Encore un coup d'État en Afrique - cinq semaines seulement après que le président du Niger, Mohamed Bazoum, a été pris en otage par sa propre garde présidentielle, le président du Gabon, Ali Bongo, se retrouve lui aussi détenu dans sa résidence.
Une déclaration a été faite à la télévision nationale aux premières heures de mercredi, selon laquelle M. Bongo a remporté l'élection présidentielle du dimanche 27 août. Elle a été suivie d'une prise du pouvoir par l'armée, quelques heures plus tard, dans cette ancienne colonie française.
Plus tard dans la journée, des images montraient des foules en liesse au Gabon - après que la nouvelle junte a mis fin à la coupure d'Internet imposée par le régime de M. Bongo de la veille du scrutin au "décompte" opaque des voix. Le chef d'État déchu est apparu dans une vidéo envoyée depuis son lieu d'incarcération.
L'air ahuri, il a appelé - en anglais - ses amis à l'extérieur à "faire du bruit", dans l'espoir apparent qu'une pression extérieure puisse inverser la tournure des événements, une perspective qui semble peu probable.
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Avant cela, l'année 2021 avait été marquée par deux coups d'État en Afrique de l'Ouest. En mai, le colonel Assimi Goïta, déjà auteur d'une précédente prise de pouvoir militaire au Mali, avait organisé un deuxième putsch pour réaffirmer sa mainmise sur le pouvoir.
En septembre 2022, les forces spéciales guinéennes se sont frayé un chemin jusqu'au palais Sékhoutouréyah de Conakry pour arrêter le président Alpha Condé.
On n'oublie pas le Tchad où, après la mort au combat du président Idriss Déby Itno, en avril 2021, un conseil militaire est intervenu pour assurer la succession de son fils et, partant, le maintien du régime.
Que se passe-t-il donc en Afrique de l'Ouest et en Afrique centrale, et en particulier dans les anciennes colonies françaises ?
Il y a six ans, le départ en exil du dirigeant gambien Yahya Jammeh, battu à l'élection présidentielle par Adama Barrow, a laissé tous les pays d'Afrique de l'Ouest sous un régime constitutionnel multipartite.
Dans la partie centrale du continent, certains régimes autoritaires ont survécu, mais l'ère des prises de pouvoir militaires semblait révolue.
Pourtant, au cours des trois dernières années, sept coups d'État ont été perpétrés dans cinq pays, auxquels s'ajoute la prise de pouvoir par les militaires au Tchad.
Il existe des facteurs communs qui ont, à tout le moins, créé des conditions dans lesquelles les soldats ont estimé qu'ils pouvaient intervenir dans une relative impunité, et souvent avec le soutien d'une grande partie de la population urbaine, en particulier des jeunes frustrés.
Dans une grande partie de l'Afrique de l'Ouest et de l'Afrique centrale, les jeunes citoyens sont largement désenchantés par la classe politique traditionnelle, même par ceux qui ont été légitimement élus.
De nombreux Gabonais étaient sceptiques quant à la décision de M. Bongo de se présenter pour un troisième mandat. Il a accédé au pouvoir pour la première fois lors d'élections il y a quatorze ans, à la suite du décès de son père, Omar Bongo, qui avait monopolisé la présidence pendant plus de quarante ans.
De sérieux doutes subsistaient, plusieurs années plus tard, quant à sa capacité à diriger efficacement le pays, car il avait été victime d'un accident vasculaire cérébral en octobre 2018.
Le président déchu a déployé de sérieux efforts pour moderniser l'appareil gouvernemental, diversifier l'économie et lutter contre les inégalités sociales. Il a également été salué par la communauté internationale pour ses efforts proactifs et novateurs en vue de la protection des forêts tropicales et de la riche biodiversité du Gabon. Il a fait quelques concessions à l'opposition politique.
L'armée est finalement intervenue, déclarant que l'élection "ne remplissait pas les conditions d'un scrutin transparent, crédible et inclusif tant espéré par le peuple gabonais".
De nombreux Gabonais ont salué le coup d'État, qui suscite des craintes quant à l'avenir de la démocratie dans de nombreux pays d'Afrique de l'Ouest et d'Afrique centrale.
Paul Melly est consultant du programme Afrique de Chatham House, à Londres.