Corruption et affairisme au Mindcaf : des responsables éclaboussés

Eyebe Ayissi Insécurité Alimentaire Le délégué départemental du Mfoundi et sa bande, sont accusés, d’extorsion de millions

Mon, 11 Sep 2023 Source: Le Zenith N°463

Champ clos d’affairisme, îlot de magouilles et de corruption… C’est vrai, le ministère des Domaines, du Cadastre et des Affaires foncière a mauvaise presse. C’est notoire. Mais ce qui le serait moins, c’est certainement le fait que dans ce département ministériel, le maître des lieux a très souvent été bouc-émissaire, souffre-douleur et même tête de turc à cause des manœuvres odieuses de ses collaborateurs véreux et vénaux.

C’est le cas dans le dossier foncier Essomba Yaah Anne Rose, où toutes les instructions par lui données à l’effet de son aboutissement heureux, sont foulées aux pieds, ou simplement jetées aux orties. Dans ce cas, quatre responsables de ce ministère sont particulièrement pointés. Il s’agit du délégué départemental du Mfoundi d’alors, et sa bande constituée de Charles Atangana Mani et Nadine Messina Mballa, qui occupaient il y a peu de temps, respectivement les postes de chef de service Cadastre, et de conservateur du Mfoundi B, mais également d’une certaine Mme Bitoutou.

Des personnes qui, selon nos sources et les documents parvenus à notre rédaction, sont accusées de faire du dossier d’obtention du duplicatum du titre foncier par Mme Essomba Yaah Anne Rose leur fonds de commerce, sans préjudice de se substituer à cette dame pour vendre son terrain. En effet, après s’être rendu compte qu’elle avait droit, une fois devenue majeure, au nom de sa maman, de bénéficier d’une partie de terrain immatriculé par son oncle, le Dr Maurice Gaston Atangana, en excluant les autres membres de sa famille ; dame Essomba Yaah Anne Rose avait engagé, en 2017, deux actions simultanément, une devant le Mindcaf et une action administrative.

Soit dit en passant, le Dr Maurice Gaston Atangana avait obtenu le titre foncier n°1709/Nyong et Sanaga d’une superficie de 24ha 63a 50ca au lieu-dit Nkomo II en 1965. Aux termes du décret n°66/132/COR du 23 mai 1966 déclarant d’utilité publique les travaux d’extension de l’aérodrome de Yaoundé sur des terrains d’une superficie de 2333ha 16a 92ca entre Ekounou et Nkomo, le terrain de celui-ci avait été exproprié entièrement suivi d’une indemnisation à concurrence de 7.450.000 Fcfa.

« Au moment de la matérialisation dudit projet, les agents du Cadastre en charge de ce travail, en l’ occurrence M. Fotso avait constaté que seule une partie du terrain exproprié de Maurice Gaston Atangana entrait dans ce projet et avait suggéré à l’Etat du Cameroun de procéder à la rétrocession du reste de la parcelle à son ayantdroit, soit 12ha 04a 65ca », indique une source. Le procès-verbal de la rétrocession du reste de ce terrain se fera établir donc le 19 avril 1985.

« Après la restitution de ce site au Dr Atangana en 1985, celui-ci a fait une vente auprès de Me Henri Tagné, notaire à Yaoundé en 1987 », soutient la même source.

Cellule du contentieux

Parmi donc les actions engagées par Mme Essomba, ira vite celle menée au niveau de la justice. Elle avait alors abouti au jugement n°415/2019/TAYDE du 17 décembre 2019 à la faveur de cette dame dont le nom devrait être désormais inséré dans ledit titre foncier. Si curieux que cela puisse paraître, cette décision de justice sera attaquée par le Mindcaf, particulièrement par Thérèse Marie Diana, cadre à la cellule du contentieux des Affaires foncières et Domaines, et a fait l’objet d’un pourvoi en cassation devant la Cour Suprême le 12 février 2020.

« La très haute juridiction, vidant sa saisine a déclaré, suivant l’arrêté n°118/P/FD/2021 du 04 août 2021, le Mindcaf déchu de son pourvoi pour dépôt tardif de mémoire (…) consolidant ainsi les droits de la requérante sur ledit titre foncier ».

A partir de ce moment, débute un thriller kafkaïen pour cette dame, dans lequel elle va alors prêter le flanc à toutes sortes d’arnaque de certains responsables du Mindcaf, qui ne s’arrêteront d’ailleurs pas à ce niveau, ce d’autant plus que, sur le tard, elle découvrira qu’une bonne partie de son terrain avait été vendue.

« Il convient de rappeler que pendant que le dossier était pendant devant la Cour Suprême suite au pourvoi du Mindcaf, sa délégation départementale du Mfoundi a fait signer au ministre l’ arrêté n°0769/MINDCAF/SG/D12/D122 du 02 octobre 2020 constatant la nullité d’ ordre public le reste du Tf 1709/Mfoundi ».

Une fois le membre du gouvernement au fait des décisions de justice, il a instruit par lettre, le délégué départemental du Mfoundi, de procéder à l’exécution de celles-ci. C’était alors ouvrir la boîte de pandore, mieux c’était laisser table ouverte à toutes les manœuvres dolosives, orchestrées par certains de ses collaborateurs.

Même la saisine, parallèlement à l’action devant le juge administratif, du président de tribunal d’Ekounou, en vue des procédures judiciaires, ne les amena pas à baisser pavillon.

Retrait d’indivision

« La première procédure était la requête aux fins de duplicatum n°2 dudit titre foncier. Le président du tribunal ayant fait droit à ma demande suivant l’ordonnance n°224/19. Cette ordonnance a été notifiée au délégué Mindcaf du Mfoundi, ainsi qu ’ au Mindcaf lui-même qui a autorisé la délivrance de ce duplicatum (…) Par la suite le tribunal d’Ekounou a rendu en ma faveur de jugement n°224/TPD confirmé par l’ arrêt n°233/DT du 25 octobre 2018 portant sur mon retrait d’indivision de ce titre foncier, ainsi que le jugement n°67/TPD du 20 janvier 2020 portant sur la désignation d’ un notaire en l’ occurrence Me Laurentine Ngo Baynak pour procéder aux opérations matérielles de ce retrait d’indivision », soutient Mme Essomba.

Ce dossier par la suite, à en croire nos sources, aurait été rangé dans les tiroirs, pendant plusieurs années, par le chef de service du Cadastre d’alors, Charles Atangana Mani et Nadine Messina Mballa, conservateur du Mfoundi B de cette époque, pendant plusieurs années. Pseudo-raison invoquée : le terrain querellé était encore la propriété de l’Etat du Cameroun, « surtout qu ’ en son temps, j’avais engagé une action devant le Mindcaf parallèlement à l’ action judiciaire pour solliciter la rétrocession de ce site. En réponse à ma requête adressée au Mindcaf, celui-ci avait ordonné qu ’ un état des lieux soit fait sur le site suivi d’ un rapport qui lui a été adressé pour faire le point au ministre sur l’ occupation de l’ espace sur ce site », indique la plaignante.

Après que cette dame ait fait parvenir au Mindcaf toute la documentation en sa possession, une fois de plus, le ministre ordonna l’insertion de son nom dans le titre foncier dont il est question. Aubaine donnée donc, selon nos sources, au chef de service départemental du Cadastre, après que le dossier lui avait été transmis pour compétence par le délégué Mindcaf du Mfoundi, de tomber dans l’escarcelle de Mme Essomba Yaah Anne Rose.

Ce responsable du Mindcaf lui aurait d’abord demandé 600.000 Fcfa pour l’envoi d’une équipe sur le terrain en vue de la restitution des bornes, selon certaines sources. Après avoir encaissé cet argent, dit-on, le chef du service Cadastre serait revenu à la charge en exigeant cette fois encore 600.000 Fcfa pour, faisait-il savoir, le rattachement au système géodésique. 300.000 Fcfa s’ajouteront à ces exorbitants montants d’argent sortis de la poche de la plaignante, pour la signature du dossier technique avant transmission du dossier à la Conservation.

Droits de signature

Une fois cette étape franchie, c’était au tour de Mme Bitoutou d’entrer en scène. Celle-ci aurait exigé 500.000 Fcfa, soit 400.000 Fcfa pour elle-même et 100.000 Fcfa pour l’achat du carnet pour remplissage du titre foncier. La raison était toute trouvée : faire avancer le dossier.

« Un mois plus tard, elle m ’ a envoyée voir le conservateur Mme Messina Mballa Nadine pour lui verser ses droits de signature du duplicatum. Je lui ai versé la somme de 300.000 Fcfa. C’ est après avoir reçu cet argent que le conservateur m ’ a délivré le certificat de propriété dudit titre foncier signé le 25 avril 2023. Je tiens à rappeler que j’ ai versé certaines sommes d’ argent en présence de mon avocat », soutient la dame.

En dépit de ces tribulations et de mirobolantes sommes d’argent dépensées, Mme Essomba devrait encore attendre pour entrer en possession du duplicatum de son titre foncier. Les raisons multiples étaient alors invoquées par les responsables du Mindcaf pour justifier ce retard qui se profile à l’infini, notamment l’erreur sur le premier duplicatum que cette dame devrait réparer en donnant une fois de plus 100.000 Fcfa pour, disait-on, l’achat d’un autre carnet.

Saisi après ces désagréments essuyés par la plaignante, le délégué départemental du Mindcaf resta motus bouche cousue. Toutes choses qui trahiraient une collusion entre lui et ses collaborateurs. Et le pot-aux-roses aurait alors été découvert. Selon nos sources, le refus de délivrer le duplicatum à Mme Essomba tiendrait du fait que « à l’époque où le Mindcaf avait demandé de faire l’état des lieux, ces derniers avaient déjà vendu plus de 5.800 mètres carrés par des ventes de gré à gré comme l’atteste leur rapport d’avril 2022 signé du chef de service du Cadastre. A ce jour, le délégué départemental et sa bande, en l’occurrence Charles Atangana Mani, le chef de service du Cadastre, Mme Bitoutou et Mme Messina en son temps ont déjà vendu plus de 05ha de mon terrain avec un taux d’occupation du site sur plus de 4 ha et demi pour un préjudice total qui s ’élève à plus d’un milliard six cent millions de Fcfa. Cette bande avait par ailleurs mandaté Mme Bitoutou de me dire que je dois accepter 01ha sur les 12 pour qu ’il me délivre le titre foncier sur cet ha, chose que j’ ai refusée », déclare dame Essomba.

Le ministre Henri Eyebe Ayissi interpellé. Nous y reviendrons.

Source: Le Zenith N°463