M. Ekindi.

Contre l’ordonnance de non-lieu rendue en 2012 en instance, les parties sont d’ailleurs en attente d’une décision de la Cour suprême. Tout comme au civil où le «premier» acheteur a été débouté en appel de sa demande d’annulation alors même que la SCI a vu approuver son souhait de retrait d’une requête équivalente à celle d’Aristide Ekindi qui, elfe, visait la nullité, de la première vente.

Conservateur perplexe

Dans un autre volet criminel suivant une enquête diligentée à la demande de l’architecte Ekindi à Yaoundé, des faits nouveaux achèvent de faire de ce différend une histoire à tiroirs. Devant te tribunal de Yaoundé-centre administratif, en 2017.

M. Ekindi a porté plainte en désignant cette fois-ci nommément comme suspects d’une fraude dans les écritures concernées, les notaires et M. Kouinché. Le plaignant ici pourrait démontrer que les références techniques des cartes d’identité dans l’acte de vente qu’auraient signé Ndedi Mpacko et Ngombo Ndedi correspondent à un autre homme, Rossini Ndongo, et une autre femme, Pélagie Bayengle… Un fagot de piques contre lesquelles Me Piendjio préfère attendre la décision avant de mettre ses éléments de réponse à la disposition de Kalara.

Ce qu’il pourra faire le 30 novembre lors du délibéré du tribunal administratif du Littoral dont le procureur a d’ores et déjà réclamé qu’il soit favorable à M. Ekindi.

D’après le ministère public en effet, la tierce opposition de la SCI Express Résidence s’attaque à une décision rendue avec le concours avisé et éclairant de l’administration foncière : «Le motif qui a permis d’annuler la mutation [celte de M. Kouinché, ndlr] c’est l’absence de procédure régulière. Le conservateur foncier a dit sa perplexité, sa surprise de voir telle mutation. 11 a dit que le duplicatum du titre foncier qui est valide est celui entre les mains du requérant d’alors [M. Ekindi, ndlr]. Voilà pourquoi je requiers de confirmer le jugement précédent.»

Rappelons que le patron d’Express Union se trouve également confronté à Yaoundé devant les juridictions administratives et pénates à un autre adversaire, M. Tasha Lawrence, au sujet de la dispute d’un espace foncier situé au quartier Bastos.

Face à cet autre adversaire, il lui est reproché d’avoir recouru quasiment au même procédé qu’à Douala pour accaparer le terrain querellé. La tentative du député de bénéficier de l’immunité parlementaire pour retarder les poursuites pénales à Yaoundé avait été repoussée par te juge. Cela fait une décennie que les parties se battent.

Source: Kalara